Pourquoi le projet d’oléoduc de TotalEnergies est qualifié de "bombe à carbone" ?

Mobilisation à Londres contre le projet EACOP de Total. (Photo by Vuk Valcic/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)
Mobilisation à Londres contre le projet EACOP de TotalEnergies. (Photo by Vuk Valcic/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

188 scientifiques et experts dénoncent le projet d’oléoduc Eacop en Ouganda et en Tanzanie, mené par le groupe TotalEnergies.

Les scientifiques tirent la sonnette d'alarme. Au coeur des inquiétudes des militants écologiques depuis des mois, le projet Eacop de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, qui vise à construire un oléoduc géant sillonnant ces deux pays d'Afrique.

L'inquiétude est désormais publiquement partagée par des dizaines de scientifiques et experts, qui publient une tribune dans Le Monde pour dénoncer une "bombe à carbone", et appeler TotalEnergies à renoncer à un tel projet.

425 bombes à carbone recensées

Ce que les spécialistes désignent comme "bombe à carbone" ce sont les nouvelles exploitations de source de carbone capable de provoquer l'emballement du réchauffement climatique, comme des gisements de pétrole ou de gaz. En juillet 2022, une étude menée par des chercheurs de l’université de Leeds (Royaume-Uni) pointait du doigt 425 bombes à carbone, des projets répartis dans 48 pays et dont la concrétisation pourrait être à l'origine de l'émission de plus de 646 milliards de tonnes de CO2.

Pour être qualifié de "bombe à carbone" dans cette étude, les projets devaient "être à l’origine de l’émission de plus d’un milliard de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) au cours de leur durée de vie". Parmi ces 425 bombes à carbone identifiées par les scientifiques figure déjà à l"époque le projet de TotalEnergies qui émettra, sur les 25 années annoncées, "plus de 379 millions de tonnes équivalent CO2".

Un projet qui contraindrait 100 000 personnes à quitter leurs terres

Si cet oléoduc voit le jour, il sera "le plus long oléoduc chauffé au monde (1 443 kilomètres)", pointent les auteur de la tribune, qui dénoncent également un projet qui met en péril "des zones à la biodiversité sensible" et "contribue à des violations avérées des droits humains en Ouganda et en Tanzanie". Selon des ONG locales, le projet contraindra 100 000 personnes à quitter leurs terres.

Objectif du projet, exploiter le pétrole qui se trouve sous le lac Albert, en Ouganda, l’équivalent de 6,5 milliards de barils de pétrole brut, dont 2,2 récupérables, et l'acheminer à une température de 50 degrés jusqu'au port de Tanga, en Tanzanie, à plus de 1400 kilomètres. Le projet est depuis plusieurs années dans le viseur d'ONG et d'associations écologistes qui multiplient les recours et les interpellations pour faire cesser le projet.

Un appel à cesser les investissements dans de nouvelles installations pétrolières

En 2021, une étude parue dans la revue Nature montrait qu'il faudrait laisser dans le sol près de 60% des réserves de gaz et de pétrole d'ici 2050 pour maintenir les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.

Cette même année, l’Agence internationale de l’énergie a appelé à cesser immédiatement les investissements dans de nouvelles installations pétrolières et gazières, comme Eacop, si l’on veut atteindre zéro émission nette en 2050. Prochain espoir des opposants au projet de TotalEnergies, l'Assemblée générale du groupe, prévue le 26 mai. Les experts lancent un appel aux actionnaires à voter contre le "say on climate" (la stratégie climat, ndlr) que proposera alors la firme. Ils souhaitent qu’ils exigent de l’entreprise d’abandonner l’oléoduc Eacop et tous ses autres projets fossiles "en passe de détruire nos conditions de vie sur Terre".

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