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Pour Jean-Michel Jarre, une refonte complète de l'industrie musicale est nécessaire



À l’occasion de la conférence Audi-O-Rama, Audi a récemment invité les plus grands noms de l'industrie musicale, pour discuter de l'avenir de cette dernière.

Jean-Michel Jarre, icône de la musique électronique et véritable visionnaire depuis le début de sa carrière (il a pratiquement inventé le concept de concert multimédia), faisait partie des personnalités présentes pour évoquer les évolutions nécessaires de l'industrie musicale moderne.

Que pensez-vous de l'industrie musicale aujourd’hui?

La musique n'a jamais généré autant d'argent, mais les auteurs n’en ont jamais eu aussi peu. C’est une industrie qui a cumulé les erreurs.

La première fut l’avènement du CD. Puis la volonté, de la part de la même industrie qui avait créé les radios pirates 25 ans plus tôt, de mettre les pirates en prison. Ensuite, au crépuscule de son existence, la musique a vu arriver Apple, avec à sa tête Steve Jobs en sauveur autoproclamé. Et les choses ont encore empiré.

Aujourd'hui, Spotify vaut 4 milliards de dollars et bien que nous, artistes, en soyons quasiment les actionnaires, ce qu’on touche à la fin de l'année nous permet à peine d’acheter une pizza sans anchois.

Pour que la musique puisse continuer à exister, on doit imaginer un nouveau modèle commercial. Même chose pour le cinéma, la photo ou la littérature.



Je ne suis pas pessimiste, mais il faut en parler, il faut envoyer un message clair. Ça ne touche pas qu’un petit nombre de musiciens, européens ou américains, assis sur leur deniers. Ça va au-delà.

Ce sont les familles du monde entier qui sont concernées. Dans chacune d’elles, il y a un père, une mère, un frère et une sœur. [Autant de] réalisateurs, photographes ou musiciens qui ne pourront jamais vivre de leur passion. Ils seront obligés de garder un boulot alimentaire et finiront par abandonner leur rêve. C’est un problème qu’il faut aborder.

Au-delà de l'argent ou des droits d’auteur, c'est un débat philosophique et social sur ce que représente la propriété intellectuelle. Ça fait partie des grands défis du XXIe siècle.

Les gens composent désormais leurs propres playlists en piochant dans différents disques. Les artistes attachent-ils toujours autant d’importance au caractère formel de l’album?

Il y a eu le retour du vinyle, preuve que les gens ont redécouvert la temporalité de la musique. Et puis, on vit dans un monde de zapping continuel sur internet, où on réussit à se concentrer deux minutes sur YouTube, mais où on peut aussi passer des nuits blanches devant True Detective. Notre relation avec la culture évolue et c’est aux artistes d’être aujourd’hui capables de créer un morceau qui puisse durer huit heures, par exemple.



Vous avez été l’un des premiers à faire du spectacle un élément-clé de la musique électronique…

L’essence de la musique rock, c’est le spectacle —pour jouer mais aussi pour partager la musique. Pour l’électro, c'était le contraire: comme elle est conçue en studio, c’était difficile de la transposer sur scène. Les gens se cachaient derrière leurs synthés pendant deux heures, c'était tout sauf sexy.

A l’époque, on écoutait déjà de la musique partout: dans sa voiture, dans la rue grâce au premier Walkman, à la maison… Donc les gens ont commencé à aller à des concerts pour partager une expérience visuelle, découvrir l’univers de leurs artistes préférés.

Je trouvais que des tas d’endroits n’étaient pas adaptés à la musique électronique, mais plutôt au jazz et au rock. Pour moi, l’électro avait davantage sa place dans l’espace. Alors j’ai construit des ponts entre la musique et l’architecture, les effets visuels, en créant une véritable cinématographie. On a inventé les raves du futur.