Pologne: rentrée scolaire pour les enfants réfugiés ukrainiens

Une élève ukrainien participe à un cours de langue au siège de l'association Homo Faber, le 6 août 202 à Lublin, en Pologne (Wojtek RADWANSKI)
Une élève ukrainien participe à un cours de langue au siège de l'association Homo Faber, le 6 août 202 à Lublin, en Pologne (Wojtek RADWANSKI)

A la rentrée scolaire, la semaine prochaine, les enfants polonais vont croiser des nouveaux camarades de classe: des milliers d'enfants ukrainiens qui vivent en Pologne mais n'ont jamais encore connu le système éducatif polonais.

Une nouvelle loi, qui rend obligatoire la scolarisation des enfants de réfugiés, entre bien en vigueur, même si personne n'est en état de dire combien de nouveaux inscrits il y aura, les estimations allant de 20.000 à 80.000.

"Nous vivons toujours dans l'incertitude", déclare à l'AFP Maryna Rud, la mère de Nadia, 12 ans, qui a quitté l'Ukraine au début de l'invasion russe en 2022.

Mme Rud a inscrit Nadia dans une école polonaise, mais elle y a été victime de harcèlement de la part de ses camarades polonais et elle a fini par retirer sa fille de l'école.

"Ils se moquaient de sa mauvaise prononciation. Elle me disait: 'Je dis un mot, ils rient, je dis un mot, ils rient'", raconte Mme Rud.

L'année dernière, Nadia a donc suivi des cours en ligne dans une école ukrainienne, une solution utilisée par de nombreuses familles de réfugiés.

- "Disparus en Pologne" -

Le nombre exact d'enfants non comptabilisés dans le système polonais "reste une grande inconnue", consent Jedrzej Witkowski, directeur de l'ONG Centre pour l'éducation à la citoyenneté.

Aussitôt après l'invasion russe en Ukraine, la Pologne a ouvert grand ses frontières pour accueillir les réfugiés du pays voisin, et l'Union européenne leur a accordé le droit de se déplacer librement dans l'ensemble de l'UE.

Et "c'est difficile à contrôler", souligne M. Witkowski.

"Nous ne sommes pas en mesure de dire exactement combien d'écoliers, ou même plus généralement, combien de citoyens ukrainiens, ont trouvé refuge en Pologne, ni combien y restent encore", ajoute-t-il.

Environ 134.000 enfants ukrainiens ont fréquenté les écoles polonaises avant les vacances d'été.

Selon le Centre pour l'éducation à la citoyenneté, entre 20.000 et 80.000 enfants restent en dehors du système scolaire.

Dans le "meilleur des cas", dit M. Witkowski, ces enfants ont suivi des cours à distance.

C'est le cas d'Ivan, 12 ans, venu en Pologne avec sa mère, Nataliya Khotsinovska.

Ivan a bien appris le polonais pendant l'été mais, pour l'instant, sa mère a choisi de l'envoyer dans une école privée ukrainienne, une solution qu'elle appelle "de transition douce".

"Nous n'avons pas d'amis ici, personne avec qui communiquer", explique Mme Khotsinovska à l'AFP.

Et d'ajouter que "c'est aussi difficile pour les mères... Parfois, on hésite entre le résultat de l'apprentissage et la tranquillité d'esprit de l'enfant".

- Tapettes à mouche -

Son fils a participé à une série de cours de langue et d'activités d'intégration organisés par l'ONG Club d'intellectuels catholiques (KIK) à Varsovie.

Le projet appelé "Trampoline" doit aider les enfants ukrainiens, et leurs parents, à faire la transition, leur indiquant "comment réagir à des harcèlements (...), comment agir », indique Olesya Kolisnyk, l'une des responsables.

"99% (des parents) ont été confrontés au problème du harcèlement", souligne Mme Kolisnyk à l'AFP, faisant écho aux avertissements des experts, selon lesquels, avec la barrière de la langue, il s'agit de l'un des deux problèmes majeurs pour les enfants ukrainiens.

Pour y parer, l'association Homo Faber, basée à Lublin (sud-est), a lancé des cours de langue pour écoliers ukrainiens.

Autour d'une table, un groupe de sept enfants s'entraîne méticuleusement à tracer la lettre "c", avant de se voir remettre des tapettes à mouche pour taper sur des cartes représentant les objets qui commencent par cette lettre.

L'institutrice Paulina Skrzypek explique que le polonais et l'ukrainien présentent, certes, des similitudes, mais qu'"il y a beaucoup de 'faux amis', et les enfants pensent qu'un mot en polonais signifie la même chose qu'en ukrainien, alors que ce n'est pas le cas".

- "A-t-il crêvé, Poutine?" -

Selon Danuta Kozakiewicz, directrice d'une école primaire de Varsovie, la langue joue le rôle crucial pour la bonne entente entre les enfants ukrainiens et leurs camarades polonais.

Mme Kozakiewicz organise divers événements d'intégration, des tournois de football aux voyages scolaires.

"Pendant un match de foot, un enfant crie en polonais, l'autre en ukrainien, mais ils savent en quelque sorte ce qui se passe, et ils jouent pour la même équipe", dit-elle en riant.

Mais les problèmes demeurent, surtout quand les enfants ukrainiens disparaissent soudainement, leurs parents ayant décidé de rentrer en Ukraine ou de s'installer dans un autre pays, souvent sans en avertir l'école.

De nombreux écoliers ukrainiens en Pologne aspirent toujours à rentrer chez eux.

"Ils consultent les médias sociaux tous les jours pour voir ce qui se passe, quelles sont les nouvelles, a-t-il crêvé, Poutine?", raconte Maryna Rud.

Et de souligner qu'"ils attendent constamment, chaque jour, le moment de rentrer chez eux".

mmp/dt/sw/ial/