Pourquoi le Tchad rompt-il ses accords de défense avec la France ?

Alors que le ministre des Affaires étrangères était en visite au Tchad, N’Djamena a annoncé rompre ses accords militaires historiques avec la France.

TOPSHOT - Chad President-elect General Mahamat Idriss Deby Itno (C) arrives for his inauguration at the Palace of Arts and Culture in N'Djamena on May 23, 2024. (Photo by Joris Bolomey / AFP) (Photo by JORIS BOLOMEY/AFP via Getty Images)
Le général Mahamat Idriss Deby Itno, élu président du Tchad, arrive au Palais des arts et de la culture à N'Djamena, le 23 mai 2024. (Photo by Joris Bolomey / AFP) (Photo by JORIS BOLOMEY/AFP via Getty Images)

Lors de sa rencontre avec le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot à N'Djaména, le président tchadien Mahamat Idriss Deby Itno a annoncé jeudi soir la fin des accords de coopération militaire avec la France, vieux de 50 ans.

Il a expliqué vouloir affirmer la souveraineté pleine et entière du Tchad et redéfinir les partenariats stratégiques en fonction des priorités nationales. Le dirigeant tchadien a signifié à son hôte qu’il ne voulait plus de cet accord, invitant "à transcender la coopération traditionnelle entre la France et le Tchad dans laquelle prédomine l’aspect sécuritaire".

"Il est temps que le Tchad affirme sa souveraineté pleine et entière, et redéfinisse ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales"

Le Tchad était un maillon clé de la présence militaire française en Afrique, puisqu'il s'agissait du dernier point d'ancrage de la France au Sahel, après le retrait forcé des troupes au Mali, au Burkina Faso et au Niger, comme le rappelle Le Monde, qui s'était effectué dans un contexte de crises diplomatiques.

C'est donc la fin d'une coopération historique de plusieurs décennies, au cours desquelles les forces françaises avaient apporté un soutien logistique et de renseignement à l'armée tchadienne. Les troupes françaises étaient intervenues notamment pour contrer les incursions rebelles dans le pays, en 2006, 2008 et 2019, explique un article de la BBC.

C'est la dernière offensive qui avait d'ailleurs emporté l'ex-président Idriss Deby Itno, père de Mahamat Idriss Déby Itno. À ses obsèques, Emmanuel Macron avait déclaré que "la France ne laissera jamais remettre en cause la stabilité et l'intégrité du Tchad".

Selon Mahamat Idriss Deby, la rupture concerne uniquement la coopération militaire, sans affecter les relations diplomatiques, et respectera les modalités de résiliation.

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Lors de son tête-à-tête avec le chef de la diplomatie française jeudi à N’Djamena, le président tchadien a demandé à la France "d’épouser une diversification de la coopération bilatérale visant à intégrer des domaines tels que l’économie, l’éducation, la recherche scientifique, la technologie et le développement dans bien des secteurs vitaux pour le Tchad comme l’élevage et l’agriculture", rapporte encore la BBC.

En juillet, l'Agence France Presse avait révélé que le Parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête pour "détournement de fonds publics et recel". Le Parquet soupçonnait le dirigeant tchadien d’avoir utilisé quelque 900 000 euros (environ 585 millions de francs CFA) pour l’achat de cent chemises, d’une cinquantaine de costumes, des abacosts et des sahariennes achetés en France, ce qui est détaillé dans une enquête de Mediapart.

Une affaire qui aurait significativement tendu les relations entre les deux pays : la France aurait refusé d'aider le Tchad lors de l'opération Haskanite contre Boko Haram le mois dernier, et le Tchad a annulé sa venue lors de la commémoration du Débarquement de Provence en août 2024.

Si les accords de coopération militaire avec la France voient leur fin arriver, ce n'est pas la même situation entre le Tchad et la Russie. Ces derniers mois, les relations entre les deux pays se sont multipliées : Mahamat Idriss Deby s'est rendu à Moscou en janvier 2024, où il a rencontré Vladimir Poutine.

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Cette rencontre s'était soldée par la signature d'accords entre N'Djamena et Moscou, sur des domaines importants comme l'énergie ou la sécurité. En mai, Poutine avait alors félicité le nouveau dirigeant du Tchad fraîchement élu et avait dépêché une délégation diplomatique conduite par Sergei Lavrov (ministre russe des affaires étrangères) à N'Djamena.