Publicité

Un voyage à Berlin qui prend des allures de "Vallsgate"

Un voyage à Berlin qui prend des allures de "Vallsgate"

PARIS (Reuters) - La polémique sur le voyage en avion du Premier ministre français à Berlin samedi pour la finale de la Ligue des Champions de football prend des allures de "Vallsgate", entre embarras de l'exécutif et flèches d'une opposition criant au scandale. Le président de l'UEFA, Michel Platini, a tenté mercredi de voler au secours de Manuel Valls, en confirmant après un rendez-vous avec François Hollande sur l'organisation en France de l'Euro 2016 la version officielle de ce vol Poitiers-Berlin. L'ancien capitaine de l'équipe de France a dit à la presse que le chef du gouvernement avait assisté au match Juventus-FC Barcelone à son invitation et eu auparavant avec lui un tête-à-tête sur l'Euro 2016 et la crise de la Fifa. Mais l'affaire, aggravée par la révélation de la présence à bord du Falcon de l'Etat de deux enfants de Manuel Valls, n'en écorne pas moins l'image du Premier ministre dans une opinion publique que la crise a rendue hypersensible. Selon un sondage de l'institut Elabe pour BFMTV rendu public mercredi, 77% des Français se disent "choqués" par ce déplacement du Premier ministre et la presse s'est encore largement fait l'écho mercredi de la controverse, qui n'a fait qu'enfler depuis quatre jours. Le Parisien évoque une "grosse gaffe". Libération, classé à gauche, accuse : "Valls marque contre son camp." Le Monde barre sa première page d'un "Manuel Valls, la mauvaise passe". Des observateurs doutent de la réalité du tête-à-tête Valls-Platini et les explications du chef de l'Etat et du Premier ministre, pas plus que celles du président de l'UEFA, n'ont éteint un incendie attisé par l'opposition de droite. "Les justifications de ce voyage sont de plus en plus embrouillées", a dit à la presse parlementaire la députée du parti Les Républicains (LR), Valérie Pécresse, selon qui Manuel Valls devrait rembourser ce voyage aux frais de l'Etat. "UNE CONNERIE", DIT FALORNI Un avis partagé par l'ancien Premier ministre François Fillon, qui parle d'"erreur", le centriste François Bayrou ou la députée Front national Marion Maréchal Le Pen, laquelle a jugé "scandaleux" le voyage à Berlin de Manuel Valls. Dans Le Parisien, l'ancienne ministre LR Nathalie Kosciusko-Morizet, ironise : "On apprend que Valls est allé soutenir le Barça aux frais du contribuable, heureusement qu'il n'est pas fan des All Blacks (les rugbymen néo-zélandais-NDLR) !" L'affaire embarrasse le gouvernement et le Parti socialiste, dont Manuel Valls a quitté le congrès samedi après-midi pour cet aller-retour Poitiers-Berlin - Poitiers où, déjà, des ministres et des dirigeants du PS critiquaient en privé cette escapade. "Ce voyage en Falcon de Valls est une connerie", a déclaré sans ambages mercredi sur Europe 1 le député du Parti radical de gauche Olivier Falorni. "Disons que c'est maladroit", a concédé une ministre en privé. "Je pense qu'il aurait sans doute gagné en image s'il avait regardé le match de foot en bras de chemise au milieu des militants socialistes", a pour sa part estimé la députée Karine Berger au Talk Orange-Le Figaro Des ténors de la majorité défilent à la télévision et sur les ondes pour tenter de défendre Manuel Valls. "Il devait y aller, c'était son devoir", a ainsi déclaré le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone. Mais à l'Elysée, on aimerait en finir avec cet épisode, qui risque d'alimenter la contestation interne au PS, rallumée trois jours après le congrès de Poitiers par l'annonce du plan PME de Manuel Valls ou l'évacuation musclée d'immigrants à Paris. UNE ENTAILLE DANS SON IMAGE "Il n'y a pas de sujet. Le président a défendu le Premier ministre lundi soir. Point. Et ça s'arrête là", disait mercredi matin un conseiller de François Hollande. Selon des politologues, l'affaire restera en tout cas une tache dans le parcours politique de Manuel Valls. "Plus qu'une erreur de communication, cela démontre une incapacité à appréhender la hiérarchie des priorités et des conditions de vie des Français", note ainsi François Miquet-Marty, de l'institut de sondages Viavoice. Pour lui, faute de résultats dans son action, "cela donne le sentiment d'un Premier ministre davantage préoccupé par son sort personnel que par celui des Français en difficulté." Jean-Daniel Lévy, de Harris Interactive, évoque "l'énervement" de l'opinion face à un dirigeant "qui donne l'impression d'utiliser des moyens de l'Etat pour se faire plaisir et non pour les représenter." L'affaire écorne selon lui l'image de l'ambitieux Premier ministre issu de l'immigration et ancien élu de la ville populaire d'Evry (Essonne), qui a fait du volontarisme et du "parler clair" sa marque de fabrique. "On n'a jamais considéré Manuel Valls comme quelqu'un qui aimait l'argent, habité par l'idée de profiter du pouvoir, mais plutôt comme un homme qui porte la République en bandoulière. Donc là, c'est une entaille dans son image." (Elizabeth Pineau, avec Service France, édité par Emmanuel Jarry)