Premier ministre : après le rejet de Lucie Castets par Emmanuel Macron, le Parti socialiste sur une ligne de crête

Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, photographié le 7 juillet après les résultats des élections législatives (illustration)
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, photographié le 7 juillet après les résultats des élections législatives (illustration)

POLITIQUE - Ce n’est pas tous les jours que le quidam peut avoir accès au contenu d’une réunion du bureau national du Parti socialiste. Mais mardi 27 août, Hélène Geoffroy, cheffe de file d’un des courants hostiles à Olivier Faure au sein du PS, voulait manifestement que personne ne rate une miette de son coup de gueule, qu’elle a même relayé sur les réseaux sociaux.

Lucie Castets « révoltée » par la décision d’Emmanuel Macron de ne pas la nommer Première ministre

« Je le dis solennellement, le Parti est au bord de la rupture », a prévenu la maire de Vaulx-en-Velin, qui déplore un manque de consultations en interne et l’alliance, dans le cadre du Nouveau Front populaire, avec le mouvement fondé par Jean-Luc Mélenchon. « Nous ne pouvons pas être des supplétifs de La France Insoumise », estime-t-elle, dénonçant le « terrorisme intellectuel » exercé, selon elle, par le parti de gauche radicale.

Exaspération

L’intéressée n’est pas seule dans sa croisade anti-Faure, bénéficiant du soutien de la présidente de la région Occitanie Carole Delga ou du maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol. Au cœur des critiques, la décision annoncée par Olivier Faure de ne pas participer au deuxième tour des consultations organisé par Emmanuel Macron, une fois l’option Lucie Castets tombée à l’eau. « La politique de la chaise vide en général est plutôt nuisible à celui qui est absent », dénonce sur franceinfo l’élu normand, alors que le parti à la rose doit se réunir, dès ce vendredi, à Blois, pour ses universités d’été.

De quoi créer une brèche qui par laquelle l’unité du Nouveau Front populaire pourrait céder ? Si le camp présidentiel mise sur ce scénario, il est incontestable que le poids (réel ou supposé) de Jean-Luc Mélenchon au sein du NFP n’en finit pas d’exaspérer en interne. Proche d’Olivier Faure, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne, Sébastien Vincini, a appelé dans La Dépêche à « rompre » avec le leader de La France insoumise et sa garde rapprochée.

Mais pas avec son mouvement. « Je ne dis pas avec LFI car je fais le distinguo avec ceux qui partagent la conviction qu’il faut réparer l’école, sauver l’hôpital public, redonner du pouvoir d’achat et d’améliorer la sécurité. Il est temps que Jean-Luc Mélenchon passe la main car il empêche la gauche de montrer qu’elle veut apaiser le pays », a-t-il nuancé.

S’opposer à Emmanuel Macron tout en faisant vivre une union de la gauche qui crispe au sein de son propre parti, la mission est délicate pour Olivier Faure, qui peine à faire valoir son bilan en interne : le nombre de députés PS a doublé entre 2022 et 2024, et c’est bien lui qui a ouvert la porte à Raphaël Glucksmann en 2019, quand ses détracteurs (qui prennent aujourd’hui son score comme une confirmation de leur ligne) étrillaient ce choix, qualifié par exemple de « mauvaise plaisanterie » par Stéphane Le Foll il y a cinq ans.

« Tout le monde est aligné »

Jusqu’ici, et sans s’interdire d’exprimer à haute voix des divergences avec LFI, le député de Seine-et-Marne arrive à tenir sa ligne, consistant à refuser tout compris avec Emmanuel Macron afin de préserver l’union de la gauche. Dans la soirée, le parti a fait savoir que « le groupe socialiste à l’Assemblée et le bureau national du Parti socialiste se sont exprimés à une écrasante majorité pour la censure de tout gouvernement qui prolongerait la politique du président ». Ce qui ouvre une porte à l’hypothèse d’un Premier ministre hors NFP, tout en matérialisant le refus d’une compromission avec le chef de l’État.

De quoi relativiser l’ampleur de la fronde ? « Tout le monde est aligné sur le fait de censurer tout gouvernement qui serait dans la continuité du macronisme. Et même si le discours d’Hélène Geoffroy peut le laisser penser, personne n’a défendu quelconque alliance avec le camp présidentiel », assure au HuffPost un cadre socialiste loyaliste, qui ajoute : « Ça a un peu tapé sur la méthode (ce qui est un sujet purement interne), mais sur le reste, c’était relativement tranquille. »

Dans cette sorte d’« en même temps », le premier secrétaire du PS a, semble-t-il, obtenu le soutien de François Hollande, lequel estime dans Le Point qu’il est possible de « gouverner avec toutes les composantes de la gauche », à la condition selon lui que le leadership soit socialiste, comme ce fut le cas sous François Mitterrand ou Lionel Jospin.

« Aujourd’hui, tout l’enjeu pour la gauche, si elle veut relever ce que j’appelle le défi de gouverner, c’est de faire son unité dans la durée, pas simplement pour gagner les élections mais en réussissant, une fois au pouvoir, une forme de synthèse entre ses composantes », explique l’ex-chef de l’État, pas vraiment sur la ligne de ceux qui, en interne, poussent pour un divorce définitif avec La France insoumise.

Ce qui, a priori, pourrait donner de l’air à Olivier Faure, avant des universités d’été qui s’annoncent particulièrement chaudes. Auprès du HuffPost, le responsable socialiste cité plus haut ironise : « C’était un Bureau national d’échauffement où chaque sensibilité a joué sa partition avant Blois. Ça fait partie du charme des partis démocratiques. » Les coups de théâtre et les manœuvres assassines aussi.

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