Pourquoi Emmanuel Macron ne devrait pas nommer un Premier ministre de gauche en cas de censure de Michel Barnier

Emmanuel Macron ne semble pas décidé à voir son bilan économique détricoté.
LUDOVIC MARIN / AFP Emmanuel Macron ne semble pas décidé à voir son bilan économique détricoté.

POLITQUE - La chute de Michel Barnier étant (quasiment) actée, la question se pose désormais de la suite. Qui pour entrer à Matignon et s’atteler à former un gouvernement, reprendre en main le budget, préparer les prochaines réformes ? La gauche a la réponse : arrivée en tête le 7 juillet, c’est elle qui doit être appelée à gouverner.

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« Il faut continuer à exiger un gouvernement qui porte le programme du Nouveau Front populaire », considère le député LFI Éric Coquerel. Pour Olivier Faure aussi, Emmanuel Macron doit « nommer un Premier ministre de gauche » qui « propose un projet de gauche, avec le souci permanent du compromis ». Mais cette hypothèse d’un Premier ministre de gauche, qui nomme des ministres de gauche et qui applique le programme du NFP semble écartée.

Hors de question de toucher au bilan

Non que l’alliance du PS, des Écologistes, du PCF et de LFI n’ait aucune légitimité : avec 193 sièges à l’Assemblée nationale, elle constitue le plus gros contingent de députés. Sauf qu’Emmanuel Macron a plusieurs fois expliqué qu’il ne voulait pas permettre à la gauche de gouverner, craignant qu’elle ne détricote tout son bilan économique et social. Depuis 2017, le chef de l’État s’est illustré par des coups de rabot aux APL, la baisse des cotisations sur les entreprises, le report de l’âge légal de départ à la retraite, le durcissement des conditions d’accès à l’assurance chômage, une réforme du Code du travail… Tout ce sur quoi la gauche, si elle était aux manettes, compte revenir.

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Même les rumeurs autour de la nomination de l’ex-socialiste Bernard Cazeneuve cet été avaient été rapidement démenties par l’Élysée, au prétexte que l’ancien ministre de l’Intérieur, pourtant très critique du NFP, tenait à abroger la réforme des retraites, ou du moins rouvrir le dossier. La remise en cause d’un départ à la retraite à 64 ans « est une ligne rouge pour nous », insistait en septembre le député macroniste Sylvain Maillard. « Si on veut réduire les déficits, il faudra travailler plus longtemps », défendait aussi l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, en déclarant sa candidature à l’élection présidentielle.

« Plus vraiment là »

Dès lors, un gouvernement qui mettrait en place l’inverse de ces « totems » macronistes n’aurait aucune chance d’être nommé par le Président. Si Michel Barnier a pu entrer à Matignon, c’est précisément parce qu’il n’avait pas de préalable en matière économique et sociale, et était enclin à poursuivre la politique de l’offre voulue par Emmanuel Macron.

Par ailleurs, il y a chez le Président la volonté de ne jamais se dédire. Nommer un Premier ministre de gauche aujourd’hui reviendrait à reconnaître qu’il s’est trompé cet été, qu’il a manqué de clairvoyance sur la situation à l’Assemblée, qu’il n’a pas su anticiper une situation pourtant prévisible. Dès lors, il semble acquis qu’il nommera quelqu’un à Matignon qui sache s’inscrire dans la continuité du « socle commun ». D’où les noms de Sébastien Lecornu, de François Bayrou ou de Bruno Retailleau qui reviennent avec insistance dans les pistes évoquées par la presse, selon des indiscrétions mentionnées dans Le Monde ou sur BFMTV.

Sans parler de la possibilité de reconduire Michel Barnier, déjà évoquée par des soutiens de l’exécutif. Le NFP ne se fait guère d’illusions. « On n’en est plus vraiment là », a concédé le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard le 1er décembre sur CNews, à propos d’une candidature à Matignon. Même Lucie Castets, qui a pourtant quadrillé la France cet été pour obliger le Président à la nommer, semble avoir changé d’état d’esprit. Avec Marine Tondelier, elle a lancé il y a quelques jours un appel à l’unité de la gauche… À la prochaine élection présidentielle.

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