Pourquoi la loi belge a pu autoriser l'euthanasie d'une jeune femme de 23 ans

La Convention citoyenne sur la fin de vie doit débuter ses travaux le 9 décembre prochain, pour des conclusions attendues en mars suivant. La réunion de cette instance voulue par l'exécutif s'inscrit dans le sillage de l'avis rendu, le 13 septembre, par le Comité consultatif national d’éthique qui s'est dit favorable à la légalisation d'une "aide active à mourir".

On ignore encore si cette évolution du droit français sera actée et on n'en sait, par nature, pas davantage sur la forme qu'elle prendrait dans l'Hexagone. Mais le chef de l'État a toutefois déjà marqué sa préférence. Le 31 mars dernier, en déplacement en Charente-Maritime, il a ainsi pris en exemple le "modèle belge". Or celui-ci interroge après qu'on a appris mercredi dernier via la RTBF l'euthanasie, en date du 7 mai, d'une jeune femme de 23 ans, en parfaite santé physique mais éprouvant de lourdes souffrances psychiques.

Sa présence le 22 mars 2016 lors de l'attentat de l'aéroport de Zaventem avait plongé Shanti De Corte dans une dépression dont elle n'a jamais pu sortir. Elle était, depuis, sous antidépresseurs. Ce vendredi, BFMTV.com fait le point sur la législation belge en la matière.

Une commission contrôle l'application de cette loi votée il y a 20 ans

C'est la loi du 28 mai 2002 qui a dépénalisé l'euthanasie en Belgique. Elle est entrée en vigueur le 20 septembre suivant. Elle est, depuis, largement entrée dans les moeurs locales: en effet, on a recensé 2700 euthanasies dans le royaume en 2021, soit 2,4% du total des morts enregistrées sur le territoire pour l'année.

Une Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l'euthanasie en chapeaute chacune des applications. Composé de 16 membres - dont huit docteurs en médecine, quatre professeurs de droit ou avocats et quatre spécialistes des pathologies incurables - cet organe intervient a posteriori et non en amont. Il s'agit donc de se prononcer sur la régularité de la procédure. Elle doit dire son mot dans les deux mois. En ce qui concerne Shanti De Corte, elle a déjà tranché, justifiant le bien-fondé de l'opération par "la souffrance psychique" de la jeune femme.

La demande doit être "volontaire, réfléchie, répétée"

On est ici en plein coeur du dispositif législatif arrêté par la loi du 28 mai 2002. Celui-ci définit d'abord clairement le public concerné par ce parcours de fin de vie. Pour être demandeur, il faut être "majeur ou mineur émancipé", être en pleine possession de sa "capacité de discernement" et, bien entendu, être "conscient" au moment d'engager la procédure.

La demande, précise le texte, doit encore être "formulée de manière volontaire, réfléchie et répétée" et ce, sans subir de "pression extérieure". Il faut d'ailleurs "s'assurer de la persistance" de cette volonté et pour ce faire, la loi prévoit la tenue de plusieurs entretiens entre le patient et son médecin, chacune de ces séances étant séparée de la suivante par un "délai raisonnable".

Un patient souffrant "physiquement ou psychiquement"

Aucune disposition, en revanche, ne précise d'âge-plancher. Aussi, toute personne se trouvant "dans une situation médicale sans issue et fait état d'une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable" peut constituer son dossier. Un cadre qui englobe donc le cas Shanti De Corte selon la Commission fédérale.

Le demandeur doit "rédiger, dater, signer" en personne un document en ce sens, ou, s'il est dans l'incapacité physique de le faire, désigner une personne majeure "qui ne peut avoir aucun intérêt matériel" à cette mort. Le postulant peut bien sûr révoquer sa demande à tout moment, son dossier lui étant alors restitué. La loi ménage d'ailleurs un temps pour la réflexion: il doit s'écouler "au moins un mois entre la demande écrite du patient et l'euthanasie".

Le texte prévoit une clause de conscience

Le médecin sollicité a l'obligation de recueillir un avis extérieur, émanant d'un confrère ou d'une consoeur compétente dans le traitement de la pathologie dont souffre le patient. Ce second médecin doit également rendre un rapport à l'issue de son examen. À noter qu'un avis extérieur supplémentaire sera nécessaire au cas où "manifestement" la mort naturelle du patient ne pourrait "intervenir à brève échéance".

Enfin, le texte garantit aux praticiens une clause de conscience. "Aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie", lit-on en effet à l'article 14.

Article original publié sur BFMTV.com