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Présidentielle 2022 : "Mélenchon est tombé dans un piège au service de Zemmour"

Jean-Luc Mélenchon face à Éric Zemmour, sur C8, le 27 janvier 2022.

Le débat avec Éric Zemmour dans l'émission "Face à Baba" a duré beaucoup plus longtemps qu'annoncé, suscitant la colère de l'entourage de Jean Luc Mélenchon.

"Ça va pas durer toute la soirée cette affaire", "C'est pas un deuxième 'Face à Baba Zemmour', c'est un 'Face à Baba Mélenchon". Après 45 minutes de débat entre Jean-Luc Mélenchon et Éric Zemmour jeudi soir sur C8, le candidat à la présidentielle puis Raquel Garrido, située dans le public, ont fait font part de leur colère quant à la tournure de ce second numéro de "Face à Baba", présenté par Cyril Hanouna.

1h07 face à Zemmour au lieu de ... 20 minutes

En cause, la présence (beaucoup) plus longue qu'annoncé d'Éric Zemmour face à Jean-Luc Mélenchon, comme premier débatteur. Le candidat "Reconquête" à la présidentielle, dont l'intervention était prévue pour durer une vingtaine de minutes, est en effet resté 1h07 en plateau face à Mélenchon, jusqu'à 22h37.

"Une stratégie étrange"

À titre de comparaison, lors du premier numéro de "Face à Baba" en décembre dernier, dont l'invité principal était Eric Zemmour, aucun contradicteur n'a dépassé la demi-heure sur le plateau, les plus longs étant le député LFI Alexis Corbière, et la ministre Élisabeth Moreno.

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"Jean-Luc Mélenchon se retrouve à débattre pendant plus d'une heure en début d'émission sur les thèmes de Zemmour, l'immigration, l'islam. Symboliquement, cela a lieu un jour de manifestation pour la défense du pouvoir d'achat, c'est une stratégie étrange de sa part", estime Alexis Lévrier, historien des médias.

"Tombé dans un piège au service de Zemmour"

Si Jean-Luc Mélenchon a pu aborder des thèmes de son programme comme l'avenir du système de retraites ou l'écologie en deuxième partie d'émission, l'impact n'a pas été le même auprès des potentiels électeurs. La première partie de l'émission dédiée au débat face à Eric Zemmour a été jusqu’à réunir près de 2 millions de téléspectateurs, tandis que la seconde partie n'a réuni que 989 000 téléspectateurs.

"Jean-Luc Mélenchon est tombé dans un piège au service d'Éric Zemmour, avec une émission articulée pour lui. C'est le sens de la colère de Raquel Garrido, qui s'en rend compte en pleine émission. Mélenchon a eu tort de penser qu'il pouvait peser dans cette émission et s'est retrouvé à parler des thèmes forts d'Éric Zemmour au moment où l'audience est la plus importante", analyse Alexis Lévrier qui pointe du doigt le poids du groupe de presse de Vincent Bolloré, dans la candidature de l'ancien polémiste.

Des émissions au service de Zemmour ?

Un sentiment couché sur le papier par le candidat Insoumis, au lendemain dans l'émission, sur son blog. "Quand une séquence qui devait durer vingt minutes avec Zemmour au lieu de dix par faveur de l’antenne et qui dure pour finir une heure dix, on a du mal à ne pas avoir le sentiment de s’être fait manœuvrer", écrit notamment Jean-Luc Mélenchon.

Un mécanisme qui n'a rien de surprenant aux yeux d'Alexis Lévrier. "'Face à Baba', 'Face à la rue', 'Face à l'info', ce sont toutes des émissions qui sont articulées autour de la personne d'Éric Zemmour. Dans la galaxie Bolloré au service de Zemmour, Hanouna prend toute sa part dans cette "machine à fabriquer zemmouriste", en rendant sympathique Zemmour, en traitant de sujets graves comme le racisme avec légèreté, ce qui le banalise", poursuit Alexis Lévrier.

Les regrets de Mélenchon

Conscient de s'être fait piéger, Jean-Luc Mélenchon assure qu'on ne l'y reprendra plus. "ne plus jamais accepter aucune émission sans garantie sérieuse d’équilibre, quitte à annuler une heure avant ou à quitter un plateau en cours de route", poursuit sur son blog le candidat. "Il tente de retourner ce piège à son avantage en se présentant comme un résistant face au retour des heures sombres. La stratégie est intelligente, mais à mon sens elle n'effacera pas l'effet produit par l'émission d'hier", poursuit Alexis Lévrier.

Refuser les invitations dans l'émission d'Hanouna, ou plus globalement sur les chaînes du groupe Bolloré (C8 et CNews), c'est la stratégie adoptée par plusieurs candidats dont la socialiste Anne Hidalgo. En octobre 2019, c'était LFI qui annonçait boycotter CNews en raison de la présence de Zemmour à l'antenne.

Tous les candidats "piégés" ?

Valérie Pécresse (LR) et Marine Le Pen (RN) ont toutes deux refusé d'être face à Jean-Luc Mélenchon, mais participeront plus tard à "Face à Baba", selon l'animateur.

"En réalité, tous les candidats sont 'piégés'. En acceptant comme Jean-Luc Mélenchon, ils se retrouvent à faire le jeu de Zemmour en débattant sur ses thèmes de prédilection, et en déclinant, leur refus est répété de nombreuses fois à l'antenne comme pour Valérie Pécresse, ce qui peut nuire à leur image en montrant qu'ils fuient le débat. Au-delà de cette émission, les candidats sont piégés car Zemmour a réussi à ancrer son seul thème de campagne, l'immigration, dans tous les débats politiques. Seul Emmanuel Macron, en se revendiquant président en exercice, peut échapper à ce type de débats", poursuit l'historien. Selon son entourage, le chef de l'État refuserait de participer aux débats en marge du 1er tour de l'élection présidentielle.

VIDEO - Cyril Hanouna revient sur l'attitude de Jean-Luc Mélenchon dans Face à Baba