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"Une culpabilisation des pauvres" : l’idée de conditionner le RSA à un minimum d’activité fait bondir les associations

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Une idée portée par plusieurs candidats à la présidentielle comme Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Nicolas Dupont-Aignan.

La proposition fait bondir les associations. Portée par plusieurs candidats dont Emmanuel Macron, Valérie Pécresse et Nicolas Dupont-Aignan, l'idée est de conditionner le versement du RSA à un minimum d'activité.

Le Revenu de Solidarité Active est aujourd'hui ouvert, sous certaines conditions, aux personnes d'au moins 25 ans et aux jeunes actifs de 18 à 24 ans s'ils sont parents isolés ou justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle. Son montant, qui dépend du nombre de personnes à charge, est de 565,34 € pour une personne seule en métropole, et de 848,01 € pour un couple, sans enfant à charge.

"Des candidats qui cherchent des boucs-émissaires"

"C'est un ressort classique et extrêmement lâche de la part de candidats qui ne veulent pas remettre en cause les inégalités d'un système qui profite aux plus riches, et qui préfèrent trouver des boucs émissaires : tantôt les migrants, tantôt les pauvres... C'est commode car ils ont peu de pouvoir, ne sont pas organisés entre eux et ont donc du mal à s'exprimer", lâche Jean Merckaert, directeur du plaidoyer au Secours catholique.

Les mots ne sont pas plus tendres chez la Fondation Abbé Pierre. "On marche sur la tête. On renvoi les échecs sociaux à l'individu et pas à la société. Cela revient à dire 'si vous ne vous en sortez pas c'est de votre faute. Les pauvres, tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à bien travailler, la société doit leur mettre un coup de pied aux fesses'", déplore Manuel Daumergue, Directeur des études de la Fondation Abbé Pierre.

Macron propose 15 à 20 heures d'activité en échange du RSA

Dans le détail, Emmanuel Macron propose une réforme du RSA avec "15 à 20 heures d'activité" hebdomadaire. "La logique qu’on porte, c’est celle de dire que les devoirs ouvrent les droits, et non l’inverse. Ce ne sont pas les droits qui ouvrent les devoirs", justifiait le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, ces derniers jours.

Une idée déjà mise en place par le gouvernement avec le lancement du contrat d'engagement jeune, en mars. Il offre un soutien renforcé aux 16-25 ans qui peinent à s’insérer et leur permet également de toucher une allocation, à condition de suivre le "parcours" proposé, sous la forme de 15 à 20 heures par semaine d’occupations diverses (formation, tâches d’intérêt général, mise en situation professionnelle…).

Pécresse et Macron veulent faire travailler les allocataires en dessous du SMIC

Valérie Pécresse, la candidate des Républicains, vise 15 heures d'activité en contrepartie, soit 65 heures par mois, pour un RSA de 565,34 euros, soit une rémunération de 8,69 euros de l'heure, au montant actuel du RSA pour une personne seule en métropole.

Emmanuel Macron évoque une fourchette de "20 heures d'activité par semaine", soit une rémunération de 6,52 euros de l'heure.

"C'est bien en dessous du SMIC horaire, (fixé à 10,57 euros bruts, ndlr) cela va avoir un effet néfaste sur l'emploi car cela va créer aire une concurrence déloyale aux emplois avec des personnes sous payées", déplore Manuel Daumergue.

"Pour Dupont-Aignan, être pauvre, c'est un délit pour lequel il faut payer"

Nicolas Dupont-Aignan propose depuis plusieurs années une journée de travail par semaine, sous forme de journée de mission d'intérêt général pour la collectivité.

"Les Travaux d'Intérêt Général (TIG), c'est une peine pour des gens qui ont commis une infraction. Nicolas Dupont-Aignan est donc en train de dire qu'être pauvre, c'est un délit pour lequel il faut payer; cette proposition c'est une criminalisation de la pauvreté", déplore le directeur du plaidoyer au Secours catholique.

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Une "culpabilisation des pauvres" dont les effets inquiètent. "On veut faire des plus pauvres des coupables de leur situation, faire croire qu'il se la coulent douce et ont choisi leur situation. Mais avec le RSA, on ne vit pas, on survit, on fait des choix impossibles entre se nourrir, se chauffer... Les gens qui sont aujourd'hui au RSA et que l'on rencontre au quotidien ont bien souvent travaillé mais ont eu un accident de la vie, une maladie, un licenciement, ils n'ont pas choisi d'être au RSA", déplore Jean Merckeaert.

Une mesure qui risquerait de "renforcer les privations et l'isolement social"

La présence de cette proposition dans les programmes de trois candidats, dont deux au-dessus de 10% dans les sondages, traduit pour Manuel Daumergue "une pente glissante qui peut avoir effets concrets : des sanctions avec la réduction voire la radiation si les conditions de travail ne sont pas remplies. Ça voudrait dire de forcer des gens à vivre avec moins de 560 euros par mois. Ce serait très douloureux pour la personne, pour sa famille, et renforcerait les privations et son isolement social".

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D'autant que les associations redoutent une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA dans les prochains mois, avec la réforme de l'assurance chômage, et l'arrivée d'un nombre important de personnes en fin de droit, qui basculent alors vers le RSA.

L'ancien "monsieur pauvreté" du gouvernement dénonce cette idée

À l'inverse de la proposition de ces trois candidats, les associations de lutte contre la pauvreté comme le Secours Catholique réclament une augmentation du RSA, et un versement automatique, sans démarche à effectuer. "Aujourd'hui, 1 personne éligible sur 3 ne le réclame pas, par méconnaissance, honte, peur qu'on leur réclame un trop perçu a posteriori ou en raison de démarches trop complexes. Or, on constate que si l'on veut que les plus pauvres contribuent davantage à la société comme le proposent ces candidats, il faut leur rendre confiance en eux, leur assurer un socle de revenus", observe Jean Merckeaert, du Secours Catholique.

L'ancien "monsieur pauvreté" du gouvernement, Olivier Noblecourt, artisan du plan de pauvreté d’Emmanuel Macron, a dénoncé l'idée de soumettre le versement du RSA à une activité, pointant du doigt une mesure qui "reporte la responsabilité sur les individus dans une culpabilisation implicite", plutôt que "d’augmenter les moyens humains d’accompagnement qui avaient été réduits depuis 30 ans".

VIDEO - Les mères isolées, les migrants et les seniors parmi les plus fragiles, selon le Secours Catholique