Publicité

Vladimir Poutine accuse Kiev de crime grave dans l'Est ukrainien

Vladimir Poutine a déclaré jeudi lors d'une allocution télévisée qu'il espérait vraiment ne pas avoir à utiliser le droit de recourir à la force militaire dans l'est de l'Ukraine. /Photo prise le 17 avril 2014/REUTERS/Alexei Druzhinin/RIA Novosti/Kremlin

par Alissa et de et Carbonnel et Alexei et Anishchuk MOSCOU (Reuters) - Le président russe Vladimir Poutine a accusé jeudi, lors d'une intervention télévisée à la nation, les dirigeants ukrainiens de commettre un "crime grave" en déployant l'armée pour réprimer les troubles dans l'est de l'Ukraine, et il n'a pas exclu l'envoi de troupes russes dans cette région. Dans son intervention, au cours de laquelle les téléspectateurs pouvaient lui poser des questions par téléphone, il a espéré que l'armée russe n'aurait pas à entrer en Ukraine, bien que le parlement russe lui en ait donné la possibilité, et que la diplomatie réussirait à résoudre la crise. "J'espère vraiment que je n'aurai pas à exercer ce droit et que nous pourrons résoudre toutes les questions pressantes via des moyens politiques et diplomatiques", a-t-il dit, alors même qu'à Genève s'ouvrait une rencontre quadripartite entre Russes, Ukrainiens, Européens et Américains. Pendant qu'il s'exprimait, le SBU (services de sécurité ukrainiens) annonçait avoir arrêté en Ukraine une dizaine d'agents russes présumés. Dans l'intervention marathon dominée par les questions sur l'Ukraine, le maître du Kremlin a tempéré les vives critiques contre les dirigeants de Kiev par un ton plus conciliant sur la possibilité d'un compromis permettant de résoudre la pire crise entre l'Est et l'Ouest depuis la guerre froide. Rappelant au passage combien était grande la dépendance des Européens vis-à-vis du gaz russe, il a défendu l'annexion de la Crimée le mois dernier par la Russie, y voyant une riposte à l'élargissement de l'Otan aux pays de l'Est européen. Car, a-t-il expliqué, l'élargissement de l'Otan provoque l'exclusion de la Russie de la région de la mer Noire. "Les navires de l'Otan auraient fini par arriver à Sébastopol (en Crimée), ville à la gloire de la marine russe." Il a admis pour la première fois que des forces russes avaient été envoyées en Crimée pour soutenir les forces locales d'autodéfense dans ce qui était encore une république autonome d'Ukraine. "Nous avons dû prendre des mesures inévitables afin d'empêcher le développement d'événements similaires à ceux actuellement en cours dans l'est de l'Ukraine", a dit le président russe. "Bien sûr que nos troupes se tenaient derrière les forces d'autodéfense de Crimée", a-t-il admis. L'Ukraine, qui craint que se reproduise dans ses régions du Sud-Est le scénario de la Crimée, a déployé des troupes cette semaine pour tenter de reprendre une série de bâtiments publics qu'occupent les séparatistes pro-russes. LA CONFIANCE VIS-A-VIS DE WASHINGTON ENTAMÉE "Au lieu de se rendre compte qu'il y a quelque chose qui ne va pas au sein du gouvernement ukrainien et de tenter de dialoguer, ils (les dirigeants de Kiev) ont eu recours à la force (...). Il s'agit d'un crime très grave de la part des dirigeants actuels à Kiev", a dit Poutine. "Nous devons tout faire pour aider ces gens (dans l'est de l'Ukraine) à défendre leurs droits et à décider de manière indépendante de leur destin. C'est ce que nous appuyons", a-t-il ajouté. Le numéro un russe a enfoncé le clou en s'en prenant à l'élection présidentielle ukrainienne prévue le 25 mai. La Russie refuse de reconnaître les dirigeants ukrainiens arrivés au pouvoir en février après l'insurrection et la destitution du président pro-russe Viktor Ianoukovitch. Selon lui, la campagne électorale pour le 25 mai se déroule "d'une manière totalement inacceptable", certains candidats étant passés à tabac. "Si tout continue comme ça, nous ne jugerons évidemment pas légitime le déroulement des événements, tout comme ce qui se passera après le 25 mai", a-t-il dit. A la suite de ces propos, le Premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk a accusé le président russe de vouloir saboter le scrutin. "Le but, comme Poutine l'a officiellement annoncé aujourd'hui, est de ruiner l'élection présidentielle du 25 mai." Vladimir Poutine a aussi élargi le champ de la discussion aux relations avec Washington et estimé que la "reprogrammation" des rapports russo-américains voulue par Barack Obama après son arrivée à la Maison blanche avait fait long feu, cela avant même qu'éclate la crise en Ukraine. Selon lui, la confiance a dans une large mesure disparu des relations entre Moscou et Washington, et, pour la rétablir, il faudrait que les Etats-Unis respectent les intérêts de l'autre camp ainsi que le droit international. La Russie, elle, souhaite le retour de la confiance dans les relations bilatérales et fera tout pour qu'il advienne. "Dans une certaine mesure, la confiance est perdue, mais nous ne pensons pas en être responsables", a-t-il dit dans son intervention. La Russie ne veut en aucun cas s'isoler sur le plan international, et Vladimir Poutine a jugé nécessaire de souligner qu'elle ne voulait pas s'embusquer derrière un rideau de fer. "Le rideau de fer est une invention soviétique" et "Nous n'avons pas l'intention de fermer notre pays et notre société à quiconque", a-t-il souligné. (Eric Faye pour le service français)