« Je pratique l’école à la maison et ça n’a rien de dangereux pour mes enfants »
ÉDUCATION - Maël avait quatre ans quand il a commencé l’école à la maison. Après être entré en petite section, ses crises d’angoisse se sont multipliées, ce qui a rendu sa scolarisation très compliquée. Mon conjoint et moi-même avons alors décidé à compter de mars 2018 qu’il pratiquerait l’instruction en famille.
Ce n’est qu’à l’âge de six ans, soit en 2020, que les médecins ont diagnostiqué chez Maël une phobie scolaire, un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité et un trouble autistique. Quand notre deuxième fils est à son tour arrivé en âge d’aller à l’école, j’ai décidé avec mon conjoint de ne pas le scolariser afin qu’il n’y ait pas de décalage avec son grand frère. Par la suite, lui aussi a été diagnostiqué porteur d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.
Un choix de vie sans difficultés
Depuis 2018, l’instruction en famille s’est très bien passée. Après avoir arrêté de travailler pour mon premier enfant, j’ai décidé me consacrer à l’enseignement de mes enfants, et je ne regrette pas aujourd’hui. Je ne dis pas que c’est tous les jours facile, parfois on traverse des périodes compliquées. Mais grâce à ce mode de vie j’ai du temps avec mes enfants, on a tissé des liens très forts et nourri notre relation familiale.
Je les fais travailler tous les jours de la semaine sauf le mercredi. Pendant deux heures le matin, nous travaillons le français, les mathématiques, l’anglais, la géographie, l’histoire sous forme de jeux, de découvertes ludiques. L’après-midi, c’est temps calme et sorties à la bibliothèque, au musée, dans la nature ou promenade avec d’autres enfants qui pratiquent l’instruction en famille.
Tous les ans il y a des contrôles pédagogiques réalisés par un inspecteur académique et un conseiller pédagogique de l’Éducation nationale afin de vérifier que nous fournissons bien une instruction à nos enfants et qu’ils progressent dans le cadre du socle commun des compétences définies par l’Éducation nationale. Cela peut avoir lieu à n’importe quel moment de l’année dans des endroits de convocation différents.
Par exemple, l’année dernière, les enfants, mon conjoint et moi avons été contrôlés dans un collège et cette année dans les locaux de l’inspection. Durant toutes ces années, il n’y a jamais eu de problèmes avec les contrôles. L’organisation de notre quotidien a porté ses fruits. Nous avons réussi à dépasser les angoisses de notre aîné liées aux apprentissages et notre deuxième s’épanouit dans un niveau scolaire qui lui convient.
L’impression d’être regardée d’un mauvais œil
En général j’ai plutôt des retours positifs quand j’explique aux personnes que nous pratiquons l’école à la maison, mais il y a malheureusement toujours des personnes qui ont une vision très critique. Ils nous interrogent notamment beaucoup sur les relations sociales de nos enfants. Ils imaginent qu’ils ne sortent pas de la maison, qu’ils n’ont pas d’amis. J’ai le sentiment que les gens sont toujours un peu méfiants quand on fait des choix différents de la norme.
Et depuis que l’école à la maison est devenue dérogatoire avec la nouvelle loi de 2021, c’est pire encore. J’ai l’impression de faire quelque chose de mal, comme si faire le choix de pratiquer l’instruction en famille était dangereux pour les enfants. À la rentrée, notre troisième enfant, notre fille aurait dû à son tour aller en petite section. Et pour la première fois, j’ai dû réaliser un dossier pour obtenir l’autorisation de faire l’école à la maison.
Dedans, j’ai dû mettre beaucoup de détails sur notre vie privée, et justifier le moindre choix. Je dois leur donner un emploi du temps précis, de tous les jours de la semaine. Moi je me suis contentée de décrire les moments qui correspondent au temps d’école, je ne suis pas allée raconter ce que je fais avec les enfants le mercredi et le dimanche par exemple, parce que ça ne les regarde pas. Et puis ce ne sont pas des choses qu’on demande aux parents avec des enfants scolarisés.
Notre fille a des troubles du sommeil et montre les premiers signes de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Donc j’ai dû justifier que c’était plus facile de gérer ces troubles en pratiquant l’école à la maison que dans une classe de trente personnes. Ce dossier, je l’ai vraiment vécu comme une intrusion.
Partir à l’étranger
J’ai eu peur de devoir faire un recours, d’avoir à refaire un dossier. J’ai eu très peur que l’autorisation ne soit pas acceptée pour notre fille. Globalement, j’ai l’impression de passer plus de temps à me justifier qu’à préparer l’instruction de mes enfants. Mais je ne me suis pas découragée pour autant. Parfois il m’arrive de douter et de me demander si l’école à la maison est la meilleure solution pour mes enfants. Puis je me rappelle que ces enfants ce sont les miens, que je connais leur trouble, que je sais ce qu’ils aiment et que donc j’arrive à trouver le meilleur moyen de leur faire apprendre des choses.
L’année prochaine, il va aussi falloir monter aussi un dossier pour mes deux garçons. Ça me stresse déjà. Si ce n’est pas accepté, jusqu’où faudra-t-il se battre ? À l’heure actuelle, j’ai du mal à les imaginer scolarisés. Ce mode de vie convient parfaitement à nos enfants. Faudra-t-il partir à l’étranger ? En tout cas, c’est une option que mon conjoint et moi avons mise sur table.
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