Présidentielle US: les sondages qui donnent Biden devant Trump sont-ils plus fiables qu'en 2016?

Après la victoire surprise il y a quatre ans de Donald Trump face à Hillary Clinton, favorite des enquêtes d'opinion, leur fiabilité a été plus que jamais remise en question.

Chez les démocrates comme chez les républicains, on marche sur des œufs. Pourtant à première vue, le rapport de force de l'élection présidentielle américaine - dont nous sommes à deux semaines - est clair et net. Le candidat démocrate, Joe Biden, dispose d'une confortable avance sur son concurrent républicain Donald Trump. Selon la dernière moyenne des baromètres effectuée par le site de référence RealClearPolitics, l'ancien sénateur du Delaware est crédité de 9 points de plus que le président sortant au niveau national.

L'absence de triomphalisme prématuré dans l'équipe Biden a plusieurs explications, la plus évidente étant le douloureux souvenir de 2016. Lors de la dernière élection, Hillary Clinton était donnée gagnante jusqu'aux derniers moments de la campagne. Donald Trump l'a finalement vaincue à la surprise générale, alors même qu'il a recueilli près de 3 millions de voix de moins que son adversaire. C'est grâce à de très courtes victoires dans des États-clés, dans des cantons populaires, que le milliardaire a fait la différence.

L'importance des États-clés

En 2020, six États sont jugés susceptibles de faire basculer la victoire en faveur de l'un ou l'autre des candidats: la Floride, la Caroline du Nord, l'Arizona, le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Michigan. Dans ces "swing States", Joe Biden a l'avantage, même s'il est parfois dans la marge d'erreur, allant de +1,4 point en Floride à +7,2 dans le Michigan.

Retour en arrière: en 2016, les sondages avaient correctement photographié, la veille du vote, la légère avance nationale d'Hillary Clinton. Mais ils "se sont trompés dans certains des États pivots du Midwest" qui ont donné la victoire à Donald Trump, dit Chris Jackson, de l'institut Ipsos.

Parmi les causes, le sondeur évoque une sous-représentation dans les échantillons des "personnes blanches sans diplôme universitaire", qui se sont finalement déplacées pour mettre un bulletin Trump dans l'urne.

Changement de méthodologie

La plupart des instituts assurent avoir corrigé leur méthodologie pour éliminer cet angle mort. Les États-clés peu sondés la dernière fois font aussi l'objet d'études beaucoup plus nombreuses et répétées.

En outre, les sondeurs soulignent une grande stabilité: depuis le printemps, Joe Biden mène avec une avance moyenne qui n'est jamais tombée sous les quatre points. Par comparaison, les courbes Clinton-Trump, en dents de scie, s'étaient croisées à deux reprises, illustrant une course plus incertaine qu'on ne se le remémore.

Enfin, dans un pays extrêmement polarisé, il y a beaucoup moins d'indécis susceptibles de changer la donne au dernier moment. Cet électorat avait en partie fait la bascule de 2016, beaucoup d'Américains démocrates choisissant de bouder les urnes car insatisfaits par la candidature Clinton, jugée éloignée des préoccupations des classes populaires.

Trump n'a plus l'effet de surprise

La thèse a émergé d'électeurs trumpistes "timides", qui, interrogés par les sondeurs, préféreraient taire leur choix tant leur champion est controversé.

"Les sondages se sont trompés la dernière fois et ils se trompent encore plus cette fois", martèle ainsi Donald Trump.

Trafalgar Group, un institut de sondages proche des républicains qui se targue d'une méthodologie censée contourner ce biais, avait été quasiment le seul, en 2016, à donner Donald Trump gagnant en Pennsylvanie et dans le Michigan. Or cette fois, même ce sondeur donne l'avantage à Joe Biden dans des États cruciaux comme la Pennsylvanie et le Wisconsin.

Il y a quatre ans, l'homme d'affaires novice en politique était une nouveauté, et les nouveautés sont toujours difficiles à appréhender par les sondeurs. "Aujourd'hui, chacun s'est fait son opinion sur lui, il n'y a plus vraiment d'effet surprise autour de Donald Trump", souligne Chris Jackson.

Le New York Times

"M. Biden est plus proche, dans notre moyenne, de gagner le Texas", un bastion républicain, ce qui se traduirait par un "raz-de-marée" en sa faveur, "que le président Trump ne l'est de l'emporter dans des États plus traditionnellement disputés comme la Pennsylvanie ou le Nevada", écrivait récemment Nate Cohn, le spécialiste du quotidien.

Beaucoup d'inconnues... dont l'épidémie

Sondeurs et analystes prennent toujours soin de rappeler que les intentions de vote ne sont pas une prédiction et qu'il y a une marge d'erreur. Surtout, la campagne est une dynamique. La dernière présidentielle s'est probablement jouée dans la dernière ligne droite, au gré de l'actualité. À 16 jours du scrutin, la prévision du site FiveThirtyEight donnait à Hillary Clinton 86% de chances de victoire, quasiment comme Joe Biden aujourd'hui.

Aux États-Unis, l'inscription sur les listes électorales varie énormément, ce qui rend particulièrement difficile de prédire la participation. Donald Trump invoque les foules enthousiastes de ses meetings pour annoncer un élan en sa faveur, mais cela se traduira-t-il dans les urnes? Le camp démocrate, peu mobilisé pour Hillary Clinton, candidate impopulaire qui semblait avoir gagné d'avance, fera-t-il bloc derrière le plus consensuel Joe Biden pour chasser un président honni?

Il reste une dernière inconnue, et de taille, celle de l'impact de l'épidémie de coronavirus, qui connaît actuellement son troisième pic aux États-Unis. L'une des conséquences directes est la surabondance du vote anticipé dès la fin septembre.

"Le vote par anticipation et par correspondance atteint des niveaux historiques. Nous ne savons pas quel effet cela aura", explique Chris Jackson, évoquant des facteurs "difficiles à prendre en compte par les sondages".

Article original publié sur BFMTV.com

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