Pourquoi l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès fascine-t-elle autant ?
Le dernier numéro de Society, consacré à une longue enquête sur l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès, est en rupture de stock après seulement quelques jours, tant le sujet fascine. Mais pourquoi ce fait divers intéresse-t-il autant ?
C’est peu de dire que l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès - du nom du père de famille accusé d’avoir tué puis enterré dans son jardin ses quatre enfants, sa femme, et leurs deux chiens en avril 2011 - fascine les Français.
Début juillet, ce fait divers a même pris un tournant international, avec la diffusion de l’épisode de la série Netflix “Unsoved Mysteries” qui lui était consacré. Outre-Atlantique, certains spectateurs ont d’ailleurs décidé de se lancer dans une traque en ligne, croyant parvenir à faire ce que les policiers n’ont jamais réussi jusque-là : trouver le père de famille, principal suspect de l’affaire, qui s’est volatilisé le 15 avril 2011, soit plus de 10 jours après les meurtres.
Nouvelle preuve de la fascination autour de cette sordide affaire, le dernier numéro du magazine Society, qui dévoile la première partie d’une longue enquête sur le sujet, s’est vendu comme des petits pains à sa sortie, le 23 juillet. Au point qu’il est déjà en rupture de stock et qu’une réimpression est nécessaire. Mais d’où vient cette attrait pour l’affaire Xavier Dupont de Ligonnès ?
Si vous ne trouvez pas @SocietyOfficiel et ce numéro consacré en partie à #XDDL signalez le nous et nous vous aiderons dans la mesure de nos capacités #jecherchesociety
— Franck Annese (@FranckAnnese) July 25, 2020
Le fait divers, un mythe moderne
La première explication réside dans le principe même du fait divers. “C’est l’équivalent des mythes de la Grèce antique dans les sociétés anciennes”, nous explique Patrick Eveno, historien des médias. Or, “toute société a besoin de mythes qui tracent la ligne à ne pas franchir”, poursuit-il.
Celui d’Oedipe nous apprend qu’il ne faut pas tuer son père et avoir des relations sexuelles avec sa mère, d’autres mettent en avant la nécessité de ne pas désobéir à son père, de ne pas trahir sa patrie, de ne pas convoiter la femme d’un autre... “Et lorsqu’on transgresse les lignes entre lesquelles les humains font société, on est puni par les dieux”, conclut-il.
C’est aussi le principe des contes et légendes, et “c’est le fond même des faits divers”, bien que le châtiment ne soit plus divin.
Les drames familiaux intéressent
Parmi les mythes modernes que sont les faits divers, certains sont plus intéressants que d’autres. Deux catégories fascinent par dessous tout, selon l’historien des médias : les tueurs en série et les drames familiaux. C’est dans cette deuxième catégorie que se situe l’affaire Dupont de Ligonnès, tout comme l’affaire du petit Grégory ou, plus récemment, l’affaire Daval. Si elles captivent tant, c’est qu’elles touchent “aux fondements même de l’humanité”, et qu’elles débouchent sur des questions psychologiques que tout le monde se pose : “Pourquoi un père tue-t-il ses enfants ? Pourquoi un mari tue-t-il sa femme ?”
#UnsolvedMysteries guys.
Xavier Dupont de Ligonnès murdered his whole family, kids, dogs... and disappeared into the sunset.
Evading the French police.
Internet, we must find this guy.
I’m invested now. pic.twitter.com/8GudKoWQ9J— Danielle Ann (@DefNotDorothy) July 1, 2020
Les faits divers ont aussi cela de fascinant qu’ils “sortent du quotidien”, analyse Lucie Jouvet Legrand, docteure en socio-anthropologie et maîtresse de conférences à l’Université de Franche-Comté. “Ils mobilisent le devant de la scène justement parce qu’ils ne sont pas du tout révélateurs des drames, des crimes, des délits qui se produisent quotidiennement dans notre société”.
Le milieu social attise la curiosité
D’autres caractéristiques de l’affaire Dupont de Ligonnès en font un sujet particulièrement marquant. La “nature des victimes heurte beaucoup l’opinion publique”, nous explique le spécialiste. “Dans notre société, les femmes sont encore considérées comme plus faibles que les hommes, donc quand un fait divers touche une femme, on en parle davantage”, avance-t-elle. “Ce sentiment est décuplé quand il s’agit d’enfants”, poursuit la spécialiste.
L’autre particularité, c’est le milieu social dont sont issus les victimes et le meurtrier présumé. Xavier Dupont de Ligonnès, “c’est un enfant de bonne famille catholique conservatrice, de la petite aristocratie”, décrit Patrick Eveno. “Ça touche des gens qui ne sont habituellement pas mis sous l’éclairage des médias, ça va attiser la curiosité”, analyse de son côté Lucie Jouvet Legrand.
Le mystère augmente l’intérêt
Mais ce qui fait surtout l’attrait de cette affaire, c’est son mystère et son absence de dénouement. “Si on avait arrêté tout de suite le suspect, ça aurait été un peu moins fascinant”, avance Patrick Eveno.
Au lieu de ça, chaque nouvelle piste est “mise en intrigue” et devient “un épisode”, explique Lucie Jouvet Legrand. On se souvient notamment de l’opération de police dans un monastère du Var, à la suite de signalements concernant un moine qui ressemblait au père de famille. Ou encore de l’arrestation de Guy Joao, pris pour Xavier Dupont de Ligonnès en Écosse.
L'AFP a annoncé hier soir l'arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès sur la foi de quatre sources distinctes proches de l'enquête française.
Un récit de l'enchaînement des faits ayant conduit à cette information erronée suivra. #AFP https://t.co/7m0aK8bmrb— Agence France-Presse (@afpfr) October 12, 2019
“Tant qu’on n’aura pas résolu cette affaire, qu’on n’aura pas retrouvé le suspect ou son corps, ça restera intéressant et il y aura toujours des échafaudages et des théories”, conclut Patrick Eveno. Cette affaire risque donc bien de fasciner encore longtemps. À moins que les spectateurs d’“Unsolved Mysteries” retrouvent la trace de Xavier Dupont de Ligonnès ou que la deuxième partie de l’enquête de Society soit une interview du suspect.
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