Précarité étudiante : des chiffres qui inquiètent

De nombreux étudiants se sont mobilisés devant les Crous de France, ici à Lyon, pour dénoncer la situation précaire des étudiants en France, 4 jours après qu'un étudiant de 22 ans s'est immolé par le feu à cause de problèmes financiers.

Vendredi, un étudiant s’est immolé devant un bâtiment du Crous à cause de la situation financière dans laquelle il se trouvait. Un geste désespéré pour une situation qui touche de plus en plus d’étudiants en France, comme le montrent les chiffres sur la précarité étudiante.

C’est un geste qui a choqué toute la France, et plus particulièrement les étudiants français. Vendredi 8 novembre, Anas, un étudiant de Lyon âgé de 22 ans, a voulu mettre fin à ses jours en s’immolant par le feu devant un bâtiment du Crous. Un acte de détresse justifié par la situation financière très précaire de l’étudiant, qui était privé de bourse. Il avait pourtant laissé un message sur son compte Facebook, relayé après son geste par le syndicat Solidaires de Lyon, pour alerter sur sa situation. Comme Anas, de plus en plus d’étudiants de l’Hexagone se retrouvent en grande difficulté financière à cause notamment du coût de la vie qui est de plus en plus élevé, mais également en raison des aides qui sont parfois insuffisantes. Tour d’horizon sur les chiffres qui montrent la précarité estudiantine.

22,7% en très grande difficulté financière

Comme l’indique une enquête sur le coût de la vie étudiante réalisée par l’Unef, un syndicat étudiant, le coût de la vie étudiante a augmenté de 2,83% lors de cette rentrée 2019, soit une augmentation bien supérieure à celle de l’inflation, qui est de 1,20% sur un an. Si nombreux sont les étudiants qui sont aidés par leur famille, selon l’Observatoire de la vie étudiante, 30,9% ne reçoivent aucune aide de la part de leurs proches. Ils sont également 30% a avoir été à découvert au moins une fois sur leur compte en banque depuis le début de l’année. Et selon l’Unef, 22,7% des sondés ont avoué avoir été confrontés à "d'importantes" difficultés financières lors de l’année écoulée.

Hausse des loyers, des frais obligatoires et de la restauration

Le loyer représente 69% du budget mensuel des étudiants, soit bien plus de la moitié. L’Unef note une hausse de 1,6% dans le parc des CROUS et de 3,86% dans le parc privé. Les frais obligatoires sont également en hausse, comme les frais d’inscription pour les étudiants français et européens qui augmentent de 0,28%. De plus, la restauration universitaire est l’une des grosses évolutions des prix pour la rentrée 2019 avec une augmentation de 8,17% au niveau national.

Augmentation de 1 490% des frais d’inscription

Les étudiants étrangers non européens font partie des étudiants en plus grande difficulté, notamment à cause des difficultés d’accès au logement plus élevées que pour les autres étudiants et de la précarité administrative avec des difficultés concernant notamment l’obtention et le renouvellement des visas. À cela s’ajoute une hausse moyenne en Licence et en Master de 1 490,43% des frais d’inscription (passage de 170€ en licence à 2770€ et de 230€ en master à 3770€).

Plus d’un tiers en détresse psychologique

Au niveau des aides, le montant mensuel moyen d’une bourse pour les étudiants s’élève à 349 euros, le montant maximal est quant à lui de 555 euros. Toujours d’après l’enquête de l’Unef, le reste à charge mensuel des étudiants, qui correspond à ce qu’une personne doit payer après avoir perçu toutes les aides possibles, est de 837 euros. Des chiffres qui poussent certains étudiants en détresse psychologique, puisque 37% des personnes interrogées par l’OVE en 2016 avouent s’être senties "tristes, déprimées ou sans espoir" pendant au moins deux semaines consécutives. Ils sont même plus de 8% à avoir pensé au suicide au cours de l’année.

“Pas assez de manifestations”

Ces chiffres inquiétants et la situation d’Anas, aujourd’hui entre la vie et la mort, ont incité le syndicat Solidaires étudiants à appeler à se rassembler devant tous les Crous de France ce mardi. Une manifestation comme il y en a trop peu eues ces dernières années selon Michel Fize, sociologue et auteur du livre Jeunesses à l’abandon, paru en 2016 : “Il n’y a pas eu assez de manifestation collective de mécontentement et c’est regrettable. Ça n’aurait sans doute pas changé la situation mais cela aurait permis aux étudiants, et aux jeunes da manière générale, de se faire entendre et de faire réagir sur la situation difficile. Ils ont trop peu participé lors des manifestations des Gilets jaunes et lors du grand débat national.”

“Une invisibilité sur la question”

D’après le sociologue spécialiste des questions sur la jeunesse, le gouvernement actuel ne fait rien pour aider les étudiants, ni les jeunes du pays : “Nous sommes passés de Hollande à Macron, soit d’une priorité à la jeunesse à une invisibilité sur la question. Depuis 2017, la situation ne s’est pas du tout améliorée en France, la précarité est toujours là. On parle en ce moment des étudiants mais il faut préciser que ce sont les jeunes en général qui sont touchés. Si vous êtes en bas de l’échelle sociale, pas diplômé ou d’origine étrangère, vous risquez de subir cette situation de précarité.”

Michel Fize évoque par ailleurs une idée pour le gouvernement actuel qui pourrait sans doute aider les jeunes du pays : “Depuis longtemps, je plaide pour l’installation d’un grand ministère de la Jeunesse. Il s’agirait d’un ministère transversal qui prendrait sous sa coupe toutes les questions sur la vie des jeunes. Mais malheureusement, on en n’est pas là. On ne va pas dans le bon sens, il n’y a absolument pas de priorité accordé à cette tranche d’âge.”

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