Pourquoi la mer Méditerranée est-elle aussi chaude cet été ?

La plage de la Pointe Rouge, à Marseille. (Photo by CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)
La plage de la Pointe Rouge, à Marseille. (Photo by CLEMENT MAHOUDEAU / AFP)

La température de l'eau atteint jusqu'à 30 degrés, soit 4 à 6 degrés de plus que la température enregistrée normalement à cette période de l'année.

Une température de l'eau digne de celles des mers des Caraïbes. Avec jusqu'à 30 degrés par endroits, la mer Méditerranée bat des records de chaleur cet été. Une situation anormale qui fait le bonheur des baigneurs.

Un phénomène que les spécialistes appellent une "vague de chaleur océanique", à partir du moment où la température de surface de l'eau atteint un certain seuil. "Une zone est en vague de chaleur océanique lorsque l'écart à la température normale sur 30 ans de mesures se situe au dessus du 99e percentile, (c'est-à-dire que 99% des températures relevées durant cette période étaient inférieures), sur au moins 20% de la surface totale, et cela pendant minimum 5 jours consécutifs", nous explique Thibault Guinaldo, ingénieur de recherche du Centre National de Recherches Météorologiques à l’antenne de Lannion.

Les spécialistes redoutent "la prolifération d'algues toxiques"

Pour expliquer les 30 degrés atteints dans certains points de la Méditerranée, les multiples vagues de chaleur qui touchent la France et particulièrement le Sud-Est du pays. "Les températures de l’air restent au-dessus des normales de saison sur des périodes longues. Les conditions anticycloniques ne favorisent pas non plus l’apparition de vent qui pourrait aider au brassage et donc au refroidissement des eaux de surface. Toutes les composantes sont réunies pour avoir un chauffage durable par l’atmosphère de la surface de la mer", poursuit Thibault Guinaldo.

Si le phénomène peut être vu comme une bonne nouvelle pour les baigneurs, qui profitent d'une eau très agréable, cette vague de chaleur océanique n'est pas sans conséquences. Le risque essentiel, "une surmortalité significative de certaines espèces endémiques comme la posidonie", une algue sous-marine, ou encore "la prolifération d’algues toxiques en lien avec une tropicalisation des écosystèmes, le blanchiment des coraux, qui les rend vulnérables aux maladies, ou encore une modification des voies de migrations d’espèces marines", égrène le spécialiste.

"Des poissons originaires du Sud se déplacent vers des régions septentrionales, occasionnant un bouleversement de l’écosystème", illustre dans Le Parisien Thierry Perez, directeur de recherche CNRS à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale.

La Manche et le Golfe de Gascogne également touchées

D'autant que le phénomène se multiplie avec le réchauffement climatique. 12 anomalies semblables à celle qui touche la Méditerranée actuellement ont été recensées dans les années 2000. Dans les années 90, on n'en relevait que 7, et seulement 2 dans les années 80. Cette année, depuis le mois de mai, une canicule marine a été enregistrée chaque mois en Méditerranée de l’Ouest.

Si le phénomène est particulièrement remarqué en cette période estivale et caniculaire, la mer Méditerranée n'est pas la seule concernée. "Il y a des signaux de réchauffement au-dessus des normales pour les eaux du Golfe de Gascogne ainsi que dans la Manche mais ces anomalies restent moins importantes et les marées qui ont lieu dans ces bassins assurent un brassage des eaux de surface avec des eaux plus froides en profondeur", poursuit Thibault Guinaldo. Des anomalies moins importantes mais avec tout de même des conséquences. Ainsi, dans la Manche les ostréiculteurs s'inquiètent de la montée de la température de la mer pour leur activité, et craignent que huîtres et bulots ne soient menacés par le réchauffement de la mer.

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