Plan de sobriété : Les 110 km/h sur l’autoroute, symbole du manque d’ambition du gouvernement

Cette limitation, annoncée jeudi par l’exécutif, ne concerne que les agents publics et n’est pas obligatoire. De quoi limiter grandement son efficacité globale.

SOBRIÉTÉ - Ne pas brusquer les Français. C’est le message qui transparaît dans le plan de sobriété énergétique présenté ce jeudi 6 octobre par le gouvernement, dans le but de réduire la consommation d’énergie globale du pays.

L’exécutif met l’accent sur les « éco gestes » des citoyens, tels que diminuer le chauffage à 19 °C, éteindre ses appareils quand ils ne sont pas utilisés, ou encore rester moins longtemps sous la douche.

Ces mesures ne demandent pas aux Français de changer radicalement de mode de vie. Une mesure en particulier illustre les limites de l’ambition du gouvernement : l’abaissement de 130 à 110 km/h de la vitesse sur les autoroutes. Cette limitation concerne uniquement les agents publics et elle n’est pas obligatoire. « Les agents employant leur véhicule de service devront limiter leur vitesse à 110 km/h au lieu de 130 km/h sur autoroute et à 100 km/h au lieu de 110 km/h sur voie rapide », précise le plan.

Crainte d’une contestation

Avec cette disposition réservée uniquement aux agents publics, l’État se veut « exemplaire » dans la réduction de la consommation d’énergie pour les déplacements en voiture. Le passage d’une vitesse de 130 à 110 km/h permet une économie de carburant de 25 %, selon l’association négaWatt.

C’est pourquoi de nombreux experts de l’énergie se demandent pourquoi l’État n’a pas décidé de généraliser cette mesure à l’ensemble de la population. « L’État reconnaît par exemple que baisser sa vitesse sur la route est une bonne chose et demande aux fonctionnaires de faire preuve d’exemplarité. Cela aurait eu une chance de donner des résultats plus massifs avec une mesure réglementaire concernant l’ensemble de la population », estime Yves Marginac, porte-parole de négaWatt, dans le quotidien Le Monde.

Plusieurs raisons expliquent que le gouvernement n’a pas souhaité étendre la mesure à tous les Français. D’abord, le gouvernement se veut très prudent depuis la polémique du passage aux 80 km/h sur les routes départementales. La mesure avait en effet participé au déclenchement du mouvement des gilets jaunes à l’hiver 2018-2019.

Une « sobriété choisie » plutôt que « subie »

« On est au début d’une démarche, donc c’est important de ne pas créer de l’opposition et de vouloir fonctionner par l’exemplarité », juge Andreas Rüdinger, chercheur à l’IDDRI, spécialisé dans les politiques énergétiques et climatiques, interrogé par Le HuffPost.

Ensuite, la décision du gouvernement illustre sa volonté d’être dans une « sobriété choisie » plutôt que « subie ». Aucune sanction ni obligation ne sont ainsi prévues dans ce plan de sobriété, et le gouvernement préfère communiquer et encourager les Français à faire des efforts.

Mais miser sur la bonne volonté ne suffira sans doute pas à atteindre l’objectif fixé : économiser 10 % de gaz, d’électricité et de carburant cet hiver. Andreas Rüdinger juge d’ailleurs le plan de sobriété « largement insuffisant » dans son ensemble.

Le spécialiste explique que le gouvernement aurait pu prendre des mesures plus drastiques face à la crise énergétique à venir : « On aurait pu mettre en place cette mesure - réduction de la vitesse sur autoroute ndlr - en disant ça va être mis en place pendant les quatre prochains mois pour tout le monde, car c’est une mesure avec un gain très net. » Effectivement, réduire la vitesse sur autoroute de 20 km/h pour tout le monde permettrait d’économiser 14 TWH, soit l’équivalent de la consommation de sept villes comme Montpellier.

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