Poutine reçoit Tillerson au Kremlin dans un climat glacial

MOSCOU (Reuters) - Vladimir Poutine a reçu mercredi au Kremlin le secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, dans un climat tendu, voire hostile entre les deux superpuissances à cause de la Syrie. Avant cet entretien, qui a été annoncé par l'ambassade des Etats-Unis mais pas par le Kremlin, la présidence russe a diffusé la retranscription d'une interview télévisée dans laquelle Vladimir Poutine donne le ton de la conversation. Interrogé sur les relations avec les Etats-Unis depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison blanche le 20 janvier, le président russe répond : "On peut dire que le niveau de confiance au niveau opérationnel, en particulier sur le plan militaire, ne s'est pas amélioré mais plutôt détérioré." Le Kremlin a diffusé le script de cette interview au moment même où le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, entamait un entretien avec Rex Tillerson. Cette entrevue, qui a duré trois heures, visait notamment, selon Moscou, à éviter de nouveaux bombardements "illégaux" des Etats-Unis en Syrie. Vladimir Poutine, dans son interview, maintient sa version selon laquelle l'armée syrienne n'a pas mené d'attaque au gaz sarin le 4 avril dans la province d'Idlib et assure que le régime de Bachar al Assad a respecté sa promesse, faite en 2013, de se débarrasser de son arsenal chimique. Il avance deux explications à la mort de 87 personnes par contamination chimique à Khan Cheikhoune : soit le bombardement de l'aviation syrienne a touché un entrepôt des rebelles -- explication jugée irréaliste par de nombreux experts --, soit l'attaque a été purement et simplement inventée. Après avoir rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov, Rex Tillerson a admis que le niveau de confiance entre Moscou et Washington était extrêmement bas, avant de prévenir: "les deux principales puissances nucléaires ne peuvent pas entretenir ce genre de relations." Sergueï Lavrov a de son côté assuré que Moscou ne soutenait pas Bachar al Assad ni personne d'autre tout en prévenant qu'un renversement du régime syrien n'était pas imaginable et qu'il fallait laisser se poursuivre le processus politique. "Nous avons parlé d'Assad", a déclaré le chef de la diplomatie russe. "Je n'ai en tête aucun exemple positif de renversement de dictateur qui ait débouché sur une situation parfaite", a-t-il ajouté. Les divergences d'opinion sur les frappes américaines sur une base aérienne syrienne sont revenues à la surface. Washington dit avoir agi pour punir le gouvernement syrien tandis que Moscou maintient que cette frappe était illégale. Sergueï Lavrov a réitéré la position russe et redit qu'il fallait attendre qu'une commission internationale se prononce pour déterminer les responsabilités dans l'attaque chimique commise à Khan Cheikhoune. Il a toutefois annoncé que Vladimir Poutine avait accepté de restaurer immédiatement les accords de couverture aérienne entre la Russie et les Etats-unis après leur suspension dans la foulée de la frappe aérienne américaine. (Yeganeh Torbati et Vladimir Soldatkine, avec Andreï Ostroukh, Tangi Salaün, Gilles Trequesser et Nicolas Delame pour le service français)