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Pourquoi l'exploration des fonds marins inquiète les défenseurs de l'environnement ?

Emmanuel Macron présente le plan d'investissement France 2030 (Photo Ludovic MARIN / AFP)

Lors de la présentation du plan d’investissement "France 2030", Emmanuel Macron a annoncé vouloir redynamiser l’exploration des fonds marins. Un terme qui inquiète les écologistes.

30 milliards d'euros pour permettre à la France de "retrouver le chemin de l'indépendance". Emmanuel Macron a fixé l'objectif de son plan d'investissement baptisé "France 2030", pour "aider la France à répondre aux défis de demain et lui redonner une place économique de premier plan".

Parmi les éléments de ce plan, quelque deux milliards d'euros, sur cinq ans, seront consacrés à l'exploration des fonds sous-marins, ainsi qu'à l'espace. L'exploration des fonds marins est "un levier extraordinaire de compréhension du vivant, d'accès à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux écosystèmes d'innovation", a notamment vanté le chef de l'État.

"Il y a de quoi être inquiet"

Les fonds marins sont très peu connus. 70% de la surface du globe est sous les océans mais pourtant on en connaît que 20%, en grande majorité près des côtes. De quoi faire rêver d'autant que la France possède le deuxième plus grand espace maritime au monde avec les DOM-TOM.

Mais le projet inquiète les associations écologistes. "Il y a une ambigüité autour du terme 'exploration'. S'il s'agit de science et d'explorer afin de découvrir les fonds marins, leur biodiversité, nous soutenons l'idée. Mais 'exploration' peut aussi signifier 'aller chercher des minerais'. Comme cela a été présenté dans le cadre d'un plan de relance économique, il y a de quoi être inquiet", nous explique François Chartier, chargé de campagne océan et pétrole à Greenpeace.

"De la recherche oui, mais pas avec des bulldozers"

Car les sous-sols des fonds marins sont riches en minerais très divers. "On peut y trouver du cobalt du cuivre, du nickel, du lithium et d’autres métaux rares, qui servent essentiellement pour les appareils électroniques. On est favorable à la recherche dans les fonds marins, mais pas avec des bulldozers", redoute François Chartier. Une richesse qui n'a pas échappé au chef de l'Etat qui a parlé "d'accès à certains métaux rares" dans son propos.

"J'entends déjà le débat à venir : je ne parle pas d'exploitation, je parle d'exploration", a tenté d'apaiser Emmanuel Macron lors de la présentation du plan. Des propos qui ne suffisent pas à rassurer, Greenpeace redoutant un "enfumage" de la part du chef de l'État.

"Des écosystèmes très fragiles"

Car exploiter les ressources naturelles qui se trouvent dans les fonds marins pourrait être catastrophique pour l'environnement. "Ce sont des écosystèmes très fragiles où la vie met beaucoup de temps à se développer. Exploiter les minerais cela veut dire mettre en place des infrastructures qui vont détruire les écosystèmes en place", met en garde le chargé de campagne océan et pétrole a Greenpeace.

Autre conséquence, à l'ampleur difficile à évaluer. "En retournant les sédiments déposés au fond des océans pour exploiter les minerais, cela va libérer des métaux qui, une fois dissous dans l'eau, peuvent être toxiques et peuvent contaminer l'eau jusqu'à la surface. Sans oublier les conséquences sur le vivant", met en garde le chargé de campagne océan et pétrole a Greenpeace. "On ne peut pas protéger ce qu’on ne connaît pas, ou pas assez. Loin d’être des déserts, ces environnements peuvent abriter une vie foisonnante !" renchérit Pierre-Marie Sarradin, chimiste et responsable de l’unité Etude des écosystèmes profonds à l'Ifremer.

"Une vision totalement archaïque"

Dans une interview accordée à l'Ifremer, qui dépend du ministère de la Transition écologique, le chimiste rappelle les conséquences d'une possible exploitation des fonds marins. "Une inconnue majeure est l’extension de ce nuage de particules porté par les courants de fond et donc l’empreinte spatiale de l’impact", explique-t-il dans une interview dans laquelle il affirme que "d'un point de vue scientifique, il faut écarter toute exploitation des fonds marins".

Si l'exploitation de ces minerais permettrait de pouvoir faire face à l'augmentation de la consommation des appareils électroniques dans les prochaines décennies, et de rendre la France moins dépendantes des pays qui exploitent ces ressources, Greenpeace pointe du doigt "une vision totalement archaïque de toujours produire plus, comme au XIXe siècle" et appelle à "fonctionner sans, avec les ressources utilisées aujourd'hui en augmentant le recyclage".

Des entreprises s'engagent

La course à l'exploitation des fonds marins est déjà lancée à l'étranger et plusieurs permis d'exploitation déjà accordés, mais aucun n'est encore exploités. Au Canada, une nouvelle entreprise minière d’exploitation des fonds marins a vu le jour. Elle affirme avoir signé des accords avec plusieurs petits Etats insulaires de l’Indopacifique.

Des entreprises importantes, BMW, Google, Samsung SDI ou encore Volvo, se sont provisoirement engagées à "ne pas utiliser des minéraux issus des eaux profondes ou à financer l'exploitation minière en eaux profondes" tant que les scientifiques n'en auront pas mesuré clairement les conséquences.

En septembre dernier, l’Union internationale pour la Conservation de la Nature, une organisation dont la France est membre, a adopté un moratoire sur la délivrance de permis d’exploitation. La France ne l’a pas voté : elle s’est abstenue. De quoi présumer d'une réelle volonté d'exploiter les fonds marins ?

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