"Plein Soleil", "Le Guépard", "Le Samouraï"... Alain Delon raconte ses cinq grands rôles
Alain Delon est mort ce dimanche 18 août à 88 ans. L'acteur a souvent commenté dans la presse ses rôles mythiques. Florilège.
Plein Soleil, Le Guépard, Le Samouraï, La Piscine, Monsieur Klein... C'est avec ces rôles qu'Alain Delon est entré dans la légende du 7e Art. Mort à l'âge de 88 ans, le comédien a régulièrement évoqué avec émotion dans la presse ces films où il était au sommet de sa beauté et de sa gloire. Ces films marquent aussi les débuts de Delon au cinéma, ainsi que sa rencontre avec des maîtres devenus, plus que des collègues de travail, des pères de substitution. Voyage dans sa filmographie en compagnie de l'acteur de légende.
Plein Soleil (1960)
Le pitch
"Tom Ripley (Alain Delon) est chargé par un milliardaire américain, M. Greenleaf, de ramener à San Francisco son fils Philippe qui passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge. Tom entre dans l'intimité du couple et devient l'homme à tout faire de Philippe qui le fait participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser. C'est alors que Tom tue Philippe et usurpe son identité. Tout semble réussir. Au moment où il s'apprête a épouser Marge, Philippe réapparaît."
Le regard d'Alain Delon sur Plein Soleil (Le Monde en septembre 2018):
"J’ai rendez-vous sur les quais, chez René Clément, qui prépare Plein soleil, avec les deux frères Hakim comme producteurs. Ils m’expliquent que Maurice Ronet doit jouer Ripley, l’assassin, et moi sa victime. Sauf que moi je veux faire Ripley et rien d’autre. On me traite de petit imbécile. 'Vous êtes qui? Vous êtes quoi?', je réponds: 'Je dis ce que je pense. Si vous voulez l’autre, prenez l’autre, mais pas moi.' Et puis, au fond de l’appartement, il y a Bella Clément, la femme du cinéaste, en train de faire la vaisselle, et elle lance: 'Rrrené, le petit a rrraison.' C’était terminé. Plein soleil est un succès mondial, notamment au Japon, car il y a 'soleil' dans le titre. [...] René Clément qui est à la base de tout, mon maître absolu."
Le Guépard (1963)
Le pitch
"En 1860, tandis que la Sicile est submergée par les bouleversements de Garibaldi et de ses Chemises Rouges, le prince Salina se rend avec toute sa famille dans sa résidence de Donnafugata. Prévoyant le déclin de l'aristocratie, ce dernier accepte une mésalliance et marie son neveu Tancrède à la fille du maire de la ville, représentant la classe montante."
Alain Delon raconte sa rencontre avec Luchino Viconti (Le Figaro en mai 2010):
"J'ai rencontré [Luchino Visconti] à la fin des années 1950, à Londres, à une représentation de Don Carlos qu'il mettait en scène à Covent Garden. C'est mon agent et celle de Michèle Morgan, Olga Orstig, aujourd'hui disparue, qui m'a dit un jour: 'Visconti voudrait te rencontrer.' Il m'avait remarqué dans Plein soleil de René Clément, avec Maurice Ronet, et il avait déclaré: 'Lorsque j'ai vu Alain, j'ai vu Rocco.' Rendez-vous compte, il fallait tout de même être culotté et sûr de soi pour engager à l'affiche d'un film cent pour cent italien un petit Français dans le rôle d'un Calabrais. Je conserve vraiment des merveilleux souvenirs de cette période italienne. [...] [Le Guépard est] le symbole d'une époque et d'un cinéma qu'il serait impossible de faire aujourd'hui."
Le Samouraï (1967)
Le pitch
"Jeff Costello, dit le Samouraï est un tueur à gages. Alors qu'il sort du bureau où git le cadavre de Martey, sa dernière cible, il croise la pianiste du club, Valérie. En dépit d'un bon alibi, il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de l'enquête. Lorsqu'elle est interrogée par celui-ci, la pianiste feint ne pas le reconnaître. Relâché, Jeff cherche à comprendre la raison pour laquelle la jeune femme a agi de la sorte."
Le regard d'Alain Delon sur Le Samouraï (Les Inrocks en mai 2018):
"J’ai beaucoup parlé de [la] fin [du Samouraï] avec Jean-Pierre Melville. On l’a conçue ensemble. Mon personnage se retrouve face à cette femme qui l’a sauvé alors qu’elle pouvait le confondre. Elle l’aime trop et sait qu’elle ne pourra pas vivre cet amour parce qu’il est trop fort. Mon personnage le sait aussi et choisit de faire semblant de l’abattre pour que la police lui tire dessus. Elle susurre en voyant qu’il la braque : "Oh non, Jeff, pourquoi ?" Et François Périer, qui joue le commissaire, révèle dans le dernier plan que le barillet du revolver que je tenais était vide. C’est un suicide d’amour délibéré parce que je ne pouvais plus vivre sans elle, que je connaissais sa puissance d’amour mais que je savais que la vie était foutue pour nous deux. Je n’avais plus le droit de rester. C’est une fin magnifique. Qu’est-ce que c’est beau Le Samouraï!"
La Piscine (1969)
Le pitch
"Jean-Paul et Marianne forment un couple idéal et coulent des jours heureux dans leur villa de Saint-Tropez, jusqu'au jour où arrive Harry, au bras de sa fille l'incendiaire Pénélope. Ancien amant de Marianne, l'homme trouble cette vie tranquille. La tension monte."
Le regard d'Alain Delon sur Le Guépard (Le Monde en septembre 2018):
"Je tourne six films avec Deray, mais c’est moi qui fais tout, les produis. C’est moi qui finis par imposer Romy Schneider sur La Piscine. On me sort une sublime Américaine ou Monica Vitti pour jouer à sa place. Je dis: 'Vous me faites chier, c’est Romy ou alors il n’y a pas de film.' Je le dis parce que je sais de quoi Romy est capable. Je sais aussi qu’elle est décadente, paumée, n’a plus rien à faire. Donc je lui dis: 'Ecoute, tu vas être sublime.' Deray est entièrement d’accord avec moi. Quand La Piscine sort, personne ne vient me voir pour me dire: 'Nous nous sommes trompés, vous avez raison.' Toujours est-il qu’à la suite de ce film, Claude Sautet vient chercher Romy pour Les Choses de la vie. Je suis tellement heureux et fier de m’être battu…
Monsieur Klein (1976)
Le pitch
"Pendant l'occupation allemande à Paris, Robert Klein, un Alsacien qui rachète des œuvres d'art à bas prix, reçoit, réexpédié, à son nom, le journal Les Informations juives qui n'est délivré que sur abonnement. Il découvre bientôt qu'un homonyme juif utilise son nom, et décide alors de remonter la piste qui le mènera à cet inconnu."
Le regard d'Alain Delon sur Monsieur Klein (France Info en mai 2019):
"Le film n'aurait pas existé sans moi et sans Jo [le réalisateur Joseph Losey, NDLR], parce qu'il avait été écrit par des Italiens très très très talentueux dont j'ai oublié le nom [le scénario a été écrit par Franco Solinas et Costa-Gavras, NDLR]. C'est un ami à moi qui me l'a amené en me disant: "Ils ne veulent plus le faire, à cause des problèmes de production, de compréhension etc." Il me dit: "Est ce que tu veux le lire?" Je l'ai lu, je l'ai fait lire à Jo. Trois jours après on avait décidé de produire et de faire le film. C'est une pure merveille. [Le film] n'a strictement rien à voir avec le Delon connu, le Delon apprécié, le Delon recherché, le Delon voulu, le Delon souhaité, toujours un flingue à la main [...] Je suis très très très heureux d'avoir fait Monsieur Klein."