Des attentats de l'EI font près de 150 morts sur la côte syrienne

par John Davison BEYROUTH (Reuters) - Une série d'attentats à la bombe revendiqués par l'Etat islamique ont fait près de 150 morts et au moins 200 blessés lundi à Tartous et Jableh, deux villes situées sur la côte méditerranéenne de la Syrie dans une région contrôlée par le gouvernement qui héberge des bases russes, rapportent la presse et l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Dans sa revendication diffusée par l'agence de presse Amaq, qui lui est liée, l'EI précise avoir voulu viser des membres de la minorité alaouite, la branche de l'islam chiite à laquelle appartient le président syrien Bachar al Assad. L'OSDH a comptabilisé au moins cinq attentats suicide et deux attentats à la voiture piégée qui ont fait un total de 148 morts. Les médias officiels syriens avancent un bilan de 78 morts dans ces deux villes distantes de 70 km environ et situées dans une zone faisant partie du fief de la famille Assad. C'est la première fois que les deux villes sont touchées par des attaques de ce genre. Tartous, capitale de la province du même nom, est le siège d'une base navale russe. Jableh, dans la province de Lattaquié, accueille d'une base aérienne russe. Le Kremlin a déclaré que ces attentats soulignaient la nécessité d'accélérer les discussions de paix après l'échec, au mois d'avril, du cessez-le-feu mis en place le 27 février. "Cela démontre une fois encore la fragilité de la situation en Syrie. Et cela souligne une fois de plus la nécessité de prendre en urgence des mesures pour poursuivre le processus de négociations", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "RÉGIMES HOSTILES" Vladimir Poutine a présenté ses condoléances à Bachar al Assad et l'a assuré que Moscou restait déterminé à soutenir son gouvernement contre la "menace terroriste". Selon la télévision publique syrienne, le ministère syrien des Affaires étrangères a adressé une lettre aux Nations unies dans laquelle il qualifie les attentats de "dangereuse escalade de la part des régimes hostiles et extrémistes à Ryad, Ankara et Doha", allusion au soutien apporté aux rebelles par l'Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar. Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a condamné les attentats. Qualifiant les attentats d'"odieux", le Quai d'Orsay a appelé au "respect immédiat de la cessation des hostilités (...) pour que les négociations inter-syriennes puissent reprendre en vue de mettre en oeuvre la transition politique". Ces négociations sont au point mort depuis des semaines, en raison de positions inconciliables sur l'avenir politique de Bachar al Assad, et, après diverses tentatives de cessez-le-feu, les combats ont repris de plus belle dans les régions d'Alep et Damas entre rebelles d'une part et forces gouvernementales appuyées par leurs alliés iraniens et libanais d'autre part. Quatre explosions se sont produites à Jableh. L'une d'elle a eu lieu dans le service des urgences d'un hôpital où un homme s'est fait exploser après y être entré. Une autre explosion a eu lieu à un arrêt de bus. Les bombes de Tartous visaient aussi un arrêt d'autobus, précisent l'OSDH et les médias publics syriens. "LE GOÛT DE LA MORT" Après un premier communiqué revendiquant les attentats, l'EI a précisé dans une seconde déclaration que les attentats avaient été menés dans un secteur contrôlé par le gouvernement de façon à ce qu'ils "fassent l'expérience du même goût de la mort que celui que les musulmans ont pour l'instant connu à partir des frappes aériennes russes (et du gouvernement syrien) sur les localités musulmanes." L'agence Amaq précise que dix membres de l'EI sont morts dans les attentats, cinq à Tartous et cinq à Jableh. Des images diffusées par la chaîne progouvernementale Ikhbariya et par des partisans du régime de Damas sur les réseaux sociaux montrent des carcasses de véhicules calcinés à Jableh et des empilements de corps des victimes à l'arrière de pick-ups. Interrogé par Ikhbariya, le ministre syrien de l'Information Omran al Zoubi a accusé les "terroristes" de s'attaquer aux civils au lieu de combattre sur les lignes de front. Selon l'OSDH, un secteur de Tartous accueillant des Syriens déplacés et situé près du lieu d'une des explosions, a été brièvement attaqué par les partisans du gouvernement syrien en réaction aux attentats. Quelques tentes ont été brûlées mais personne n'a été tué. Le gouverneur de Tartous, Safouane Abou Saadah, a déclaré que les informations selon lesquelles des réfugiés se seraient fait tirer dessus étaient fausses. Il a au contraire déclaré que des habitants de Tartous s'étaient rendus dans les secteurs accueillant des réfugiés pour les protéger d'éventuels attentats. "Il y a deux jours, il y a eu des feux dans certains camps de la province de Tartous en raison de problèmes électriques (...). Les informations d'aujourd'hui selon lesquelles des gens ont brûlé (ces camps) ne sont pas vraies. Personne ne se retournerait contre nos hôtes de cette manière", a déclaré Abou Saadah. Des attentats revendiqués par l'EI ont fait de nombreuses victimes depuis le début de l'année à Damas et Homs, dans le centre du pays. La ville de Lattaquié, située au nord de Jableh, a aussi été le théâtre de bombardements et d'attaques à la roquette des insurgés, notamment à la fin 2015. (Avec Dmitry Solovyov à Moscou et John Irish à Paris; Henri-Pierre André, Tangi Salaün et Danielle Rouquié pour le service français)