Les poils des femmes sont toujours tabous et cette BD souligne l’ambivalence de notre rapport avec eux
CORPS - Les poils des femmes sont encore loin d’être banalisés. Si depuis quelques années, de plus en plus d’ouvrages, d’essais, de films remettent en cause la pratique encore très majoritaire de l’épilation féminine, force est de constater qu’il reste du chemin à parcourir. Une BD, « La haine du poil », parue aux éditions Cambourakis le 21 août 2024, met en lumière notre rapport toujours complexe à la pilosité des femmes.
Né du désir des trois coautrices – Sara Piazza, docteure en psychopathologie et psychanalyse, Alexia Chandon-Piazza, artiste-autrice et psychologue clinicienne et Juliette Mancini, illustratrice et autrice de BD –, l’ouvrage a pour objectif de vulgariser un sujet aussi commun que sensible : cette haine que l’on voue aux poils des femmes, en cherchant par tous les moyens à les éradiquer.
Sans être dans la prescription, l’ouvrage tente avec humour et de manière documentée de faire réfléchir les lecteurs sur les enjeux sociaux parfois inconscients qui se cachent derrière cette traque infinie du poil. L’une de ses coautrices, Alexia Chandon-Piazza, a accepté d’en dévoiler et commenter quelques planches pour Le HuffPost.
Alexia Chandon-Piazza. Les hommes hétérosexuels, de manière générale, ne se comportent pas comme ce personnage, qu’on a inventé. Je suis sûre que ce genre de discussion est réaliste, mais je ne pense pas que ce soit très fréquent.
Ce personnage qui est un peu maladroit mais qui essaye de dire quelque chose de son désir à lui, face au poil, est assez touchant. Et je trouve que ce sentiment est renforcé par le dessin de Juliette Mancini : on n’a pas l’habitude de voir des corps masculins dans ce genre de positions, alors qu’elles sont plutôt banales. Mais les représentations du masculin sont en général plus dominantes.
Cette planche permet de s’autoriser à se dire que l’on peut désirer des relations hétérosexuelles sur le mode du jeu, de l’échange, du partage. Les hommes hétéros sont souvent pris dans des représentations du poil féminin comme sale, non hygiénique, marque de négligence envers soi-même, qui sont liées à toutes les représentations qui influencent notre regard – la pub, le porno, le cinéma…
A. C.-P. Le poil, c’est aussi la question de la sexualité et du sexuel féminin qu’il faudrait contrôler, qui n’est pas acceptable sous sa forme « sauvage », parce qu’il serait trop dangereux. Plusieurs passages dans la BD parlent de la représentation de la vulve, vue comme quelque chose de dangereux et subversif. Et le poil vient parler de ça. Il vient cacher le sexe, et peut-être que si on le dévoile, c’est pour s’assurer qu’il n’a pas de « dents ». Alors que le désir masculin a lui la place et le droit d’exister.
A. C.-P. Pour cette planche, on s’est inspirées de pas mal de vidéos d’influenceuses beauté sur YouTube et TikTok. Ce sont en général des femmes vraiment jeunes, qui s’adressent à un public de leur âge : c’est quand même la construction du rapport à la féminité, en tant que jeune femme adulte ou adolescente.
Et ce que je trouve intéressant, c’est le côté paradoxal de ce qu’elle dit à la fin, « Il faut s’aimer telle qu’on est, mais on peut améliorer des choses pour se trouver belle ». C’est vraiment le nœud dans lequel on est prises : l’injonction de s’épiler et en même temps celle de s’aimer comme on est, d’être soi-même. C’est impossible de répondre à ces deux exigences en même temps. Chaque personne se dépatouille comme elle peut, trouve des aménagements, qui peuvent évoluer au cours de la vie…
A. C.-P. Tout au long de l’ouvrage, on a fait des « brèves de poils ». Des scènes où l’on voit des poils qui parlent entre eux. Dans celle-ci, c’est une sorte de représentation abstraite d’une guerre sans fin contre les poils.
Ça nous faisait rire et on voulait que la BD ne soit pas que théorique. Ça permet aussi d’évoquer toutes les méthodes, plus ou moins douloureuses ou pénibles, plus ou moins coûteuses – entre le rasage, l’épilation, le laser… – utilisées pour se débarrasser de cet ennemi qui ne cesse pas de repousser.
Il y a un personnage dans la BD qui le souligne : le temps que l’on passe à penser à ça. On peut le dire pour les poils ou d’autres parties du corps des femmes, mais c’était ça le point de départ. C’est du temps, de l’énergie, de l’argent… Un investissement.
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