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Une Première dame trop politique? La "posture d'équilibriste" de Brigitte Macron

Brigitte Macron devant Le Louvre à Paris le 30 novembre 2022 - SARAH MEYSSONNIER / POOL / AFP
Brigitte Macron devant Le Louvre à Paris le 30 novembre 2022 - SARAH MEYSSONNIER / POOL / AFP

Une Première dame qui oscille entre diète médiatique et prises de position publiques. Depuis plusieurs semaines, Brigitte Macron multiplie les déclarations sur des sujets chauds pour l'exécutif, quitte à froisser certains au sein de la majorité présidentielle.

Interrogée sur la très sensible réforme des retraites, la Première dame a mis les pieds dans le plat début janvier. "Ce que me disent les plus jeunes c'est: 'De toute façon, on n'aura pas de retraite'", déclare l'épouse d'Emmanuel Macron sur TF1. "Moi, ce que j'ai envie de dire aux jeunes: tout est fait pour que vous ayez une retraite."

Brigitte Macron reprécise sa pensée ce mercredi matin sur RTL, assurant cependant "ne rien savoir" sur "les modalités de la réforme".

"Ni goût ni compétence pour la politique"

En l'absence de statut juridique précis - elle n'a ni salaire ni feuille de route politique, tout en ayant un cabinet - Brigitte Macron veillait pourtant jusqu'ici à rappeler régulièrement qu'elle ne souhaitait pas prendre position sur l'actualité.

"Je n’ai ni goût ni compétence pour la politique", répondait-elle ainsi en 2019 sur la même radio.

Depuis son arrivée à l'Élysée, la femme du chef de l'État s'est d'ailleurs attelée à la très consensuelle opération Pièces jaunes, lancée par Bernadette Chirac. Dans l'entourage de la Première dame, on insiste sur l'absence de tout changement de pied.

"Elle répond aux questions qu'on lui pose en fonction de l'actualité", répond son cabinet, interrogé par BFMTV.com.

"Vous remarquerez qu'elle ne sort jamais de son rôle et qu'elle ne rentre pas dans le détail de la réforme des retraites. Elle répète ce qu'on peut lui dire lors de ses rencontres avec les Français."

Un soutien à l'uniforme à l'école qui fait grincer des dents

Brigitte Macron a pourtant mis dans l'embarras la macronie au début du mois de janvier, en apportant son soutien au port de l'uniforme à l'école, alors même que la majorité est très divisée sur le sujet.

"Cela gomme les différences, on gagne du temps – c’est chronophage de choisir comment s’habiller le matin – et de l’argent – par rapport aux marques", a déclaré la Première dame lors d'un entretien avec les lecteurs du Parisien.

Si plusieurs députés ont déposé une proposition de loi en ce sens, soutenue par la secrétaire d'État Sonia Backès, Pap Ndiaye, le ministre de l'Éducation nationale y est farouchement opposé. Pire encore: ces propos sont diffusés à la veille de l'examen en séance d'un texte défendu par le RN en faveur d'une tenue unique.

"Je suis perplexe, parce que d’un côté, elle peut avoir un point de vue tout à fait respectable, mais elle n’a pas de rôle politique", réagit la députée Renaissance Anne Genetet.

Numéro 2 du groupe à l'Assemblée nationale, elle se dit "surprise de ce calendrier".

"Merci Madame Macron!"

Au sein du gouvernement, on a cependant fait bloc pour défendre Brigitte Macron. Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics, a dit sur BFMTV apprécier "ce beau débat" sur l'uniforme. Stanislas Guérini, ministre chargé de la Fonction publique, s'est déclaré tout autant "favorable" à l'expérimentation de l'uniforme dans les établissements scolaires.

Marine Le Pen de son côté ne s'est évidemment pas privée de revendiquer un soutien de la Première dame. "Je prends acte de cet accord de madame Macron, comme celui de beaucoup de Français sur ce sujet", a ainsi déclaré la patronne des députés RN à la tribune de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la proposition de loi sur l'uniforme.

Dans les rangs lepénistes, des "Merci Madame Macron!" ont même été lancés, tout comme des "On veut Brigitte". De quoi gêner la macronie.

"Ça n'a ravi personne que la Première dame s'exprime sur ce sujet parce que ça nous met en porte-à-faux à l'intérieur de la majorité", soupire un élu Renaissance.

"Après, vous remarquerez qu'elle le fait sur des sujets qu'elle connaît: la jeunesse, l'école", poursuit-il. "Et ça la rend incritiquable même si on n'en pense pas moins."

"On ne va pas censurer ses propos"

Preuve que son positionnement a mis mal à l'aise le ministre de l'Éducation nationale qui était attendu au micro pour défendre la posture de l'exécutif sur le port de l'uniforme: c'est Franck Riester, le ministre des Relations avec le Parlement, qui a répondu au RN.

Les proches de Brigitte Macron bottent, eux, en touche. "Elle répond à une lectrice sur le harcèlement scolaire quand elle donne son point de vue sur l'uniforme", assure l'un de ses intimes. "Elle est dans une logique de discussion."

"On ne va pas censurer ses propos parce qu'on débat ce jour-là à l'Assemblée de ce sujet", poursuit ce proche.

La pilule est d'autant plus dure à avaler pour Pap Ndiaye, le patron de la rue de la Grenelle, que ce n'est pas la première fois que la sexagénaire le met dans l'embarras. Début décembre, la femme du chef de l'État assure ainsi auprès de L'Obs "ne pas le connaître".

Une préférence pour Jean-Michel Blanquer?

L'ancienne professeure de lettres et le spécialiste des États-Unis ont pourtant effectué plusieurs visites ensemble ces derniers mois. Dans l'entourage du successeur de Jean-Michel Blanquer, on renvoie d'ailleurs sobrement "aux nombreux déplacements communs" entre les deux figures.

Mais difficile pour ce ministre qui peine à imprimer sa marque de ne pas y voir une sévère pique contre ses premiers pas. Brigitte Macron est d'ailleurs restée proche de son prédécesseur Jean-Michel Blanquer, dont elle partageait certains des points de vue.

Interrogée sur l'écriture inclusive en novembre 2021, en marge d'un déplacement avec le ministre, elle reprend à son compte la méfiance de Jean-Michel Blanquer en la matière. "Il y a deux pronoms, 'il' et 'elle'. La langue est si belle. Et deux pronoms, c’est bien", avance-t-elle, troublant déjà dans la macronie, qui se tient à distance de ce sujet très éruptif.

En janvier 2022, elle soutient encore le ministre, en pleine tempête médiatique après des vacances à Ibiza et l'annonce d'un protocole sanitaire contre le Covid-19 jugé improvisé par les professeurs.

"Quand Brigitte Macron indique qu'elle ne connaît pas Pap Ndiaye, elle veut dire qu'elle n'avait jamais fait sa connaissance avant sa nomination. Il ne faut pas y voir plus que ça", défend aujourd'hui son entourage.

"Elle ne veut pas gêner le président"

La Première dame distille cependant sa petite musique ces dernières semaines. Dans L'Obs, elle dit ainsi "entendre la majorité silencieuse". Quelques semaines plus tard, elle confie au Parisien écouter "les commerçants, les gens dans la rue".

"C'est compliqué pour elle parce que c'est une femme brillante, qui a une opinion sur la société et qui, en même temps, ne veut pas gêner le président", assure un ancien conseiller ministériel qui l'apprécie.

"Elle est dans une posture d'équilibriste et quoi qu'elle dise, elle sait que ce sera scruté et que ce pourra être contre elle", ajoute cet ex-collaborateur gouvernemental. "C'est une lourde pression."

Et d'évoquer le cas des compagnes des précédents présidents comme Cécila Sarkozy, Carla Bruni ou encore Valérie Trierweiler qui avaient toutes tâtonné sur leur rôle officiel, tout en se pliant à chaque fois à l'exercice des actions caritatives, jugées consensuelles. Brigitte Macron le fait avec un certain succès dans l'opinion: 55% des Français se déclarent satisfaits d'elle en tant que Première dame, d'après un sondage Ifop pour Paris Match publié début 2022.

Article original publié sur BFMTV.com