Polaris Dawn : SpaceX prépare une sortie dans l’espace à haut risque mais reste (encore) cloué au sol
ESPACE - Une fois de plus, la mission Polaris Dawn de SpaceX reste clouée au sol. Initialement prévue mardi 27 août, elle a été reportée une première fois de 24 heures en raison d’une « fuite d’hélium ». Mais ce mercredi 28 août cette fois, c’est la météo qui n’est pas au rendez-vous, annonce SpaceX. La mission devant durer cinq jours, les conditions météorologiques ne seraient pas réunies pour un amerrissage en bonne et due forme du vaisseau Crew Dragon lors du retour de l’équipage.
SpaceX n’a pour l’instant communiqué aucune nouvelle date de lancement, ce qui ne freine pas pour autant l’engouement autour sa mission Polaris Dawn, qui compte repousser les limites de l’exploration spatiale. Pour la première fois, des astronautes non-professionnels vont effectuer ce qu’on appelle une sortie extra-véhiculaire (EVA), autrement dit une sortie dans l’espace. Une tâche qui est loin d’être sans risque, comme on le raconte dans notre vidéo ci-dessus.
Ils sont quatre à faire partie de cette aventure : Jared Isaacman, Scott Poteet, Sarah Gillis et Anna Menon seront les premiers dans l’histoire à effectuer une sortie spatiale privée. Si le nom de Jared Isaacman, vous dit quelque chose, c’est parce qu’il a déjà participé et financé une mission pour SpaceX en 2021, appelée Inspiration4.
L’entreprise d’Elon Musk avait alors envoyé, pour la première fois, des passagers privés dans l’espace à bord de sa capsule Crew Dragon. Une mission qui a même eu droit à sa série documentaire sur Netflix.
Un entraînement intensif
Mais Jared Isaacman ne voulait pas s’arrêter là. Le milliardaire américain passionné d’espace a donc rejoint et financé le programme Polaris, dont Polaris Dawn est la première des trois missions prévues à terme.
Elle comporte plusieurs objectifs, dont le plus notable reste la sortie extra-véhiculaire et pour laquelle l’équipage a subi un entraînement intensif de deux ans et demi : environ 2 000 heures dans un simulateur, sessions en centrifugeuse (rotation rapide), plongée sous-marine, saut en parachute et ascension du volcan Cotopaxi en Équateur.
« Ça a été l’un des entraînements les plus difficiles que j’aie jamais effectué », a déclaré Scott Poteet, pilote d’avions de chasse durant 20 ans dans l’armée de l’air américaine. Une préparation compliquée mais nécessaire.
« Une sortie extra-véhiculaire est vraiment un exercice très physique, en raison de la rigidité de la combinaison partiellement pressurisée pour tenir dans le vide », explique au HuffPost Rémi Canton, responsable de projet vols habités au Centre National d’Études Spatiales. « C’est quelque chose qui sollicite beaucoup le corps humain au niveau des articulations, des mains, des épaules, etc. Il faut apprendre à se déplacer, mais aussi être capable de se repérer, se déplacer, connaître les protocoles de communication, manier des outils, être capable soi-même de détecter s’il y a un souci. »
Un protocole de sortie bien précis
L’enjeu demandé aux membres de Polaris Dawn sera tout de même moins important que pour les astronautes de la Station spatiale internationale (ISS). Ces derniers sortent pour effectuer des travaux sur l’ISS et doivent donc apprendre à manipuler des outils dans le vide spatial. Jared Isaacman et ses compagnons n’auront pas ce type de tâches à effectuer et seulement deux d’entre eux sortiront, pendant que les deux autres resteront dans la capsule, mais ils testeront un tout nouveau protocole de sortie qui pourrait s’avérer dangereux.
Avant même de pouvoir sortir dans l’espace, il existe des règles bien précises à suivre. Quelques heures auparavant, les astronautes de l’ISS commencent une procédure de « pré-respiration d’oxygène », c’est-à-dire qu’ils se mettent à respirer de l’oxygène pur afin de purger leur sang de l’azote qu’il contient. Cela permet d’éviter que l’azote ne forme des bulles dans l’organisme et d’entraîner un accident de décompression pouvant s’avérer mortel.
Ils doivent ensuite enfiler leur combinaison spatiale, puis entrer dans un sas, afin que le reste de la station ne soit pas exposé au vide spatial. C’est ici que se déroule le processus de dépressurisation avant de pouvoir sortir dans l’espace, tandis que les autres membres de l’équipage restent au chaud à l’intérieur.
Pas de sas de dépressurisation
La particularité du vaisseau de SpaceX est qu’il ne contient pas de sas de dépressurisation. Il a donc fallu mettre en place un tout nouveau protocole pour leur EVA. Les quatre membres de l’équipage seront constamment habillés de leur combinaison spécialement développées pour l’occasion.
45 heures avant la sortie extra-véhiculaire, ils entreront dans la procédure de « pré-respiration », puis deux heures avant l’EVA, la capsule sera progressivement dépressurisée. Une fois que tout sera prêt, le nez du vaisseau s’ouvrira et les quatre membres de l’équipage, ainsi que l’intérieur de la capsule, seront soumis au vide spatial. Jared Isaacman et Sarah Gillis pourront alors s’élancer tour à tour dans l’espace durant 15-20 minutes, tout en étant relié au Crew Dragon par un ombilical.
Cette sortie à 700km de la Terre permettra à SpaceX de tester ses nouvelles combinaisons, mais aussi la résistance de son vaisseau au vide spatial. « Il faut aussi s’assurer que l’intérieur du véhicule ne soit pas dégradé lors de son exposition au vide spatial. Si les combinaisons des astronautes fonctionnent bien, qu’ils sont en bonne santé, rentrent mais que leur vaisseau ne fonctionne plus, ça reste un problème », précise Rémi Canton au HuffPost.
Polaris Dawn est donc loin d’être une mission sans risque, notamment pour des astronautes non-professionnels et ils devront relever de nombreux défis. En plus de cette sortie extra-véhiculaire exceptionnelle, ils seront également placés sur une orbite de maximum 1 400 km. Autrement dit, ils passeront par la ceinture intérieure de Van Allen, une des deux ceintures chargées en radiation qui entourent la Terre, comme un donut. La dernière fois que des astronautes les ont traversées, c’était en 1972, dans le cadre de la mission Apollo 17, la dernière à avoir envoyé des astronautes sur la Lune.
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