Porter plainte pour violences sexuelles, une épreuve pour les migrantes, les femmes trans et les travailleuses du sexe

Le rapport met en lumière les difficultés rencontrées par les migrantes, les femmes transgenres et les travailleuses du sexe dans leur dépôt de plainte.
Robert DEYRAIL / Gamma-Rapho via Getty Images Le rapport met en lumière les difficultés rencontrées par les migrantes, les femmes transgenres et les travailleuses du sexe dans leur dépôt de plainte.

VIOLENCES SEXUELLES - À l’automne 2021, le mouvement féministe #DoublePeine naissait sur les réseaux sociaux. Il faisait suite aux milliers de témoignages de femmes victimes de violences sexistes et/ou sexuelles, mal reçues lors de leur dépôt de plainte en gendarmerie ou au commissariat. Trois ans plus tard, un rapport d’Amnesty International France dévoilé ce mercredi 18 septembre se penche sur la prise en charge des plaintes pour violences sexuelles des femmes migrantes, des femmes transgenres ou des travailleuses du sexe. Et ses résultats sont accablants.

Porter plainte en ligne: ce site permet d’éviter d’aller au commissariat

Pour parvenir à un tel constat, l’ONG a travaillé en collaboration avec des organisations qui apportent un soutien à ces femmes à la croisée de plusieurs discriminations : racisme, transphobie et sexisme. Car pour elles particulièrement, la procédure pour obtenir justice en cas de violences sexuelles est semée d’embûches, à commencer par le dépôt de plainte.

Selon l’article 15-3 du Code de procédure pénale, « la police judiciaire est tenue de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale ». Pourtant, selon six des associations avec lesquelles a travaillé Amnesty International, il n’est pas rare que ces femmes victimes de violences se voient refuser d’enregistrer leur plainte. Parmi les motifs invoqués par les policiers ou les gendarmes : l’absence de « preuve suffisante » ou le fait que la victime soit en situation irrégulière. « Selon les associations, les refus de dépôt de plainte pouvaient se fonder sur des stéréotypes et des préjugés racistes, sexistes ou transphobes de la part des policier·ères et des gendarmes », écrit Amnesty.

Des victimes menacées d’expulsion

Parce qu’elles sont en situation irrégulière sur le sol français, les femmes migrantes sont par ailleurs réticentes à déposer plainte dans un commissariat, « la même institution qui est chargée de leur expulsion potentielle ». Dans certains cas, cette peur s’avère fondée. Quatre associations ont ainsi fait part à Amnesty International d’exemples où des femmes en situation irrégulière ont reçu des obligations de quitter le territoire, « certaines mises en centre de rétention, puis expulsées alors qu’elles s’adressaient aux services de police pour dénoncer des situations de violences ». Les femmes migrantes et demandeuses d’asile sont aussi confrontées à des stéréotypes, notamment le préjugé selon lequel elles dénonceraient des violences « pour obtenir des papiers ».

Et lorsqu’on accepte de prendre leur plainte, les femmes non francophones doivent encore se heurter à un obstacle : l’absence d’interprète dans les commissariats. Le rapport d’Amnesty International pointe aussi le manque de soutien psychologique apporté aux femmes victimes de violences. « Selon un rapport de la Fondation des femmes, il manque au moins 500 intervenant·es sociaux dans les commissariats et les gendarmeries pour répondre aux besoins actuels. »

Des propos discriminants et transphobes

Les travailleuses du sexe sont elles aussi entravées dans leur dépôt de plainte, victimes de « propos discriminants dans leurs interactions avec les services de police », mais aussi d’« atteintes à leurs droits », dues notamment aux lois sur le proxénétisme et la pénalisation des clients. Selon les organisations interrogées par Amnesty International, « ces pratiques (peuvent) amener les services de police et de gendarmerie à refuser leur plainte pour violences sexuelles, notamment en niant le caractère non consenti ».

Les travailleuses du sexe migrantes sont particulièrement exposées au risque de subir des violences, tout comme les femmes transgenres, qui rencontrent elles aussi des obstacles supplémentaires lorsqu’elles décident de dénoncer des violences au commissariat ou à la gendarmerie. À commencer par le fait d’être mégenrées, c’est-à-dire de se voir attribuer, volontairement ou non, un genre auquel elles ne s’identifient pas. « Quand on cumule trans et pas de papiers, ce n’est pas facile. Ce sont des populations qui estiment ne pas du tout avoir leur place dans un commissariat de police », note dans le rapport Le Strass, syndicat du travail sexuel en France.

Mieux former pour mieux accompagner

Pour éviter d’être discriminées en raison de « leur statut administratif, leur statut de femme racisée, leur nationalité et leur genre, certaines femmes peuvent renoncer à déposer une plainte, afin de ne pas être victimes de nouvelles violences », regrette Amnesty International. L’ONG souligne aussi le rôle joué par les associations communautaires pour apporter du soutien et des ressources juridiques aux femmes discriminées et ce, malgré le manque de financement dont elles pâtissent.

Enfin, Amnesty International formule un certain nombre de recommandations destinées à mieux accompagner les victimes de violences, notamment lorsqu’elles sont victimes de discriminations. Parmi ces conseils se trouve la dépénalisation de « tous les aspects du travail du sexe », mais aussi permettre à « toute personne victime de violences conjugales, qu’elle ait ou non déposé plainte », de continuer à résider en France. L’organisation exhorte également à une meilleure formation des services de police et de gendarmerie et à une modification de la définition pénale du viol « afin qu’elle soit fondée sur l’absence de consentement ».

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