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Pourquoi les médecins veulent pouvoir facturer les rendez-vous non-honorés

Photo d'illustration / Getty Images/iStockphoto
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Une manière selon eux de limiter les abus et de réduire les délais pour la prise de rendez-vous chez le médecin.

27 millions de consultations non honorées chaque année. C'est le constat de certains professionnels de santé qui appellent à prendre des mesures pour faire face à ce problème. L'une des solutions mises en avant, dans une pétition lancée il y a trois ans par le syndicat UFML et remise en avant ces derniers jours, faire payer les "lapins" posés par les patients.

40 minutes de consultation perdue par jour et par médecin

Une somme récoltée qui n'irait pas dans la poche des médecins mais pourrait financer la Sécurité Sociale par exemple, proposent les auteurs de la pétition. "L'idée n'est pas de pénaliser financièrement le patient, mais de l'inciter à honorer ou à annuler son rendez-vous. De plus en plus de gens prennent plusieurs rendez-vous et choisissent au dernier moment celui qui leur convient", explique le docteur Jérôme Marty, président du syndicat UFML à l'origine de la pétition.

Selon une étude, 27 millions de consultations ne sont pas honorées chaque année, soit environ 40 minutes de consultation perdue en moyenne par jour et par médecin. C'est l'équivalent de 8 000 médecins à temps plein.

"Pour certains, la santé est devenu un bien de consommation"

"Cette proposition est une réponse au manque de personnel et aux délais d'attente pour avoir un rendez-vous. Avec 27 millions de "lapins" posés par an, et 22 millions de passages aux urgences par an, en luttant contre ces rendez-vous non honorés, on peut déjà régler le problème de surcharge des urgences : on libère des créneaux de rendez-vous et on diminue de fait une part des passages aux urgences", imagine le docteur Jérôme Marty.

"Le même jour, je peux avoir trois rendez-vous non honorés, et autant de demandes de rendez-vous en urgences que je n'arrive pas à caler, c'est frustrant. Parfois, des patients prennent trois rendez-vous différents la même semaine pour la même pathologie. C'est un comportement inadmissible. Pour certains la santé est devenu un bien de consommation", déplore le docteur Franck Clarot, radiologue. Au point que certains patients qui posent trop de lapins sont parfois mis sur une liste noire par son cabinet.

"Quand on n'honore pas un rendez-vous, on prive un autre patient de cette consultation"

En Île-de-France, les médecins libéraux auraient en moyenne deux rendez-vous non honorés par jour selon une enquête lancée le 8 juillet par l’URPS médecins Île-de-France.

Avec la possibilité de faire payer les patients indélicats, les médecins espèrent que cela incitera à ne plus multiplier les rendez-vous, et à annuler en cas d'empêchement. "Il faut que les patients soient conscients que lorsqu'on n'honore pas un rendez-vous, on prive un autre patient de cette consultation", martèle le docteur Franck Clarot. Un constat largement partagé sur les réseaux sociaux.

1 Français sur 6 a déjà posé un lapin à son médecin

Selon un sondage Odoxa paru en 2019, 84% des personnes interrogées se disaient toutefois conscientes que ne pas honorer un rendez-vous médicale est grave "car cela désorganise le médecin et prive quelqu'un d'autre de ce rendez-vous". Une prise de conscience à relativiser face au comportement puisque selon ce même sondage, un Français sur 6 reconnait déjà avoir posé un lapin, une proportion qui monte à un jeune sur 3.

Pour les signataires de la pétition, lutter contre les rendez-vous non honorés est une des solutions face au manque de moyens humains dans le secteur de la santé. "Si on arrive à réduire de moitié ces rendez-vous non honorés, c'est l'équivalent de 4 000 médecins à temps plein. Cela permettrait de libérer des consultations et donc de réduire les délais de prise de rendez-vous, diminuer l'impact des déserts médicaux et répondre en partie au manque de soignants à l'hôpital", poursuit le docteur Franck Clarot. Selon ce sondage Odoxa paru en 2019, la quasi-totalité des médecins (90 à 97%) fait face à ce fléau.

En Finlande, c'est 40 euros le "lapin" posé à son médecin

Un système de facturation des "lapins" posés par les patients mis en place dans certains pays comme la Finlande. "Dans le public, il existe un forfait de 40 euros, dans le privé, c'est le médecin qui fixe librement le prix", témoigne Nicolas Kluger, dermatologue en Finlande. S'il reconnaît qu'il existe une différence de culture entre les pays scandinaves et la France, le dermatologue témoigne de l'efficacité du système. "Mon dernier lapin remonte à deux ou trois ans. Et lorsqu'il s'agit de facturer, on a accès à la situation du patient, s'il est malade, hospitalisé, s'il a certaines difficultés afin de décider ou non s'il est légitime de facturer", illustre le praticien

Autre piste pour lutter contre les rendez-vous non honorés, proposée par l'URPS, "une campagne nationale d’information sur l’accès aux soins, permettant de sensibiliser les usagers au respect de leur rendez-vous" et plaide pour le développement des plateformes de prise de rendez-vous en ligne, avec systématisation des SMS de rappel 24 heures avant, "impossibilité de prendre deux rendez-vous simultanés dans la même spécialité", et "option de prépaiement", notamment pour les nouveaux patients.

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