Le Premier ministre belge dénonce le comportement de l'Eglise face aux dissimulations d'abus sexuels

"Nous ne pouvons pas ignorer les douloureuses blessures qui existent au sein de la communauté catholique et de la société au sens large. Les nombreux cas de violences sexuelles et d’adoptions forcées ont gravement altéré la confiance", a déclaré vendredi matin au palais de Laeken le Premier ministre Alexander De Croo, qui s’exprimait en présence du pape François et du couple royal.

"Quand quelque chose ne va pas, nous ne pouvons pas accepter que l’on étouffe l’affaire. Cela nuit au précieux travail de chacun. Aujourd’hui, les mots ne suffisent plus. Il faut des mesures concrètes. Les victimes doivent être entendues. Elles doivent être au centre. Elles ont droit à la vérité. Les atrocités doivent être reconnues. Et la justice doit être rendue", a poursuivi M. De Croo.

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"Il ne s’agit pas uniquement d’une obligation morale, mais c’est également une étape nécessaire pour regagner la confiance. La dignité humaine doit primer sur les intérêts de l’institution", a-t-il plaidé, avant de conclure : "pour pouvoir à nouveau regarder vers l’avenir, l’Église doit assumer son passé."

Le discours du Premier ministre Alexander De Croo a été l'un des plus virulents jamais adressés au pape lors d'un voyage à l'étranger, où le protocole diplomatique permet généralement de tenir les discours publics à l'écart de l'indignation.

De son côté, le roi Philippe a rendu hommage à "l'intransigeance" du pape qui a "agi concrètement" face à "ces abominables violences", comme en levant le secret pontifical ou en obligeant les religieux et laïcs à signaler tout cas à leur hiérarchie.

Une visite très attendue

Le pape François doit également recevoir 15 victimes, hommes et femmes, en fin de journée à la nonciature - l'ambassade du Saint-Siège. Le dossier a refait surface en Belgique à l'automne 2023 avec la diffusion d'un documentaire choc où témoignaient des victimes livrant un secret enfoui parfois pendant des décennies, beaucoup déplorant une omerta dans l'Église pour protéger les agresseurs et le fait de n'avoir jamais pu obtenir justice.

Dans une lettre ouverte publiée début septembre par le quotidien Le Soir, des victimes ont réclamé une parole forte de François, lui demandant d'instaurer un processus de réparation financière, d'organiser une "réflexion de fond" sur le célibat des prêtres et de "renforcer le travail de libération de la parole, qui n'en est en réalité qu'à ses balbutiements". Tous souhaitent que ce séjour belge du pape "reste marqué dans l’histoire comme ce moment décisif où le premier des catholiques s’adresse à toutes les victimes de tous les pays du monde".

Le pape sur le front des violences sexuelles dans l'Église

De l'Irlande à l'Allemagne en passant par les États-Unis, la multiplication des scandales sexuels dans l'Église a constitué l'un des plus douloureux défis pour le pape François, qui a demandé pardon aux victimes et créé une commission consultative pour la protection des mineurs au Vatican.

Parmi les mesures prises depuis 2019 figurent la levée du secret pontifical sur les violences sexuelles du clergé, l'obligation pour les religieux et laïcs de signaler tout cas à leur hiérarchie, ou la mise en place de plateformes d'écoute dans les diocèses du monde entier. Mais le secret de la confession demeure absolu.

Arrivé jeudi soir à Bruxelles après une étape de huit heures au Luxembourg, le pape François doit passer trois jours en Belgique, avec comme point d'orgue de la visite une messe dimanche au stade Roi-Baudouin où sont attendus plus de 35 000 fidèles.