Présidentielle aux États-Unis : comment Kamala Harris a fait de son arme à feu une stratégie de campagne

En se présentant comme propriétaire d’une arme, Kamala Harris veut se défaire des stéréotypes qui pèsent sur les démocrates.

ÉTATS-UNIS - Une approche nouvelle. À un peu moins d’un mois de l’élection présidentielle américaine, Kamala Harris a rappelé ce lundi 8 octobre dans un entretien à CBS être la propriétaire d’une arme à feu. « J’ai un Glock depuis un certain temps », a-t-elle affirmé, le sourire aux lèvres, avant de préciser s’être entraînée à le manier sur un stand de tir. Une stratégie politique qui dénote avec la tradition démocrate, fondée sur une volonté de réguler les armes à feu.

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Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la vice-présidente affirme fièrement détenir une arme. Ces dernières semaines, elle a multiplié les déclarations à ce sujet, notamment durant l’un des rendez-vous les plus importants de la campagne : le débat du 10 septembre face à Donald Trump. Pour couper court aux déclarations de son adversaire, selon lequel elle interdirait les armes à feu dans tout le pays si elle était élue, Harris avait fermement déclaré : « Tim Walz et moi-même possédons tous deux des armes à feu. Nous ne confisquerons les armes de personne », comme vous pouvez le (re)voir dans la vidéo ci-dessus.

Dix jours plus tard, la candidate démocrate confiait également à la journaliste Oprah Winfrey, en riant : « Je suis moi-même propriétaire d’une arme à feu (...) Si quelqu’un force l’entrée de mon domicile, il se fera tirer dessus ». Cette déclaration, qui était intervenue peu après que la candidate démocrate a serré dans ses bras une jeune fille grièvement blessée par balles lors d’une fusillade dans son lycée, avait provoqué un instant de malaise dans le public. « Je n’aurais probablement pas dû dire cela… Mon équipe va devoir gérer », avait-elle conclu, toujours hilare.

Or si elles tranchent avec des positions passées de Kamala Harris, ces déclarations ne sont absolument pas prononcées au hasard. En rappelant son parcours comme procureure et en affirmant être encore aujourd’hui propriétaire d’une arme « pour assurer (s)a sécurité », la candidate démocrate veut se montrer plus proche de son sujet… et des Américains. Tout en avançant sur une ligne de crête, en n’abandonnant pas la promotion d’un meilleur encadrement de l’accès aux armes ainsi qu’une interdiction des armes d’assaut.

« Ce discours va attirer beaucoup de gens, comme le chasseur du Michigan (et sa femme qui chasse peut-être aussi), qui savent qu’on n’a pas besoin d’un AR-15 (une arme de guerre, ndlr) pour chasser un cerf », estime auprès du New York Times la sondeuse Celinda Lake, qui travaille comme stratège pour le parti démocrate. Avec son discours, la vice-présidente des États-Unis espère ainsi séduire les électeurs modérés et indécis, en particulier dans les États-clés.

Sauf que cette stratégie n’est pas sans risque : parler aussi ouvertement de son arme pourrait au passage déstabiliser l’électorat fidèle au bloc démocrate. Celui-ci pourrait en effet s’inquiéter de voir la prochaine présidente des États-Unis normaliser la possession d’armes à feu, qui plus est dans un pays comptant déjà plus d’armes à feu que d’habitants. Le sujet est d’autant plus préoccupant pour une partie de l’électorat qu’en 2024, plus de 400 fusillades de masse, c’est-à-dire au cours desquelles quatre personnes ou plus ont été blessées, sans compter le tireur, ont eu lieu dans le pays, selon le décompte de l’ONG Gun Violence Archive.

Reste que cet affichage de sa possession d’une arme permet à Kamala Harris de combattre les stéréotypes qui pèsent sur les démocrates, perçus comme anti-armes à feu dans un pays qui a consacré dans sa Constitution le droit d’être armé. Des stéréotypes sur lesquels les républicains n’hésitent pas à s’appuyer pour la décrédibiliser, Donald Trump et ses alliés l’accusent ainsi régulièrement de vouloir restreindre les libertés individuelles des Américains en leur retirant fusils et pistolets. Dès lors, quoi de plus efficace que de se revendiquer elle-même propriétaire d’une arme ?

La candidate démocrate va même plus loin, en plaçant cette notion de liberté au cœur de sa campagne, comme le font d’ordinaire davantage les républicains. Avec une différence néanmoins, car dans la campagne de Kamala Harris, la « liberté » ne se traduit pas par le droit des Américains de s’armer comme ils le souhaitent, mais au contraire par le droit « d’être à l’abri de la violence armée », explique-t-elle dans son clip de campagne.

Pour ce faire, elle promet de poursuivre l’encadrement plus strict du « deuxième amendement », protégeant le fameux droit à porter une arme, au niveau fédéral. Un travail déjà entamé par Joe Biden, dont le mandat a été marqué par l’adoption du Bipartisan Safer Communities Act, qui impose la vérification des antécédents judiciaires des acheteurs d’arme âgés de 18 ans à 21 ans, peu importe où et comment ils achètent leurs armes.

À l’inverse, Donald Trump se positionne en véritable « défenseur du deuxième amendement », si bien que son équipe de campagne a créé une coalition dénommée « Gun Owners for Trump », rassemblant ses électeurs pro-armes. Reste à savoir quelle vision de la liberté parviendra à rallier le plus suffrages le 5 novembre.

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