Pfizer envisage de céder ses produits de santé grand public

par Manas Mishra et Ben Hirschler

(Reuters) - Pfizer a annoncé mardi qu'il envisageait de scinder ou de vendre son activité de santé grand public dont il pourrait espérer retirer jusqu'à 15 milliards de dollars (12,7 milliards d'euros) selon des banquiers.

Ce faisant, le laboratoire américain emboîte le pas à l'allemand Merck KGaA qui cherche lui aussi à se désengager de ses produits en vente libre, valorisés autour de 4,5 milliards de dollars.

Avec une demande portée par le vieillissement de la population et une plus grande sensibilité des consommateurs aux questions médicales, le marché fragmenté de l'auto-médication est devenu un terrain fertile pour les fusions et acquisitions ces dernières années.

Les produits vendus sans ordonnance génèrent en général des marges inférieures aux médicaments de prescription mais ce sont souvent des marques durablement établies avec des clients fidèles.

La division de santé grand public de Pfizer, où l'on retrouve notamment l'anti-inflammatoire Advil, le baume à lèvres Chapstick et les multivitamines Centrum, a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 3,4 milliards de dollars en 2016.

Des experts du secteur estiment qu'elle pourrait valoir quatre fois le CA, soit 14 milliards de dollars environ, mais deux banquiers du secteur ont dit à Reuters que le groupe espérait en tirer 15 milliards.

Reuters avait révélé en novembre dernier que Pfizer réfléchissait à une cession ou une scission de son pôle de produits de grande consommation.

Le groupe a précisé mardi qu'une décision, qui pourrait aussi être de conserver ces activités, serait prise dans le courant de 2018.

Les actifs de Pfizer pourraient intéresser des grands noms du secteur comme Reckitt Benckiser, GlaxoSmithKline, Procter & Gamble, Johnson & Johnson et Abbott.

Bayer et Sanofi, eux aussi présents dans la santé grand public, ne sont en revanche pas attendus sur ce dossier car ils sont occupés à absorber Monsanto pour l'un et l'activité grand public de Boehringer Ingelheim pour l'autre.

Nestlé, qui n'est pas un laboratoire mais explore de plus en plus la frontière entre nutrition et santé, pourrait en revanche être un prétendant.

PAS D'INTÉRÊT POUR BRISTOL-MYERS

Dans le communiqué annonçant la revue, le directeur général Ian Read écrit que les produits grand public peuvent être davantage valorisés en dehors du périmètre du groupe.

"Bien qu'il y ait des liens forts entre la santé grand public et certains éléments des activités biopharmaceutiques qui forment notre coeur de métier, elle en est est suffisamment distincte pour que sa valeur potentielle soit mieux réalisée en dehors du groupe", écrit-il.

Advil et Centrum comptent parmi les 10 marques d'auto-médication les plus vendues dans le monde. Dix autres marques de Pfizer ont eu en 2016 un chiffre d'affaires dépassant les 100 millions de dollars.

Une sortie de Pfizer de cette activité serait la plus importante décision stratégique du groupe depuis qu'il a renoncé à racheter le laboratoire Allergan pour 160 milliards de dollars l'an dernier. Pfizer avait aussi tenté sans succès d'acquérir AstraZeneca en 2014.

Des rumeurs ont couru dernièrement sur un intérêt de Pfizer pour le spécialiste de l'oncologie Bristol-Myers Squibb, mais l'une des sources les a qualifiées de "non pertinentes", surtout au vu du montant que Pfizer peut espérer dégager de ses produits grand public. Bristol-Myers a une capitalisation de 105 milliards de dollars.

Pfizer a précisé avoir engagé Centerview Partners, Guggenheim Securities et Morgan Stanley & Co comme conseillers financiers pour cette opération.

En Allemagne, Merck a le mois dernier mandaté JP Morgan pour céder lui aussi ses activités de santé grand public.

A Wall Street, l'action Pfizer réagit peu aux annonces du groupe et affiche une modeste progression de 0,04% vers 15h00 GMT.

(avec les contributions de Pamela Barbaglia et d'Arno Schütze, Bertrand Boucey et Véronique Tison pour le service français)