Premier ministre et nouveau gouvernement: jusqu'à quand Emmanuel Macron peut-il attendre?

Tic-tac. Cinquante jours après la démission de Gabriel Attal le 16 juillet dernier, Emmanuel Macron n'a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre, ni ne dispose de nouveau gouvernement. L'attente perdure et l'impatience monte. Une nomination pourrait avoir lieu ce mercredi 4 septembre.

Agité depuis quelques jours, le nom du président Les Républicains des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, tient la corde. Mais la menace d'un nouveau gouvernement censuré par le Parlement plane avec l'arrivée de la rentrée parlementaire et des débats sur le nécessaire projet de loi de finances 2025.

Pour autant, le maître élyséen des horloges n'est tenu de rien en termes de délais.

"Ni la Constitution, ni aucun texte, rien, absolument rien, n'oblige Emmanuel Macron à se mettre la pression", rappelle d'emblée la maître de conférence en droit public et constitutionnaliste, Anne-Charlène Bezzina, à BFMTV.com.

"Pas de précédent juridique"

Cette spécialiste du droit public à l’Université de Rouen, membre de l’Étude des systèmes juridiques (ESJ) est formelle: rien ne peut empêcher le président de la République de prendre tout le temps qu'il lui faut pour nommer un nouvel exécutif. "On n'a pas de précédent pour nous aiguiller, cette situation est complètement inédite", constate-t-elle.

En charge des affaires courantes, le gouvernement démissionnaire actuel de Gabriel Attal peut tout à fait -si Emmanuel Macron décide de continuer à faire traîner la situation- continuer cette gestion partielle, par décret ou par ordonnance. Juridiquement là aussi, rien ne l'en empêche.

"Il n'existe pas de délai juridique, il n'y a pas d'obligation juridique à avoir un nouveau Premier ministre pour faire telle ou telle chose dans les mois qui viennent", rappelle ainsi Anne-Charlène Bezzina.

"Limite politique" de la rentrée parlementaire

Certes rien ne presse dans les textes le chef de l'État à se décider, mais "politiquement", continuer de "laisser traîner cette situation" pourrait avoir des conséquences importantes, rappelle celle qui a également la casquette de politologue.

"La limite politique la plus large, ce serait le 31 décembre qui marque la fin d'une année politique compliquée, mais celle déjà plus que raisonnable, reste la rentrée parlementaire", indique Anne-Charlène Bezzina.

Peut-on en effet imaginer le gouvernement démissionnaire actuel de Gabriel Attal arriver dans le chaudron de l'Assemblée nationale sans risquer une motion de censure collective des oppositions?

La censure et le risque d'être renversé est trop grand. "Je ne pense pas qu'Emmanuel Macron voudra aller jusque-là", estime la spécialiste.

La première session de la nouvelle Assemblée s'est refermée le samedi 20 juillet, sans date de reprise précise. La rentrée officielle de la nouvelle session parlementaire ordinaire est fixée par la Constitution. Elle doit avoir lieu au premier jour ouvrable d'octobre.

C'est donc le mardi 1er octobre au plus tard, que reprendront les travaux de la nouvelle Assemblée -sauf décision d'ouvrir une session extraordinaire comme réclamée par La France insoumise et le Rassemblement national.

Cette date est aussi celle fixée comme ultime échéance pour le dépôt du projet de loi de finances 2025 (PLF). Ces dates en tête, la politologue Anne-Charlène Bezzina ne voit pas en l'état "comment un ministre démissionnaire peut défendre ce texte devant un parlement hostile".

Après le PLF, la réforme controversée de l'assurance-chômage est également au programme de la rentrée. Après sa suspension par Gabriel Attal en juillet dernier, les règles actuelles d'indemnisation de l'assurance-chômage ont certes été prolongées par décret jusqu'au 31 octobre 2024 afin de pouvoir poursuivre le versement des allocations. Mais au-delà de cette date, il revient au prochain gouvernement (ou à celui démissionnaire) de décider des règles à compter du 1er novembre.

Censure juridique

Sans nouvel exécutif, une gestion des affaires courantes qui s'étire peut toutefois rencontrer un autre obstacle que celui de la censure des parlementaires: celle des juges administratifs chargés de valider ou non les actes des ministres, suggère Anne-Charlène Bezzina.

"On pourrait avoir ainsi des annulations du Conseil d'État, estimant que certaines décisions dépassent le cadre juridique des affaires courantes", conclut la constitutionnaliste auprès de BFMTV.com.

Très rares, ces contentieux n'ont jamais eu lieu sous la 5e République dans un contexte similaire. Sous la 4e République, une seule annulation d'une décision ministérielle prise en affaires courantes a été faite par le Conseil d'État, rappelle la professeure de droit public. Pas de quoi, toutefois, effrayer le chef d'État et le forcer à accélérer sa prise de décision.

Article original publié sur BFMTV.com