"Mon petit renne": la justice américaine autorise la vraie Martha à attaquer Netflix en diffamation

Un juge californien a estimé que la mention "ceci est une histoire vraie" présentée au début de la série était abusive, les événements relatés étant "pires" que ceux dont ils s'inspirent.

Netflix va-t-elle être reconnue coupable de diffamation pour sa série Mon petit renne? La justice américaine a estimé vendredi 27 septembre que la mention "Ceci est une histoire vraie", présentée au début du premier épisode, était abusive. Autorisant ainsi Fiona Harvey, qui assure avoir inspiré le personnage déséquilibré de Martha, à poursuivre le géant du streaming.

Phénomène mondial du printemps dernier, Mon petit renne suit Donny, barman dans un pub et aspirant humoriste, violemment harcelé pendant plusieurs années par Martha, une femme plus âgée qui s'est amourachée de lui. L'Écossais Richard Gadd, acteur et auteur du programme et de la pièce de théâtre dont il est adapté, n'a jamais caché que les événements relatés étaient inspirés de sa propre vie.

Dans les sept épisodes de Mon petit renne, Martha assomme Donny de milliers d'e-mails et de messages vocaux, se rend constamment au bar où il travaille, assiste à ses spectacles et va même jusqu'à s'en prendre à ses parents et à sa compagne. En outre, elle l'agresse sexuellement et physiquement.

Fiona Harvey, une Britannique, a porté plainte en diffamation contre Netflix en juin dernier. Elle assure être la personne qui a inspiré le personnage de Martha et estime que la série dresse un portrait faussé de la réalité. Elle réclame 170 millions de dollars de dommages et intérêts à la plateforme; si son vrai nom n'est jamais mentionné, il a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Elle affirme avoir fait l'objet de menaces de mort.

En mai dernier, Fiona Harvey a accordé une interview au britannique Piers Morgan dans laquelle elle assurait notamment n'avoir envoyé que quelques e-mails à Richard Gadd, une unique lettre et environ 18 messages sur X (ex-Twitter). De plus, la série se conclut sur la condamnation de Martha; Fiona Harvey, elle, ne l'a pas été.

Le Guardian rapporte que dans une décision rendue vendredi en Californie, la justice américaine a estimé que même si "les actions (de Fiona Harvey) sont répréhensibles", celles de Martha dans la série sont "pires":

"Il existe une différence majeure entre harceler et être condamné pour harcèlement devant une cour de justice. De même, il existe des différences majeures entre toucher quelqu'un de manière inappropriée et l'agresser sexuellement, ainsi qu'entre pousser quelqu'un et lui enfoncer ses pouces dans les yeux (ce qui se produit dans l'un des épisodes, NDLR)."

Ainsi, la mention "Ceci est une histoire vraie" est considérée comme trompeuse, et la justice estime que Netflix n'a "fait aucun effort" pour vérifier le récit de Richard Gadd ni pour protéger l'identité de Fiona Harvey. Elle refuse, de fait, d'accéder à la demande de Netflix de rejeter la plainte.

"Netflix aurait dû savoir que les déclarations et le portrait dressé de la plaignante à travers le personnage de Martha étaient faux, et que les téléspectateurs découvriraient son identité et la harcèleraient en s'appuyant sur ces fausses déclarations et ce portrait. Pourtant, la défense n'a fait aucun effort pour (en) vérifier la véracité et pour prendre des mesures supplémentaires afin de cacher son identité."

En juillet dernier, Richard Gadd avait transféré une déclaration de 21 page à la justice américaine dans laquelle il apportait son soutien à Netflix.

"La série est une œuvre dramatique", y avait-il écrit. "Ce n'est pas un documentaire (...) Même si la série est inspirée de faits réels de ma vie, je ne l'ai pas écrite pour y faire un récit point par point des événements et des émotions que j'ai vécus ni pour représenter des personnes réelles. (...) Martha Scott n'est pas Fiona Harvey."

Il y a quelques semaines, le Sunday Times avait rapporté qu'au moment de la conception du programme, Richard Gadd avait émis des réserves quant à la mention "Ceci est une histoire vraie", ajoutée à la demande du géant du streaming.

Succès-surprise de l'année écoulée, Mon petit renne a brillé lors de la dernière édition des Emmy Awards il y a quelques semaines. La série a remporté six statuettes, dont celles de meilleure mini-série, meilleur acteur dans une mini-série pour Richard Gadd et meilleur second rôle féminin dans une mini-série pour Jessica Gunning, l'interprète de Martha.

Article original publié sur BFMTV.com