Des antinucléaires portent plainte contre EDF

Des associations antinucléaires ont porté plainte contre EDF et l'ancien directeur de Fessenheim qu'elles accusent d'avoir "minimisé" et déclaré "hors délai" une fuite survenue le 28 février dans la centrale nucléaire située dans le Haut-Rhin. /Photo d'archives/REUTERS/Vincent Kessler

PARIS (Reuters) - Des associations antinucléaires ont porté plainte mardi contre EDF et l'ancien directeur de Fessenheim (Haut-Rhin) qu'elles accusent d'avoir "minimisé" et déclaré "hors délai" une fuite survenue le 28 février dans la centrale nucléaire. La plainte, qui vise des infractions présumées au Code de l'environnement et à la réglementation relative aux installations nucléaires de base, a été déposée auprès du parquet de Colmar par le Réseau "Sortir du nucléaire" et quatre associations. Les plaignants reprochent à l'exploitant de la plus vieille centrale nucléaire de France de l'avoir remise en service sans attendre les résultats des investigations complémentaires, d'avoir menti à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et d'avoir agi en violation du droit. "Si on ne peut pas faire confiance aux dirigeants d'EDF, où va-t-on ?", a ironisé André Hatz, porte-parole de l'association Stop Fessenheim. EDF n'a pas souhaité faire de commentaire. Le jour même où les antinucléaires déposaient leur plainte, EDF annonçait la mise à l'arrêt automatique, pour une raison encore inconnue, du réacteur numéro 2 de la centrale. Il avait été recouplé au réseau samedi après un mois et demi d'arrêt pour maintenance et rechargement de combustible. Le 28 février, EDF déclarait la mise à l'arrêt du réacteur numéro 1 de Fessenheim en raison d'un "défaut d'étanchéité" sur une tuyauterie. Plus de 100 m3 d'eau s'étaient déversés en salle des machines à la suite, non d'un défaut d'étanchéité, mais d'une rupture de tuyauterie, selon une "lettre de suite" adressée le 12 mars à l'exploitant et publiée sur son site internet par l'ASN. "MANQUE DE RIGUEUR" L'ASN révélait qu'une seconde fuite s'était produite le 5 mars après la remise en service de la tuyauterie, durant l'une de ses inspections, alors qu'EDF n'avait pas encore identifié précisément les causes de la rupture. "Même si la sûreté des installations n'a pas été mise en cause, cette inspection a mis en évidence un manque de rigueur dans le processus de traitement des écarts et la prise en compte du retour d'expérience", indiquait alors Sophie Letournel, chef de la division de Strasbourg de l'ASN. Plusieurs manquements potentiels à la réglementation relative aux installations nucléaires de base étaient mentionnés dans le courrier. Le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, a lui-même critiqué le 15 avril devant une commission de l'Assemblée nationale la communication d'EDF, jugée "plus que décalée par rapport à la réalité." "On n'est pas contents de la manière dont ils nous ont informés", avait-il ajouté, dénonçant "l'empressement" d'EDF "à vouloir redémarrer vite sans vérifier tout ce qu'il y avait à vérifier." "Il va falloir qu'on rediscute avec eux" sur ce que l'incident révèle en termes de comportements, avait poursuivi le président de l'ASN. Interrogé par un député sur d'éventuelles sanctions, il avait évoqué une transmission du dossier à la justice, sans davantage de détails. Sophie Letournel a confirmé à Reuters la saisie du TGI de Colmar. "Dans le cadre de nos inspections, on peut être amenés à constater un certain nombre d'infractions. On en fait part au procureur et c'est à la justice de faire son travail", a-t-elle indiqué. Le parquet n'a pas souhaité donner d'information à ce sujet. La fermeture de Fessenheim, située en zone sismique et inondable, reste prévue "à l'horizon de la fin du quinquennat", a récemment dit François Hollande. (Chine Labbé et Michel Rose, avec Patrick Genton à Colmar et Gilbert Reilhac à Strasbourg, édité par Yann Le Guernigou)