Pourquoi le rejet du budget de l'État n'est pas une si mauvaise nouvelle pour Michel Barnier
Un vote net. Les députés ont largement voté contre le volet recettes du budget de l'État ce mardi 12 novembre avec 362 voix contre. Les députés de la coalition gouvernementale ont rejeté le projet de loi de finances avec les voix du Rassemblement national. La gauche, elle, a soutenu ce texte qu'elle avait largement modifié dans l'hémicycle.
Cette manœuvre va permettre au gouvernement de repartir au Sénat avec sa propre copie, alors que celle-ci a été profondément réécrite dans l'hémicycle. Concrètement, Michel Barnier va pouvoir piocher dans les propositions votées à l'Assemblée nationale pour les ajouter au texte initial qu'il avait présenté début octobre.
Barnier reprend la main
Parmi les mesures qui vont probablement disparaître, l'augmentation de la fiscalité liée au patrimoine des milliardaires et la hausse des impôts sur les superprofits, autant de mesures votées par la gauche qui a profité de la déperdition des troupes LR et macronistes.
Michel Barnier devrait aussi profiter de l'occasion pour réintroduire plusieurs dispositions qu'il avait défendues, mais qui avaient été finalement retoquées par ses propres troupes, à l'instar de la hausse de la taxe sur l'électricité, l'alourdissement du malus automobile et la surtaxe sur les grandes entreprises.
Preuve que l'exécutif cherche déjà à être dans les bonnes grâces du Sénat à majorité de droite: Michel Barnier a fait un geste vis-à-vis des sénateurs par la voix de Laurent Wauquiez. Le président des députés LR a annoncé lundi soir que les pensions de retraites qui devraient être gelées, seront bien revalorisées en partie au 1er janvier. La mesure sera introduite au Sénat par un amendement lors de l'étude du budget de la Sécu.
Négociations avec la chambre haute
De quoi aussi satisfaire une partie de son gouvernement qui compte pas moins d'une dizaine d'anciens sénateurs, quitte à froisser une partie des troupes macronistes qui n'a guère apprécié la forme et le fond de la mesure.
Laurent Saint-Martin, le ministre du Budget, a annoncé de son côté ce mardi matin sur France 2 qu'un compromis pourrait "aboutir dans les tout prochains jours" pour limiter la baisse des allègements de cotisations aux entreprises, un symbole important pour les macronistes.
Mais le gouvernement, qui pensait initialement jouer sur du velours au Sénat, va cependant devoir aussi arrondir les angles. Les sénateurs, élus notamment par les maires, sont bien décidés à largement revenir sur la baisse des dotations de 5 milliards d'euros par les collectivités. Plus largement, la chambre haute devrait également être tenté de tester sa marge d'autonomie.
"La confiance" de Barnier dans le Sénat "en grandeur nature"
Le Premier ministre pourrait en effet être tenté de balayer d'un revers de la main les pistes d'économies votées par les sénateurs. En cas d'activation très probable de l'article 49.3 de la Constitution au retour du Budget à l'Assemblée dans quelques semaines, Michel Barnier pourra retenir les modifications du Sénat qu'il souhaite et en écarter d'autres.
"On va avoir l'occasion de voir grandeur nature à quel point il nous fait confiance", nous explique un sénateur LR.
Autre impératif pour le Palais du Luxembourg: parvenir à un budget qui soit acceptable également pour les macronistes. Les sénateurs tout comme les parlementaires vont en effet devoir trouver une version commune qui contente les deux chambres - une vraie gageure entre un Sénat largement acquis à la droite et une Assemblée nationale plus morcelée que jamais.
Certains dans les rangs de Renaissance, à l'instar du député Charles Rodwell, menacent déjà de ne pas parvenir à un accord en cas de hausse des cotisations patronales votée par le Sénat.
Autant dire que la chambre haute qui n'a de cesse ces derniers mois de jouer la carte de la responsabilité face à l'Assemblée va devoir jouer finalement sa partition.