Quel Premier ministre après Barnier ? Macron discute seulement avec le PS pour obtenir « le scalp du NFP »

Alors que les écologistes et les communistes se sont dits ouverts à des discussions, le président de la République ne les a pas conviés autour de la table à ce stade.

Emmanuel Macron ce jeudi 5 décembre lors de son allocution au lendemain de la motion de censure qui a renversé le gouvernement Barnier.
Capture Elysée Emmanuel Macron ce jeudi 5 décembre lors de son allocution au lendemain de la motion de censure qui a renversé le gouvernement Barnier.

POLITIQUE - C’est reparti pour un round de discussion… mais pas avec n’importe qui. Au lendemain de son allocution pour réagir à la censure de Michel Barnier, le président de la République Emmanuel Macron reçoit ce vendredi les dirigeants de plusieurs partis dans le cadre de consultations sur le choix d’un nouveau Premier ministre. Sont conviés à ce stade : son propre camp, celui des Républicains, les socialistes… et puis c’est tout ?

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Après avoir reçu en début de matinée les dirigeants macronistes (Renaissance, MoDem, Horizons, Radicaux, UDI), Emmanuel Macron reçoit à midi l’Élysée le Premier secrétaire du PS Olivier Faure et les chefs de file parlementaires Boris Vallaud et Patrick Kanner. Seuls. Le contraste est fort avec l’été 2024 où les cadres du NFP dans leur ensemble, accompagnés de Lucie Castets, s’étaient rendus au Palais présidentiel.

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Selon nos informations, André Chassaigne et les élus communistes n’avaient pas été invités dans la matinée et ce, en dépit de la publication jeudi d’une tribune dans L’Humanité où ils se disent prêts, avec le numéro 1 Fabien Roussel, à « engager ces discussions et trouver un chemin pour répondre aux urgences de notre pays. »

Idem pour les Écologistes, malgré les appels de leur secrétaire nationale Marine Tondelier aux responsables macronistes, président de la République inclus. Ce vendredi, elle confirme « ne pas avoir reçu d’invitation » présidentielle. Reprenant la formule de Michel Barnier, elle assure ne pas vouloir « se rouler par terre pour être invitée à l’Élysée. » « J’ai un train dans 2 heures. Et l’anniversaire de mon fils demain : j’emmène toute sa classe à la piscine à boules à Hénin-Beaumont », lâche-t-elle malgré tout sur BFM, dans ce qui sonne comme un petit coup de pression en direction du Palais. Quant à son appel aux parlementaires, « tout le monde m’a répondu sauf Gabriel Attal. Il regarde exclusivement à droite et à l’extrême droite ».

Le « périmètre » des discussions ne va pas, déplore Faure

Ce tri parmi les partis de gauche est jugé contre-productif, alors même que le chef de l’État a dit sa volonté de réunir un « arc de gouvernement » avec « toutes les forces politiques qui s’engage à ne pas le censurer » a minima.

Emmanuel Macron « a forgé son propre arc républicain (mais) il n’a quand même pas beaucoup de flèches dans son arc », estime ainsi Marine Tondelier sur RMC. Pour elle, « le Président ne veut pas parler avec vous si vous défendez l’écologie et la justice sociale ». « On pense que la solution doit être trouvée dans le cadre du Front républicain. Je prends acte que ni Gabriel Attal ni le président ne veulent en parler », a-t-elle complété.

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Sur franceinfo, le chef des socialistes Olivier Faure a aussi jugé que « le périmètre » des discussions ne devait pas être fixé par le seul président mais par « toutes celles et ceux qui veulent travailler à une solution » pour débloquer la crise politique. « Les écologistes, les communistes, ont dit qu’ils étaient prêts à cette discussion. Il faut qu’ils y rentrent », insiste-t-il. Sur le chemin de l’Élysée en milieu de journée, il a redit « s’inquiéter » de l’absence de ses collègues communistes et écologistes en dépit de leurs mains tendues.

Quid de la France insoumise ? Le mouvement mélenchoniste non plus n’est pas convié et rien n’indique qu’il le sera, Emmanuel Macron ayant une nouvelle fois renvoyé dos à dos « l’extrême droite et l’extrême gauche. » En face, les cadres insoumis ont aussi répété à l’envi ces derniers jours qu’ils n’entendaient pas négocier avec des macronistes. Et ce vendredi, aucun d'entre eux s’est ému de ne pas être reçu par la présidence.

La France insoumise « s’est pour l’instant auto-exclue de cette discussion puisqu’elle joue autre chose, la démission du chef de l’État », juge Olivier Faure, qui a pris ses distances avec cette réclamation des mélenchonistes.

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De son côté le Premier secrétaire, partisan d’un « accord de non-censure », s’est dit prêt à discuter avec ceux qui ont constitué le front républicain - les macronistes donc, mais pas forcément LR même s’il ne s’est pas opposé à la présence de Laurent Wauquiez autour de la table. Il a plaidé pour « des concessions réciproques » en vue de la formation d’un nouveau gouvernement qui aurait un « contrat à durée déterminée ». « Il faut bien qu’on trouve une solution parce qu’on ne peut pas mettre le pays à l’arrêt pendant des mois », a-t-il plaidé. En guise d’exemple, il a évoqué un « gel » de la réforme des retraites et non plus une abrogation immédiate, pour organiser d’abord « une conférence de financement » permettant une future abrogation.

Mais le patron du PS marche sur une ligne de crête. En acceptant de se rendre à l’Élysée alors que ses alliés de gauche n’ont pas été invités et en se disant prêt à des compromis, il prend le risque de braquer certains alliés du NFP, déjà pas très solide sur l’après-Barnier. « Ceux qui s’apprêtent ainsi à aider le Macronisme à survivre ne peuvent pas ignorer qu’il ne veut que le scalp du NFP. Il est encore temps de revenir à la raison », a écrit sur X le président LFI de la Commission des Finances Éric Coquerel. « Gouverner avec ceux qui pensent qu’il y a en France “des Français de papier” et que “certains régressent vers leurs origines ethniques” ? Eh oh, réveillez-vous ! Respectez-vous ! Respectez les électeurs ! » s’indigne de façon plus virulente sur X le coordinateur national LFI Manuel Bompard.

Plus mesurée, l’écologiste Sandrine Rousseau a aussi levé un sourcil, enjoignant ses « amis socialistes » à « ne pas se perdre ». « Nous avons besoin de tout le monde pour construire l’alternative à gauche », ajoute-t-elle. Et la cheffe du parti Marine Tondelier d’ajouter : « Je dis à Olivier Faure : attention ». Sur le chemin de l’Élysée, Olivier Faure a répondu aux inquiétudes de ses collègues : « Il n’est évidemment pas question pour nous de renoncer à ce que nous sommes», a-t-il assuré avant de clarifier, autant à destination du chef d el’État que de ses partenaires du NFP : « Nous ne sommes pas venus dans une démarche qui serait celle d’accepter de participer à un gouvernement qui ne serait pas dirigé par un Premier ministre de gauche. »

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