Présidentielle de 2022: avec l'appel d'Estrosi à rallier Macron, LR confronté à son absence de candidat

Gérard Larcher, Christelle Morançais, Bruno Retailleau, Philippe Juvin, Franck Louvrier et Rachida Dati, à l'université d'été du groupe LR des Pays de la Loire à La Baule, le 29 août 2020 - AFP / Loïc Venance
Gérard Larcher, Christelle Morançais, Bruno Retailleau, Philippe Juvin, Franck Louvrier et Rachida Dati, à l'université d'été du groupe LR des Pays de la Loire à La Baule, le 29 août 2020 - AFP / Loïc Venance

Il fallait vite réagir. Au lendemain des propos chocs de Christian Estrosi dans les colonnes du Figaro, le numéro trois des Républicains, Aurélien Pradié, a dégainé la sulfateuse pour dénoncer l'"opportunisme" du maire de Nice. Celui-ci enjoint la droite à passer un deal avec Emmanuel Macron et, par construction, à se priver de candidature autonome à l'élection présidentielle de 2022. Pour LR, un tel scénario équivaut à une mort clinique annoncée, acceptée.

"La position de Christian Estrosi me désespère de cette époque politique. Il y a quelques décennies, l'honneur de la politique, c'était de défendre ses convictions, c'était d'être fidèle aux valeurs auxquelles on croyait, aujourd'hui l'honneur de la politique, ce serait de se vendre au plus offrant, je trouve ça totalement misérable", a asséné le député du Lot sur France Info ce mardi matin.

"Consternant"

Aurélien Pradié a de quoi s'agacer. Au sortir d'un été marqué par une multiplication de faits divers violents, la droite reprend timidement des couleurs. Elle tape à bras raccourci sur un gouvernement accusé de laxisme, de se contenter de rodomontades pour masquer un bilan médiocre en matière sécuritaire.

Deux jours après la rentrée politique de LR à La Baule, la sortie de Christian Estrosi met à mal ce narratif. Il replace la loupe du microscope sur le virus qui ronge le parti, débilité par ses défaites électorales successives: la volonté de certains de ses cadres de s'allier à Emmanuel Macron, qui a réussi à capter une partie de l'électorat de centre-droit.

Ce virus se double d'un handicap mortifère, particulièrement visible ce week-end: l'absence de candidat incontestable pouvant porter les armoiries de la droite. "C'est consternant. C'est une continuation de l'opération de destruction de notre famille politique, au moment même où on redevient audible", peste Agnès Evren, présidente de la fédération LR de Paris.

"On est mangé par les deux bouts - d'un côté par le Rassemblement national, de l'autre par En Marche. C'est là où Macron est bon politicien: il a fait monter le RN tout en faisant croire qu'il est de droite. Ça crée un vide terriblement dangereux", poursuit-elle auprès de BFMTV.com.

"Jacob n'a rien foutu"

L'élection de Christian Jacob à la présidence de LR en octobre dernier devait permettre au parti de prendre un nouvel élan, de reconstituer son socle électoral et redessiner son corpus idéologique. Sortir des querelles d'individualités qui minent la droite depuis la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012. À 16 mois de la prochaine campagne présidentielle, le ciel paraît toujours aussi nuageux, le terrain toujours aussi embouteillé.

"On est sorti complètement rincés de nos défaites. Et malgré tout le travail de Jacob, il y a une apathie intellectuelle qui nous empêche d'imprimer. Il faut ouvrir les portes et les fenêtres, s'emparer d'autres thèmes, comme l'environnement par exemple", constate une élue de poids. Un député de l'aile droite du parti se montre plus sévère:

"Jacob n'a rien foutu. On n'a pas de candidat, on a juste perdu du temps. Si on avait un candidat, on n'aurait pas ces problèmes. Ce n'est pas parce qu'on est désorganisé qu'on n'a pas de candidat; c'est parce qu'on n'a pas de candidat qu'on est désorganisé. On n'a pas d'arbitre, pas de règles."

Et le parlementaire de s'irriter du fait que pour l'heure, le patron de LR n'a pas commenté la déclaration de Christian Estrosi. D'autres dirigeants sont montés au créneau, comme Pierre-Henri Dumont sur BFMTV dès lundi.

Daniel Fasquelle, trésorier du parti et député du Pas-de-Calais, a pour sa part écrit sur Twitter que "ce n'est pas le moment" de parler d'hypothèses présidentielles. Sans pour autant condamner l'idée même d'un ralliement au chef de l'État... Correctif quelques heures plus tard de Daniel Fasquelle: "Macron n’est pas le candidat naturel de la droite. Nous avons nos talents."

La primaire, machine à perdre?

Ces "talents" sont nombreux. Trop? Depuis des mois, plusieurs personnalités - dont certaines qui ont quitté LR comme Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand - s'attroupent devant le guichet pour acheter leur ticket. Bruno Retailleau, peu connu du grand public mais très apprécié des militants, croit son heure arrivée. D'autres s'y préparent, tels que Guillaume Peltier, Philippe Juvin, Rachida Dati, voire même Eric Woerth ou Damien Abad, évoque-t-on en interne. Pour les départager, certains œuvrent à trouver la formule idoine. Quitte à renouveler l'exercice de la primaire, pourtant honni par beaucoup de cadres.

"Le problème de la primaire, c'est que n'importe quel pékin peut se présenter. Y en a 5 qui sont plus ou moins déclarés, ils finiront à 10. C'est ce qui nous a flingué en 2017. Et si on fait une primaire interne (réservée aux adhérents, NDLR), c'est Retailleau qui gagne. Il est hyper organisé sur les réseaux sociaux. Et Retailleau, ce n'est pas ma droite", s'alarme une élue.

Selon elle, le président du groupe LR au Sénat réaliserait la même contre-performance que François-Xavier Bellamy aux dernières élections européennes (8,48%). La faute à l'alliage libéral-conservateur, trop restrictif selon elle: "C'est Bellamy en pire. Puis Retailleau c'est quand même le type qui a soutenu Fillon jusqu'au bout du bout. On ne tire pas les leçons de nos échecs."

Reste l'énigme François Baroin. Présenté dès 2019 comme le potentiel sauveur de LR, le chiraquien - dont la candidature est défendue en coulisses par Christian Jacob - continue d'entretenir un mystère de moins en moins opaque. Sa décision est prévue pour l'automne, mais à en croire certains soutiens, le maire de Troyes ne s'engagera pas dans la bataille. Dès le mois de mars en réalité, ses confidences à L'Opinion laissaient entrevoir un blocage lié à la préservation de son cercle intime.

"La décla d'Estrosi n'est pas de nature à l'inciter à y aller pour 2022... Ça ne donne pas envie", euphémise-t-on dans l'entourage du président de l'Association des maires de France.

"On a un vrai sujet d'incarnation"

Pour ne rien arranger, un sondage Ifop paru lundi dans La Lettre de l'Expansion ne plaçait aucun de ces candidats putatifs en tête des souhaits des sympathisants LR. C'est Édouard Philippe, ancien Premier ministre d'Emmanuel Macron, exclu de LR, traître aux yeux de ses dirigeants, qui a remporté cette palme en recueillant 22% des vœux exprimés. Un symbole terrible.

"Philippe a parfaitement géré le Covid, mieux que Macron. Puis il avait un côté christique avec sa barbe tachetée", tente de se rassurer une élue de droite.

"On a un vrai sujet d'incarnation. Personne n'a remplacé Sarko dans cette fonction de leadership", résume pour sa part Agnès Evren, qui poursuit: "Il faut qu'on soit nous-mêmes. On représente une tradition nationale, sociale, entrepreneuriale. Il faut qu'on arrête de mettre notre drapeau dans notre poche. On a des grandes figures derrière nous; de Gaulle, Pompidou, Clémenceau... Et on devrait mettre tout ça sous le tapis?" Reste à savoir à qui appartiendra le tapis.

Article original publié sur BFMTV.com