Présidentielle américaine: qui sont les potentielles colistières de Joe Biden?

Joe Biden lors d'un meeting de campagne à Wilmington, dans le Delaware, le 28 juillet 2020
 - ANDREW CABALLERO-REYNOLDS © 2019 AFP
Joe Biden lors d'un meeting de campagne à Wilmington, dans le Delaware, le 28 juillet 2020 - ANDREW CABALLERO-REYNOLDS © 2019 AFP

Joe Biden va devoir trancher. Après quelques semaines de suspense, le candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine doit dévoiler cette semaine le choix de sa colistière. Une personne qui deviendra donc vice-présidente en cas d'élection du candidat démocrate à la Maison Blanche.

En promettant de faire son choix "la première semaine d'août", l'ancien vice-président de Barack Obama doit compléter le binôme qui affrontera avec lui Donald Trump dans les urnes le 3 novembre.

Voici le profil des principales prétendantes.

· Kamala Harris, la favorite

Kamala Harris a grandi à Oakland, dans la Californie progressiste des années 1960, fière de la lutte pour les droits civiques de ses parents. Après deux mandats de procureure à San Francisco (2004-2011), elle avait été élue, deux fois, procureure de Californie (2011-2017), devenant alors la première femme, mais aussi la première personne noire, à diriger les services judiciaires de l'Etat le plus peuplé du pays.

Depuis les débuts de sa carrière, cette fille d'immigrés jamaïcain et indienne accumule les titres de pionnière. Et aimerait, faute d'avoir remporté la primaire, y ajouter celui de première colistière noire et, peut-être, de première femme vice-présidente des Etats-Unis.

Elle connaît bien le candidat démocrate et était proche de son fils Beau Biden, décédé d'un cancer en 2015. Mais elle avait surpris en l'attaquant avec virulence lors de leur premier débat démocrate, en 2019, sur ses positions passées sur les politiques de dé-ségrégation raciale dans les années 1970. En racontant, émue, comment, petite fille, elle était dans l'un des bus amenant les écoliers noirs dans les quartiers blancs.

Après avoir abandonné la primaire en décembre, elle s'est ralliée à Joe Biden en mars.

· Susan Rice, rugueuse diplomate

Réputée offensive et pas toujours très diplomate, Susan Rice a appris à batailler avec la Russie et la Chine au Conseil de sécurité de l'ONU de 2009 à 2013, et saurait donc afficher la fermeté que le candidat démocrate veut incarner face aux adversaires stratégiques des Etats-Unis. La démocrate de 55 ans est une des diplomates américaines les plus capées. Elle serait prête dès le premier jour à seconder Joe Biden sur les dossiers sensibles de politique étrangère.

Joe Biden "a d'excellentes relations avec elle, ils ont travaillé ensemble pendant huit ans de manière très très proche, et cela compte beaucoup pour quelqu'un comme lui", estime David Barker, professeur à l'American University de Washington. Mais Susan Rice, née à Washington de parents universitaires, bardée de diplômes prestigieux, n'a jamais été élue et pourrait être perçue comme une fonctionnaire éloignée des réalités de l'Amérique profonde. Elle a aussi été éclaboussée par la polémique sur l'attaque de 2012 contre la mission diplomatique américaine de Benghazi, en Libye. Cela l'avait contrainte à l'époque à renoncer à briguer le poste de secrétaire d'Etat, et en ferait aujourd'hui une cible de choix pour le camp trumpiste.

· Karen Bass, inconnue du grand public

Méconnue malgré sa déjà longue carrière parlementaire, Karen Bass a surpris en se retrouvant propulsée ces derniers jours parmi les colistières potentielles de Joe Biden les plus cotées.
C'est justement le profil discret de l'élue de la Chambre des représentants qui pourrait plaire au candidat, assuré que celle qui a indiqué ne pas briguer la présidence en 2024 ne cherchera pas à lui faire d'ombre, à l'image du fidèle bras droit qu'il dit avoir été pour Barack Obama. A 66 ans, Karen Bass dirige l'influent groupe des élus noirs du Congrès américain et a rédigé un projet de réforme de la police portant le nom de George Floyd. Arrivée à la Chambre en 2011, cette ancienne assistante médicale était auparavant élue à l'Assemblée de Californie depuis 2004, dont elle était devenue, en 2008, la première présidente afro-américaine. Mais ses positions marquées nettement à gauche pourraient en faire une cible évidente pour les républicains. Et un communiqué datant de 2016 risquerait de lui nuire particulièrement auprès des électeurs d'origine cubaine, cruciaux pour remporter la Floride: "La disparition du 'Comandante en Jefe' est une grande perte pour le peuple cubain", avait-elle écrit après la mort de Fidel Castro.

· Elizabeth Warren, la progressiste

Portée par des supporteurs enthousiastes, la sénatrice Elizabeth Warren était un temps apparue favorite de la primaire démocrate avant d'enchaîner les scores décevants dans les urnes puis de jeter l'éponge, début mars.
Plutôt que d'accorder son soutien à Bernie Sanders, un "ami" pourtant proche de ses idées, elle a fait durer le suspense jusqu'à se rallier à Joe Biden en avril. Malgré les critiques échangées pendant la primaire, elle fait depuis campagne activement pour son ancien rival centriste, et participait encore vendredi soir à une levée de fonds en ligne.

Avec cette pourfendeuse de Wall Street à ses côtés, le candidat démocrate pourrait attirer les plus à gauche mais aussi des électeurs afro-américains, chez qui elle a fait de meilleurs scores dans les sondages que Kamala Harris.

Mais à 71 ans, elle aurait du mal à incarner la relève. Et son programme résolument progressiste pourrait effrayer les modérés et donner des arguments au camp Trump qui tente de décrire Joe Biden comme une "marionnette" de la "gauche radicale". Bête noire du président républicain, elle serait aussi certainement attaquée sur des origines amérindiennes infimes qu'elles a longtemps revendiquées.

· Tammy Duckworth, ancienne militaire

Beaucoup moins connue du grand public que ses collègues Kamala Harris et Elizabeth Warren, la sénatrice Tammy Duckworth, une ancienne militaire d'origine asiatique qui a perdu ses deux jambes en Irak, pourrait renforcer l'un des points forts de Joe Biden: son humanité et son empathie.
Née à Bangkok, cette femme de 52 ans se déplace en fauteuil roulant dans les allées du Congrès à Washington, où elle représente l'Illinois, Etat industriel du Midwest, dont elle a été d'abord l'élue à la Chambre des représentants de 2013 à 2017, puis au Sénat. Fille d'un vétéran de l'armée américaine et d'une mère thaïlandaise, elle s'est elle-même engagée dans l'armée et dans les Marines, avant d'être blessée en Irak en 2004, lorsque l'hélicoptère qu'elle copilotait fut touché par des insurgés. Amputée des deux jambes, elle a ensuite rejoint le gouvernement de Barack Obama au sein du très puissant ministère des Anciens combattants.

· Une surprise?

Crise du Covid-19 oblige, Joe Biden reste chez lui et ne peut recevoir les potentielles colistières sans être vu des journalistes. Les échanges se font donc à distance, et d'autres noms circulent depuis des mois, même si leur cote est récemment retombée, comme les gouverneures Gretchen Whitmer et Michelle Lujan Grisham, une élue hispanique alors que cet électorat aussi est précieux pour les démocrates.

Val Demings, élue de la Chambre, ou encore la sénatrice Tammy Baldwin, sont également parmi les noms régulièrement cités. Mais l'équipe Biden pourrait aussi, comme d'autres avant elle, chercher l'effet surprise en dévoilant un nom inattendu.

Article original publié sur BFMTV.com