Premier ministre : 9 fois où Xavier Bertrand a étrillé Emmanuel Macron

Alors que son nom ressurgit dans la course à Matignon, retour sur les différentes offensives médiatiques menées par Xavier Bertrand contre le président de la République.

Depuis 2017, Xavier Bertrand n'a pas épargné Emmanuel Macron dans ses sorties médiatiques. (Photo : PASCAL ROSSIGNOL/POOL/AFP via Getty Images)

A force de refuser obstinément de nommer un Premier ministre issu de la gauche, Emmanuel Macron va-t-il finir par désigner l'un de ses pires ennemis politiques ? Près de deux mois après le second tour des élections législatives, le président de la République n'a toujours pas nommé de nouveau chef du gouvernement et continue de temporiser.

Ce mardi 3 septembre, alors que l'hypothèse Thierry Beaudet semble de plus en plus compromise, le favori pour être le prochain locataire de Matignon serait de nouveau Xavier Bertrand, déjà mentionné parmi d'autres noms ces dernières semaines.

S'il incarne un courant relativement modéré au sein de la droite, le président de la région Hauts-de-France est aussi un opposant déclaré à Macron. Depuis l'arrivée de ce dernier à l'Elysée en 2017, Xavier Bertrand a en effet multiplié les sorties médiatiques assassines, ne perdant jamais une occasion de dire tout le mal qu'il pense du chef de l'Etat.

  • Mai 2017, Macron "n'a pas envie de s'ouvrir aux idées des autres"

A peine élu à l'Elysée, Emmanuel Macron est déjà dans le viseur de l'ancien ministre de la Santé. Alors que le premier gouvernement du quinquennat comporte des personnalités issues de la droite comme Edouard Philippe, Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin, Xavier Bertrand critique violemment ces débauchages dans un entretien à La Voix du Nord relayé par Public Sénat.

"Il veut des personnalités pour jouer au chamboule-tout politique et électoral, mais il n'a pas envie de s'ouvrir aux idées des autres, assure alors le président des Hauts-de-France. Il n'est pas dans une logique d'union nationale. Il refait ce qu'ont fait Mitterrand en 1988 et Sarkozy en 2007 avec l'ouverture." À l'époque, déjà, Emmanuel Macron lui aurait proposé le poste de Premier ministre, mais aurait essuyé un refus.

  • Juin 2018, Bertrand fustige la politique des "premiers de cordée"

Alors que le début de mandat d'Emmanuel Macron est marqué par quelques éléments de langage très médiatisés, comme la célébration des "premiers de cordée", Xavier Bertrand tance sévèrement la communication présidentielle. "Le coup des premiers de cordée, ça rime à quoi ? Ça ne rime à rien", fustige l'ancien député de l'Aisne.

"On oublie quoi ? Les derniers de cordée ? Et puis on oublie les milieux de cordée ? Ça ne marche pas, poursuit celui qui prend à la même époque ses distances avec Les Républicains. Ce n'est pas ça, la société française. Le modèle français, c'est pas l'assistanat, c'est pas la charité, c'est la solidarité. La stratégie du président de la République aujourd'hui, c'est plutôt de dire: si ceux qui vont bien vont encore mieux, ça règlera tout. Mais pas du tout, jamais de la vie."

  • Février 2020, une politique sécuritaire qualifiée de "fiasco"

Au début de l'année 2020, alors que la pandémie de Covid-19 qui sévit en Asie n'est pas encore considérée comme une menace sérieuse par la classe politique française, Emmanuel Macron semble fragilisé par une contestation sociale tenace, menée par le mouvement des Gilets Jaunes depuis octobre 2018. Alors que les affrontements violents entre les manifestants et les forces de l'ordre se sont multipliés en quelques mois, Xavier Bertrand sort la sulfateuse dans Le JDD.

"La politique sécuritaire, depuis deux ans et demi, est un fiasco, juge le président des Hauts-de-France. Comme les Français, je suis très inquiet. Regardons la réalité du quinquennat : le pays est sous tension, divisé comme rarement. Nos rues sont le théâtre de violences depuis plus de quinze mois. Contrairement à sa promesse, non seulement le Président n’a pas réconcilié les Français, mais il les a souvent dressés les uns contre les autres. Je lui dis : 'Attention! Le tissu français se déchire sous nos yeux et vous en êtes responsable, Monsieur le Président. Pendant les deux ans de mandat qu’il vous reste, votre priorité doit être de protéger les Français'."

  • Septembre 2020, "Il ne suffit pas d’avoir été banquier d’affaires pour être de droite"

Quelques mois plus tard, Xavier Bertrand reprend la parole dans les médias, à la fois pour annoncer ses ambitions présidentielles en vue de 2022, mais aussi et surtout pour tailler un costard au locataire de l'Elysée. "Je suis convaincu qu’Emmanuel Macron n’est pas celui qui réussira à réconcilier les Français, ni celui qui protégera le pays, affirme-t-il dans une interview au Parisien. Avec lui, il y a un vrai risque de victoire des extrêmes. Je suis le représentant d’une droite sociale, populaire, capable de rassembler, et qui refusera toujours le moindre compromis avec l’extrême droite."

"Il ne suffit pas d’avoir été banquier d’affaires pour être de droite, ni de prendre un Premier ministre issu de la droite, résume l'ancien président de l'UMP. Si Emmanuel Macron était de droite, il aurait fait de la sécurité des Français une priorité, il aurait aussi lutté efficacement contre l’immigration illégale. (...) Le président est un grand naïf qui n’a pas pris la mesure de ces problèmes. Il n’est pas à l’aise sur les sujets régaliens : sécurité, justice, défense ou respect de la laïcité. Il parle de séparatisme parce qu’il a des problèmes à évoquer le communautarisme et l’islamisme."

  • Mai 2021, Macron le "destructeur"

A un an de l'élection présidentielle 2022, pour laquelle il s'est d'ores et déjà déclaré candidat, le président des Hauts-de-France critique de nouveau la stratégie politicienne d'Emmanuel Macron, qui désigne régulièrement le Rassemblement National (RN) comme son principal adversaire en vue d'une réélection, invisibilisant par la même occasion les autres partis.

"Emmanuel Macron est un calculateur froid, un destructeur, tonne Xavier Bertrand dans les colonnes du Figaro. Il est parfaitement lucide sur le rejet dont il est l’objet. Il pense que sa seule chance de l’emporter - il se trompe en cela - c’est de n’avoir en face de lui que Marine Le Pen. Pour cela, il lui faut briser la droite. Sous couvert de pseudo-front républicain, c’est ce qui sous-tend cet accord. Il ne s’agit pas de tactique politique. C’est jouer avec le feu sur l’essentiel et au regard de ce dont le chef de l’État est le garant: les valeurs de la République. En instituant Marine Le Pen comme seule opposante, il met en place les conditions objectives de la victoire de l’extrême droite. C’est un danger mortel."

  • Novembre 2021, Macron, "l'homme-miroir"

Toujours engagé dans la course à l'Elysée, Xavier Bertrand doit faire face à une forte concurrence à droite, des personnalités comme Valérie Pécresse, Eric Ciotti et Michel Barnier ayant également fait acte de candidature. Poursuivant sa stratégie de critique tous azimuts du pouvoir en place, l'ancien ministre du Travail continue d'envoyer des tacles à Emmanuel Macron dans l'espoir de sortir du lot.

"Macron est un homme miroir, analyse-t-il dans un entretien au magazine Valeurs Actuelles, repris notamment par Gala. Il présente à ses interlocuteurs, aussi différents soient-ils, l’image qu’ils veulent voir. Mais derrière le miroir, on ne sait pas ce qu’il y a. Et c’est pour cela qu’il n’a jamais pu établir une véritable relation avec les Français. (...) On est passé du président du 'en même temps' au candidat du 'tout et son contraire' (...) Rien n’a d’importance pour Emmanuel Macron si ce n’est lui-même et sa réélection."

  • Avril 2023, Bertrand très critique sur la réforme des retraites

La course à la présidentielle ne se termine pas comme espéré pour Xavier Bertrand, finalement 4e de la primaire LR. Le président des Hauts-de-France, réélu en 2021, retourne donc à son mandat local. Moins d'un an après la réélection d'Emmanuel Macron, il accorde toutefois un entretien au Monde dans lequel il s'attaque de nouveau au chef de l'Etat, coupable selon lui d'avoir imposé une réforme des retraites particulièrement impopulaire.

"Cela a été une faute majeure de sa part d’oublier le dialogue social, souligne l'ancien maire de Saint-Quentin. Un vrai dialogue social, cela veut dire respecter ses interlocuteurs et accepter de prendre des idées des autres dans le cadre d’une négociation, et non d’une simple concertation. L’autre erreur d’Emmanuel Macron est de n’avoir tiré absolument aucun enseignement de la crise des 'gilets jaunes', qui a mis en avant la précarisation de la France qui travaille, et de celle liée au Covid-19, qui a transformé le rapport au travail. Le gouvernement a eu tort de dire aux gens : 'On a beaucoup de choses à discuter sur le travail, mais, avant, vous allez travailler deux ans de plus'."

Plus loin dans cette même interview, Xavier Bertrand soutient qu'Emmanuel Macron "doit reconnaître qu’en l’absence de majorité absolue il est dans un état de cohabitation. C’est une cohabitation sous une forme inédite dès lors qu’aucune force politique ne détient la majorité absolue au Parlement. S’il ne le fait pas, il n’aura que deux possibilités : la dissolution ou la poursuite de la méthode du texte par texte, qui est vouée à l’échec, car le débauchage ne fonctionne pas."

  • Juin 2024, Macron "cordon déclencheur des extrêmes"

Les propos tenus par Xavier Bertrand en avril 2023 vont rapidement se révéler prémonitoires : un peu plus d'un an plus tard, en juin 2024, le parti présidentiel connaît une défaite retentissante aux élections européennes. Dans la foulée, le président de la République dissout l'Assemblée nationale et convoque des élections législatives en urgence. À quelques jours du premier tour, il adresse ensuite une "lettre aux Français" pour expliquer sa décision. Pour Xavier Bertrand, l'occasion est trop belle de s'adresser directement au Président de la République.

"Un courrier adressé à l'ensemble des Françaises et des Français aurait pu se concevoir en une période moins troublée mais devant la gravité du moment, le procédé ne fait qu'inquiéter encore plus profondément le pays, répond le président des Hauts-de-France dans une tribune publiée par Le Figaro. Vous le savez, au point que nombreux dans votre camp osent désormais le crier haut et fort : votre parole est devenue inaudible pour nos compatriotes. Votre exercice épistolaire sera donc vain."

"La situation que vous dénoncez, que vous déplorez, que vous tentez de juguler, est la conséquence de votre exercice solitaire du pouvoir, de votre incapacité à construire une majorité véritablement capable de gouverner notre pays, poursuit Xavier Bertrand. (...) dans ces circonstances vous n'êtes plus un rempart contre les extrêmes et encore moins un antidote ou une solution viable face à eux. Vous pensez être un cordon sanitaire, vous êtes en réalité le cordon déclencheur."

  • Juillet 2024, Macron "vrai responsable" du chaos politique

Après le premier tour des élections législatives 2024, alors que la menace de voir le RN obtenir la majorité à l'Assemblée est plus que jamais d'actualité, Xavier Bertrand est invité au 20H de TF1 et se retrouve notamment interrogé sur la possibilité de former une alliance avec la coalition présidentielle Ensemble! et d'autres forces politiques proche du centre. S'il reste évasif sur le sujet, le président des Hauts-de-France s'en prend une nouvelle fois à Emmanuel Macron, qui a selon lui directement provoqué cette situation explosive.

"Je veux un gouvernement de sursaut républicain, avance-t-il sur le plateau de Gilles Bouleau. Le problème, ce n'est pas de faire des alliances ou des combinaisons. Tout ça, les coalitions, c'est le truc d'hier, il faut comprendre le séisme qui s'est passé. Les Français ne veulent pas qu'on continue comme avant, ni mêmes qu'on ait des petits arrangements. Comment on sort le pays de l'impasse ? Comment on sort les Français de leurs problèmes ? Et une chose est certaine, le vrai responsable de tout ça, c'est le président de la République. Qu'il ne cherche pas à reporter la responsabilité sur les Français, c'est lui, par sa politique et par sa décision, qui nous a mis là-dedans."