En Pennsylvanie, la difficile campagne démocrate pour les voix de la diaspora polonaise

Un magasin de la communauté polonaise à Philadelphie, le 23 septembre 2024 (RYAN COLLERD)
Un magasin de la communauté polonaise à Philadelphie, le 23 septembre 2024 (RYAN COLLERD)

En Pennsylvanie, Etat crucial dans la course à la Maison Blanche, les démocrates tentent de séduire l'importante diaspora polonaise en insistant sur le danger d'une avancée de Poutine en Europe. Mais près de Philadelphie, nombre d'immigrés dont les familles ont fui le communisme préfèrent Donald Trump.

La guerre en Ukraine, "il est temps d'y mettre fin", résume Jolanta Gora, arrivée aux Etats-Unis voici 32 ans.

"Et je pense que Trump est la seule personne qui puisse négocier avec (le président russe Vladimir) Poutine pour mettre fin au conflit", déclare-t-elle à l'AFP, lors d'un récent rassemblement de la communauté polonaise à Doylestown, près de Philadelphie, dans le nord-est des Etats-Unis.

Le président polonais conservateur Andrzej Duda, venu au Sanctuaire national de Notre-Dame de Czestochowa pour inaugurer un monument dédié aux Polonais qui ont combattu le communisme, exhorte les gens à voter le 5 novembre -- sans officiellement prendre parti.

Mais Jolanta Gora n'a aucun doute, elle qui brandit avec son amie Malgorzata un drapeau "Trump 2024".

"Je me souviens d'autrefois en Pologne, quand j'étais petite, quand le gouvernement communiste régissait nos vies. Je ne veux pas de ça en Pennsylvanie, je ne veux pas de ça en Amérique", dit-elle avec son léger accent. "C'est pourquoi, comme citoyenne Américano-polonaise, je vote pour Trump."

- Publicité ciblée -

Nombre des participants auraient aimé voir en personne le candidat républicain, un temps annoncé sur place. Donald Trump n'est finalement pas venu, mais a écrit un mot à destination de la "géniale" diaspora polonaise et de son "grand ami" Andrzej Duda.

La vice-présidente démocrate Kamala Harris n'est pas en reste quand il s'agit d'appels du pied. Lors de son débat avec Donald Trump, le 10 septembre, elle a demandé à l'ancien président: "Pourquoi n'allez-vous donc pas dire aux 800.000 Américano-polonais de Pennsylvanie, avec quelle rapidité vous céderiez" face à Vladimir Poutine?

Dans une élection qui va sans doute se jouer à quelques milliers de voix dans une poignée d'Etats clés, les démocrates mènent une stratégie de ciblage de segments de l'électorat.

Une publicité pro-Harris diffusée sur les réseaux sociaux vise ainsi spécifiquement les Américano-polonais.

Le clip de 30 secondes reprend un discours de Donald Trump, prévenant les dirigeants européens qui ne paieraient pas assez pour l'Otan: "Non, je ne vous protègerais pas. En fait, j'encouragerais (les Russes) à vous faire ce qu'ils veulent".

A l'inverse, Kamala Harris "va défendre nos courageux alliés", dit une voix off dans la publicité démocrate.

"C'est vraiment la première fois qu'une candidate à la présidentielle cible directement la communauté polonaise", explique à l'AFP Maureen Pikarski, avocate à Chicago impliquée dans cette campagne publicitaire au côté d'un démocrate du New Jersey, Tom Malinowski.

- "Très inquiet" -

En Pennsylvanie, Joe Biden l'avait emporté en 2020 contre Donald Trump par un petit point de pourcentage, soit 80.555 voix.

Au sein de la diaspora polonaise des Etats-Unis, forte de quelque huit millions de personnes selon le dernier recensement, les deux candidats "sont au coude-à-coude", estime Maureen Pikarski.

Les démocrates espèrent convaincre le plus possible d'indépendants, plus nombreux chez les Américano-polonais qu'au sein de la population américaine générale, souligne Dominik Stecula, professeur de sciences politiques à l'Université d'Etat de l'Ohio.

"Je ne pense pas que les candidats s'attendent à récupérer les voix" de tous les Américano-polonais, "je pense que c'est simplement une stratégie pour s'assurer de quelques voix de plus" dans les Etats clés pour l'élection présidentielle, analyse ce spécialiste de la diaspora polonaise aux Etats-Unis.

Elle est particulièrement importante dans le Wisconsin (7,7% de la population déclare une ascendance polonaise), le Michigan (7,2%) et la Pennsylvanie (5,3%), qui figurent parmi les sept Etats qui pèseront probablement très lourd en novembre.

Le discours démocrate semble toucher partiellement sa cible. "Nous sommes très inquiets de ce qui se passe en Ukraine", dit Timothy Kuzma, le président des Polish Falcons of America, rencontré à Doylestown.

Vêtu d'un képi et d'une veste aux insignes de cette organisation communautaire, il juge que les Polonais d'Amérique "ne veulent pas d'une Ukraine contrôlée par la Russie" à la frontière de la Pologne.

Il est "heureux" que Kamala Harris ait mentionné les Polonais lors du débat. "Dans un Etat comme la Pennsylvanie, avec une grande population polonaise, une variation de 5.000, 10.000, 15.000 électeurs, ça peut tout changer!"

ube/ev