Perquisitions en Turquie dans des sociétés proches d'un opposant

par Daren Butler et Ayla Jean Yackley ISTANBUL (Reuters) - La police turque a perquisitionné mardi dans les bureaux de plusieurs sociétés entretenant des liens avec le religieux musulman Fethullah Gülen, opposant en exil que le président Recep Tayyip Erdogan accuse de vouloir renverser son gouvernement. Vingt-trois entreprises du groupe Koza Ipek, opérant dans des secteurs aussi différents que l'industrie minière ou la presse, ont été perquisitionnées, rapporte l'agence Anatolie précisant qu'elles sont soupçonnées de soutenir financièrement le "groupe terroriste güleniste". Six personnes ont été interpellées, ajoute Anatolie. "L'objectif est de réduire au silence les médias de l'opposition avant une élection", a commenté Erkan Akkus, rédacteur en chef d'une chaîne de télévision appartenant au groupe Koza Ipek en référence aux législatives anticipées convoquées pour le 1er novembre. "Ce serait une erreur de considérer que cela ne vise que notre groupe. Ils commencent avec nous pour prendre la température et si cela ne provoque pas de réactions d'indignation, cela pourra s'étendre à d'autres groupes de médias", a-t-il poursuivi. Erdogan, qui cherche à redonner à son Parti de la justice et du développement (AKP) une majorité absolue au parlement perdue lors du scrutin du 7 juin, accuse Fethullah Gülen, en exil aux Etats-Unis, de chercher à le renverser grâce à "une structure parallèle" de partisans présents au sein de l'appareil policier et judiciaire, des médias et d'autres institutions. LES MEDIAS PAS TOUCHÉS Akin Ipek, président du groupe Koza Ipek, a affirmé que sa société n'était coupable d'aucune infraction et que tous les documents recherchés par la police financière lui avaient été remis. "S'ils trouvent un seul centime illégal, je leur offre l'entreprise en cadeau", a-t-il dit. "Tout cela relève de la pure imagination, c'est de la calomnie sans aucun fondement." Les perquisitions, précise l'agence Anatolie, n'ont pas concerné les entreprises de presse du groupe Koza Ipek. Selon le rédacteur en chef du journal Bugun, Erhan Basyurt, les entreprises de presse figurent sur la liste des sociétés visées par le mandat de perquisition, mais la police ne s'y est pas présentée. Certains responsables de l'opposition se sont élevés contre ces perquisitions. Le nouveau ministre turc chargé de l'Union européenne, Ali Haydar Konca - membre du parti d'opposition pro-kurde HDP qui a rejoint le cabinet de transition la semaine dernière - a mis en garde contre toute perquisition qui viserait les médias. "Je crains que des opérations visant les médias ne suscitent de profondes inquiétudes dans le monde entier concernant l'état de la démocratie en Turquie", a-t-il dit lors d'une conférence de presse. (Pierre Sérisier et Eric Faye pour le service français)