Publicité

Pourquoi les montagnes françaises sont-elles en souffrance ?

Le glacier Bionnassay, le plus petit glacier du Mont-Blanc, se rétrécit sous l’influence du réchauffement climatique, selon de nombreux scientifiques.
Le glacier Bionnassay, le plus petit glacier du Mont-Blanc, se rétrécit sous l’influence du réchauffement climatique, selon de nombreux scientifiques.

Ces dernières semaines, plusieurs compagnies de guides ont décidé de suspendre les randonnées en montagne et certaines préfectures recommandent de ne plus faire les ascensions ou ferment les refuges, notamment aux alentours du Mont-Blanc. Explications.

Les acteurs de la montagne sont en alerte. Depuis plusieurs semaines, en raison des conditions dangereuses, certaines compagnies de guides ont décidé de suspendre les ascensions vers le Mont-Blanc, certaines mairies ont décidé de fermer des refuges pour y accéder pour dissuader les randonneurs qui veulent accéder au sommet, alors que mairies et préfectures recommandent de ne pas tenter l'ascension depuis la mi-juillet. Dans le Parc National des Pyrénées, les acteurs de la montagne ont décidé d'intensifier les opérations de sensibilisation tout au long de l'été pour prévenir les touristes, de plus en plus nombreux à venir en montagne depuis l'épidémie de Covid-19, sur les bons comportement à adopter pour se protéger et protéger la montagne, à une période où les conditions sont dangereuses et où les touristes sont les moins expérimentés.

Cet été, les conditions sont en effet plus dangereuses que les autres années et le réchauffement climatique n'est pas étranger à cela. Les différents épisodes de canicules que nous avons subi depuis le début de l'été n'épargnent pas la haute-montagne et ont eu un gros impact sur les glaciers des Alpes qui sont plus dangereux que d'ordinaire. Ces hautes températures provoquent la fonte des ponts de neige qui permettent de franchir les crevasses ainsi que des glissements de terrain

Éboulements et crevasses

Interrogé par 20 Minutes, l'alpiniste haut-savoyard Charles Dubouloz indique qu'il a été frappé par l'impact du réchauffement climatique et de la sécheresse dans le massif des Ecrins (Hautes-Alpes), qui mène vers le Mont-Blanc, lors de ses dernières ascensions, au point de devoir changer d'itinéraires : "L'état des glaciers est tellement sec cet été qu'il y a plein de crevasses partout. C'est ahurissant comme tout a fondu à une vitesse folle. Ça aurait par exemple été du poker que de passer par le glacier de la Pilatte, donc on a préféré le contourner par des arêtes, même si ça rallongeait la voie de cinq heures."

Dans ce même massif, sur la voie royale du Goûter rebaptisé depuis des années "couloir de la mort", plusieurs chutes de pierres ont été observées en cours de matinée la semaine dernière alors qu'il n'y a généralement pas le moindre éboulement entre 20 heures et 11 heures du matin, affirme Dorian Labaeye, le président du Syndicat national des guides de montagne (SNGM). Des conditions dangereuses qui obligent les principales compagnies de guides à suspendre temporairement et à titre préventif les stages Mont-Blanc, à cause de ces risques devenus impossibles à prédire.

Un phénomène pas nouveau, mais de plus en plus fréquent

En France, les conséquences de la sécheresse sont de plus en plus visibles et les massifs montagneux ne dérogent pas à la règle avec ces chutes de pierres qui peuvent être fatales, en particulier dans les massifs des Alpes, indique Ludovic Ravanel, membre de la Compagnie des guides de Chamonix et géomorphologue chargé de recherche au CNRS, à La Croix : "Les massifs des Alpes se réchauffent deux fois plus vite que la moyenne planétaire. Cet été, nous sommes face à deux problèmes. Les glaciers d'abord sont dans un état catastrophique. La canicule de juin ayant éliminé la neige qui renvoyait le soleil, ce dernier frappe directement la glace qui fond à grande vitesse. Certains glaciers deviennent instables, d'autres connaissent des crevasses très ouvertes. Autour des glaciers ensuite, la dégradation du permafrost provoque de nombreux écroulements rocheux. De multiples itinéraires sont devenus impraticables."

Si ce fléau est particulièrement présent cette année, il ne s'agit pas d'une nouveauté. La voie la plus facile de l'aiguille Verte, l'un des sommets du Mont Blanc qui fait le plus rêver les alpinistes par sa difficulté, ne se fait par exemple plus en été depuis des années, et il ne s'agit pas d'un cas isolé. "Depuis une grosse décennie déjà, la saison a tendance à se décaler, mais ce qui est frappant cette année, c'est la précocité des phénomènes, dès juillet", indique à La Croix Dorian Labaeye, président du Syndicat national des guides de haute montagne.

Les spécialistes très inquiets pour la fin de l'été

Le Mont-Blanc est également fragilisé en raison de sa notoriété, qui provoque une surfréquentation du site. Rameur abandonné en cours d'ascension, ascension avec un chien ou un enfant de 10 ans, jacuzzi au sommet, très nombreux déchets et encombrants laissés... la liste des incivilités observées aux abords du toit de l'Europe est longue, même si la mise en place d'une "brigade blanche" en 2019 a permis de réduire ces comportements néfaste au Mont-Blanc.

Les conditions de ce mois d'août en haute-montagne correspondant aux conditions habituelles du mois de septembre, c'est pour cette raison que les spécialistes sont inquiets concernant les semaines à venir, avec les températures extrêmes qui vont persister. Quant aux années à venir dans les Alpes, l'Ecole polytechnique de Zurich indiquait en 2020 qu'en l'absence de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, les 4 000 glaciers risquent de fondre de plus de 90% d'ici la fin du siècle.

VIDÉO - Crevasses et éboulements: le Mont Blanc de plus en plus difficile d'accès