Périphérique parisien : pourquoi la vitesse va-t-elle être réduite de 70 à 50 km/h ?

La maire de Paris Anne Hidalgo a annoncé que la nouvelle limitation entrerait en vigueur le 1er octobre, invoquant "une mesure de santé publique".

La vitesse bientôt limitée à 50 km/h sur le périphérique de Paris, dans quel objectif ? (Photo : Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Une mesure choc, mais pour quel objectif ? Ce mardi matin sur l'antenne de RTL, la maire de Paris Anne Hidalgo a annoncé qu'à partir du 1er octobre prochain, la vitesse maximale autorisée sur le périphérique entourant la capitale serait abaissée à 50 km/h, contre 70 km/h actuellement.

Au cours de son interview radiophonique, Anne Hidalgo n'a pas fourni de justification à ce changement, se contentant de rappeler que la municipalité parisienne "y travaille depuis 2018, donc ce n’est pas un sujet nouveau". On peut donc s'interroger sur les raisons qui ont motivé la concrétisation de cette mesure envisagée de longue date.

Il y a quelques jours, la maire de Paris avait ainsi argué, dans un entretien accordé à Ouest France, qu'il s'agit d'une "mesure de santé publique pour les 500 000 personnes qui vivent aux abords du périphérique". Cet enjeu sanitaire repose sur des éléments très concrets, relatifs à la population atmosphérique.

D'après l'organisme Atmo France (qui réunit les différentes associations agréées de surveillance de la qualité de l'air), l'exposition aux particules fines, en grande partie générées par le trafic automobile, est en effet responsable d'environ 40 000 décès par an en France.

Directement lié à cet objectif sanitaire, un autre objectif affiché de l'équipe municipale est de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Adopté par le Conseil de Paris en décembre 2023, le Plan Climat 2024-2030 propose notamment des pistes pour permettre à la capitale de réduire "de 80% son empreinte carbone".

Parmi les mesures phares, il est notamment préconisé de "transformer le périphérique en boulevard urbain, vitesse abaissée à 50km/h". "Cela permettra de réduire la pollution de l’air, l’exposition au bruit des riveraines et riverains du périphérique, et de fluidifier les déplacements entre Paris et les communes limitrophes", étayent ensuite les auteurs du rapport.

Sur le papier, l'abaissement de la limitation de vitesse à 50 km/h doit donc avoir trois principaux effets vertueux : une diminution de la pollution atmosphérique (et donc des émissions de gaz à effet de serre), une diminution de la pollution sonore et une fluidification du trafic. Cette triple promesse semble toutefois contredire, en partie, les travaux réalisés précédemment sur le sujet.

Dans son interview à RTL, Anne Hidalgo précise en effet que la proposition de limiter la vitesse à 50 km/h provient au départ d'un rapport sur le devenir du périphérique parisien présenté en 2019 par l'élu centriste Éric Azière, conseiller municipal UDI du XIVe arrondissement. Or, si ce rapport préconise bel et bien d'abaisser la vitesse maximale sur le périphérique, il exprime aussi d'importantes réserves sur les potentiels bienfaits écologiques d'une telle mesure.

La question de la pollution atmosphérique est l'un des premiers sujets abordés par ce rapport de 2019, qui constate que le périphérique est "à lui seul à l’origine d’un sixième de la pollution au dioxyde d’azote à Paris". "On a une problématique très forte liée au boulevard périphérique, confirme Cécile Honoré, responsable du service Études à Airparif. On a des niveaux très importants et des dépassements très sévères."

Le rapport affirme ensuite que la réduction de la vitesse maximale de 80 à 70 km/h, entrée en vigueur en 2014, a "produit des effets bénéfiques" sur la pollution atmosphérique, mais ajoute dans la foulée qu'"il ne faudrait cependant pas considérer qu’une réduction de la vitesse maximale ou de la vitesse moyenne permette d’abaisser automatiquement la pollution atmosphérique. Curieusement, cela peut être tout à fait l’inverse. En effet, les moteurs thermiques ont chacun leur plage d’efficience. À l’intérieur de cette plage ils polluent peu, en-deçà et au-delà ils polluent beaucoup plus."

"À 70 km/h, c’est génial, c’est là que nous polluons le moins, illustre Fouad Awada, directeur général de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France (IAU-IDF), cité par le rapport. En revanche, dès que nous descendons en dessous de 50 km/h, on commence à polluer plus et dès que l’on monte au-dessus de 80 à 90 km/h, on pollue aussi. Plus vous réduisez la vitesse en dessous de 50 km/h, plus cela pollue."

"La limitation à 70 km/h sur le périphérique se rapproche de l’optimum des émissions de polluants de l’air, confirme Aurélie Solans, conseillère municipale déléguée chargée de l’environnement, également citée par le rapport de 2019. Nous n’obtiendrions pas de véritables gains à abaisser la vitesse sur le plan de la qualité de l’air au jour d’aujourd’hui." Anne Hidalgo la présente aujourd'hui comme une "mesure de santé publique", mais il semble donc que l'abaissement de la vitesse à 50 km/h n'aura qu'un impact très limité sur le plan environnemental.

Si l'argument de la diminution de la pollution atmosphérique entre en contradiction avec les conclusions du rapport de 2019, qu'en est-il des deux autres ? Sur le plan de la pollution sonore, Éric Azière note que "l’abaissement de la vitesse maximale de 80 km/h à 70 km/h depuis 2014 a permis de contribuer à une baisse du niveau sonore, évaluée par Bruitparif à une baisse d’environ 1,2 dB la nuit (-10%) et 0,5 dB (-5%) le jour."

"La baisse limitée s’explique notamment par un maintien de la vitesse moyenne grâce à une meilleure fluidité du trafic", ajoute l'auteur du texte. Est-il possible de diminuer encore cette pollution phonique en rendant le trafic encore plus fluide ? Le texte ne répond pas explicitement à cette question, mais considère bel et bien le désengorgement du périphérique comme un objectif à atteindre.

Ainsi, parmi les mesures préconisées à l'horizon 2030 pour "combattre les pollutions atmosphériques et sonores et réduire l’exposition des riverains", le rapport propose d'"abaisser la vitesse à 50 km/h afin d’améliorer la fluidité du trafic". Cet objectif de fluidification du trafic, qui doit notamment produire des effets vertueux en terme de pollution sonore, semble donc être la principale raison justifiant la décision annoncée ce lundi matin par la maire de Paris.

La réduction de la vitesse est en effet un bon moyen de décongestionner des zones de trafic dense, car elle permet de limiter l'effet "accordéon" à l'origine des bouchons. Comme l'expliquait en 2018 le site 40 millions d'automobilistes, "il est prouvé mathématiquement que le fait de maîtriser un ralentissement en abaissant légèrement et ponctuellement la vitesse maximale autorisée permet d’éviter les ondes de choc (les coups de frein intempestifs) et donc de fluidifier la circulation plutôt que de la bloquer".

À plus long terme, l'idée est aussi de continuer à opérer cette mutation du périphérique en "boulevard urbain" évoquée par le Plan Climat de décembre 2023. D'après le site Caradisiac, "le but est de transformer cette 'ceinture grise' en 'ceinture verte', en réduisant l’espace de circulation automobile à deux voies, soit trois de moins qu’aujourd’hui. Une troisième voie serait réservée à la mobilité partagée et aux transports en commun, dans la continuité de ce qui a été mis en place pour les Jeux Olympiques."

On pouvait déjà trouver des traces de cette réflexion dans le rapport de 2019, où Jean-Louis Missika, ancien adjoint à la Maire de Paris, chargé de l’urbanisme, assurait que "l’abaissement de la limite de vitesse à 50km/h permettrait l’implantation de pistes cyclables et la diversification des modes de mobilité" sur le périphérique, qui pourrait ainsi être ouvert aux "vélos, vélos cargo, vélos à assistance électrique, voire aux trottinettes électriques".