Philippe Lellouche : "Être juif en France en 2024, c'est pas une partie de plaisir. Aujourd’hui, tout le monde doit choisir un camp. C’est tragique"
"Une nostalgie heureuse" des années 70/80. Voilà ce qui a inspiré à Philippe Lellouche, l'écriture d'un spectacle. À 58 ans, l'acteur et metteur en scène se lance pour la première fois dans l'aventure du one-man show avec "Stand alone" qu'il présente dans plusieurs villes de France. Pour Yahoo, il s'est confié sur des souvenirs de jeunesse au sein de sa célèbre famille, son point de vue sur l'évolution des rapports hommes-femmes, ou encore sur la difficulté d'être Juif en France de nos jours.
Nostalgique, Philippe Lellouche ? Oui, à n'en pas douter. Actuellement en one-man show dans toute la France, l'acteur a répondu aux questions de Yahoo sur l'époque actuelle à la lumière des années 70/80. Et à en croire l'acteur, grandir au sein de la Génération X comportait de grands avantages, aujourd'hui disparus. Notamment en ce qui concerne les relations entre les hommes et les femmes. Selon lui, les slows en boîtes de nuit ont notamment permis à de nombreux couples de se former, et leur disparition a signé "le début de la fin d'une très belle ère".
"Ça ne peut pas être plus sympa de se rencontrer sur une application avec des photos truquées, plutôt que de s'obliger à aller vers quelqu'un pour l'inviter à danser dans la pénombre", affirme-t-il, parlant de la "fin du romantisme pour les gosses". L'acteur reconnaît même une "vertu" à la fumée des cigarettes, longtemps autorisées dans ces établissements : celle de "masquer les odeurs" et donc en quelque sorte, de faciliter la séduction : "Un mec qui a dansé une heure et demi, c'est rare qu'il sente bon !", plaisante-t-il.
Mais loin de lui l'idée de penser que la drague est aujourd'hui impossible, même depuis la fin des slows, l'interdiction de la cigarette en boîte, et plus récemment la vague #metoo. "Il faut arrêter ! Me too n'empêche pas de draguer !", affirme Philippe Lellouche, qui estime même que le monde serait "tragique" si "les femmes d'aujourd'hui ne se faisaient plus courtiser". Selon lui, le succès est même à la portée de tous les hommes faisant preuve d'un minimum d'audace : "On est dans une telle époque de trouillards que celui qui a un peu de 'cojones', normalement il va réussir partout ! Même si tu lui plais pas, si tu lui fais la cour intelligemment, tu peux réussir à lui plaire...".
"Un argument pour lequel les gens pourraient ne pas venir ? Je suis juif"
Des années 70/80, c'est finalement le vent de liberté que Philippe Lellouche regrette le plus. Celui qu'il ressentait quand il partait en vacances avec son père, au volant de sa Peugeot 504. Une voiture de "darons" qui disposait d'un vrai cendrier comme il se plaît à le rappeler : "notre génération n'a pas connu d'interdits du tout […] on avait tellement droit de tout faire que petit à petit, tous ces petits interdits nécessaires, on a l'impression que ça a entaché notre liberté". Et ne lui parlez pas de l'essor des vélos dans les villes, qui, selon lui, a crée des clans qui se détestent : "le clan des trottinettes, le clan des piétons, le clan des voitures, des scooters... […] plutôt que d'apaiser, on a rendu les villes encore plus agressives".
La parole, elle aussi, est devenue plus agressive selon le frère de Gilles Lellouche, qui déplore que le débat soit devenu compliqué. La faute à un "manque de nuances" selon celui qui se dit au contraire atteint d'une "schizophrénie intellectuelle", tant ses propres pensées s'affrontent. "Je veux pouvoir continuer à écouter des mecs avec qui je ne suis pas d'accord. Pas envie d'être cantonné à un camp".
À lire aussi >> Philippe Lellouche : Cette "prédisposition" qui le ramène malgré lui à son ex-femme Vanessa Demouy
Sa judéité, Philippe Lellouche la trouve aussi plus difficile à porter à l'époque actuelle. "Il y a un grand dramaturge qui, après la guerre, avait dit : 'je disais avant la guerre je suis Français et juif, maintenant je suis obligé de dire je suis juif et Français'. Et moi j'espère qu'on va pouvoir continuer longtemps dans notre pays à dire 'je suis Français ET juif, et pas le contraire'".
À un journaliste qui lui demandait de donner "pour rire" un argument pour lequel les gens pourraient ne pas venir, il répond, non sans tristesse : "Ben parce que Je suis juif".
Quant à cacher cette religion, ce serait à ses yeux "la forme suprême de la lâcheté et d'imbécillité". Alors, en s'inspirant d'une phrase de Chateaubriand, l'homme de scène tâche "d'embrasser" ce qu'il ne peut éviter, et de "montrer un certain nombre de vertus qui empêcheront l'autre de penser qu'[il n'est] pas quelqu'un de bien au prétexte de sa religion".