Vote à l’Assemblée nationale : pourquoi l’huile de palme est-elle si contestée ?

L'Assemblée nationale a voté le maintien de l'huile de palme dans la liste des biocarburants. Un choix qui fait débat, à cause des conséquences de la production sur l'environnement.
L'Assemblée nationale a voté le maintien de l'huile de palme dans la liste des biocarburants. Un choix qui fait débat, à cause des conséquences de la production sur l'environnement.

L’Assemblée nationale a voté, jeudi 14 novembre, le maintien de l’huile de palme dans la liste des biocarburants jusqu’à 2026. Un choix décrié, en raison des conséquences de sa production.

Une décision contestée. Ce jeudi 14 novembre, les députés ont voté, sans débat, un report à 2026 de l’effacement de l’huile de palme de la liste des biocarburants. Conséquence : ce mélange conserve son régime fiscal favorable. Or, un an auparavant, la même Assemblée nationale se déclarait favorable au retrait de l’huile de palme des biocarburants dès 2020. Quant à la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, elle assurait, en août dernier, sur France inter : “le sens de l’histoire, c’est bien de réduire les importations d’huile de palme”, comme le rappelle Mediapart.

L’amendement - qui n’a pas été défendu ni débattu - a pourtant reçu un avis favorable du gouvernement ce 14 novembre (mais pas du rapporteur général Joël Giraud). Si le Sénat vote à son tour favorablement, la décision prise par les députés en 2018 sera annulée, et le biocarburant à base d’huile de palme continuera de bénéficier de sa niche fiscale.

Le lobbying de Total mis en cause

Un recul dénoncé par plusieurs députés de la majorités mais aussi par de nombreuses associations. Pour les Amis de la Terre, “les députés de la majorité, avec la complicité du gouvernement, viennent de céder au lobbying éhonté de Total”, comme le rapporte l’AFP. Un soupçon qui s’appuie sur le lancement, par le géant français, d’une raffinerie d’agrocarburants à La Mède (Bouches du Rhône), en juillet dernier.

Si cette décision de l’Assemblée nationale déclenche tant l’indignation, c’est en raison des conséquences de la culture de l’huile de palme.

Il existe deux usages de ce produit : l’agroalimentaire et l’incorporation dans du carburant. “En France, 75% des importations de l’huile de palme sont utilisées pour fabriquer du biocarburant”, avance Clara Jamart, responsable de la campagne forêts à Greenpeace France.

Les effets de la déforestation

Or, le biocarburant à base de cette huile végétale “n’a rien de bio”. “Si l’on tient compte de l’intégralité de la chaîne de production, il émet trois fois plus de gaz à effet de serre que du carburant classique”, détaille Clara Jamart en s’appuyant sur des chiffres rendus par la Commission européenne.

La production d’huile de palme est problématique tant en terme d’émission de gaz à effet de serre que de biodiversité. L’essentiel de la production se fait en Asie du Sud-Est, notamment sur les îles de Sumatra et de Bornéo. “Dans ces zones, la forêt tropicale est dense, c’est l’un des puits de carbone majeur de la planète, qui joue le même rôle que l’Amazonie”, nous décrit la responsable de la campagne forêts de Greenpeace.

À LIRE AUSSI>> Incendies en Amazonie : quel est l'impact concret de la forêt sur la planète ?

Mais la production d’huile de palme - issue de palmiers à huile - nécessite une déforestation massive. “24 millions d’hectares ont disparu ces 25 dernières années, soit l’équivalent d’un terrain de football toutes les 25 secondes”, détaille Clara Jamart.

Cette culture pose un problème climatique majeur, car les arbres, en disparaissant, ne peuvent plus remplir leur rôle d'absorption de CO2. Mais ce n’est pas tout : lorsque la déforestation se fait par les flammes, les arbres brûlés rejettent le gaz à effet de serre qu’ils contenaient.

Des problèmes sociaux dans les pays producteurs

La production d’huile de palme a aussi des conséquences sur la faune et la flore. “Les forêts tropicales rassemblent 80% de la biodiversité du monde”, souligne Clara Jamart, “on parle souvent des orangs-outans, mais il n’y a pas que ça. La déforestation en Asie du Sud-Est aggrave la crise de la disparition des espèces”.

De manière plus large, “la production massive de matière première agricole entraîne aussi des problèmes sociaux”, énumère la responsable de la campagne forêts de Greenpeace, “notamment en terme d’accaparement de terres et d’aggravation des crises alimentaires”.

La commission des Finances de l’Assemblée nationale a demandé une seconde délibération sur l'amendement. Elle sera organisée à l'Assemblée ce vendredi 15 novembre.

Ce contenu peut également vous intéresser :