Publicité

Le Pen n'a-t-elle jamais voté de loi sécuritaire sous Macron, comme le prétend Darmanin?

Marine Le Pen pendant une conférence de presser au siège du Rassemblement national à Nanterre, le 28 juillet 2020 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP
Marine Le Pen pendant une conférence de presser au siège du Rassemblement national à Nanterre, le 28 juillet 2020 - Christophe ARCHAMBAULT © 2019 AFP

Ce lundi, Gérald Darmanin a voulu prendre les électeurs de Marine Le Pen à témoin. Au micro de BFMTV, le ministre de l'Intérieur a vivement tancé la présidente du Rassemblement national. Après l'avoir qualifiée d'irresponsable, il lui a reproché de ne jamais avoir voté "une disposition, en trois ans, pour renforcer la sécurité des Français".

L'attaque est somme toute logique, étant donné l'importance de ce thème aux yeux du RN. À vingt mois de l'élection présidentielle, chacun cherche à illustrer sa crédibilité dans les domaines régaliens. Tout dépend de la manière dont on évalue les résultats des dispositions préparées puis soumises au processus parlementaire par le gouvernement.

Un seul vote pour... un article de loi

Si l'on se réfère au détail des votes auxquels Marine Le Pen a pris part à l'Assemblée nationale, l'affirmation de Gérald Darmanin est juste: la députée du Pas-de-Calais n'a voté aucune des lois sécuritaires défendues par l'exécutif. C'est le cas de la loi "sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme", adoptée en octobre 2017, à laquelle la patronne du RN s'est opposée lors du vote en première lecture.

Il en va de même pour la loi asile et immigration, portée par Gérard Collomb lors de débats houleux au Palais-Bourbon durant le printemps 2018. Lorsqu'elle était présente dans l'hémicycle, Marine Le Pen a voté contre l'ensemble des articles du texte, sauf un, l'article 5, qui doit permettre en substance à l'OFPRA de mettre fin au statut de réfugié en cas de condamnations pour faits graves, notamment de terrorisme. Cette disposition, comme l'ensemble du projet de loi, a d'ailleurs suscité de fortes dissensions internes à la majorité.

En définitive, celle qui est d'ores et déjà la candidate du RN à la prochaine présidentielle avait voté contre le projet de loi. Idem pour les trois projets de loi de finances adoptés depuis le début du quinquennat, dont Gérald Darmanin estime qu'ils ont augmenté les moyens des forces de l'ordre - constat qui fait d'ailleurs débat.

"Poudre aux yeux"

L'intéressée ne s'en cache pas. "Depuis 3 ans, les textes du gouvernement en matière de sécurité ont été soit inefficaces avec les criminels (les chiffres le prouvent), soit attentatoires aux libertés des honnêtes gens (les décisions du Conseil Constitutionnel le montrent)", a écrit Marine Le Pen sur Twitter. Son entourage développe cette lecture des choses.

"C'est de la poudre aux yeux. Dans tous leurs textes (sur la sécurité, NDLR), ils insèrent des trucs complètement nuls. Ils ont une technique, c'est de ne pas s'attaquer aux vrais problèmes. Donc il peut y avoir des avancées ponctuelles ici et là, mais on ne va pas voter des trucs qui ne vont pas fonctionner. Vous trouvez que la loi asile et immigration a résolu le problème de l'immigration, vous?", tance un membre du bureau national du parti auprès de BFMTV.com.

Au-delà du jugement global porté par le RN sur l'action de l'exécutif en matière sécuritaire, il y a le cas spécifique de Gérald Darmanin. Sa nomination au ministère de l'Intérieur en juillet est censée - d'un point de vue strictement politique - permettre à Emmanuel Macron de garder une mainmise sur l'électorat de droite en vue de l'échéance de 2022.

"Café du commerce"

D'où la volonté de Marine Le Pen de faire de la sécurité le thème phare de sa rentrée à Fréjus, où elle a fait ses gammes de manière assez classique, visant en particulier Eric Dupond-Moretti, qu'elle accuse d'être plus laxiste que Christiane Taubira. Selon Philippe Olivier, eurodéputé et proche conseiller de la présidente du RN, "Darmanin sert des arguments de café du commerce". Usant de certains arguments similaires à ceux des Républicains, il poursuit:

"On ne doit pas voter un texte de loi simplement parce que le titre est joli. Darmanin fait du sous-Sarko. Et M. Dupond-Moretti, il va apprendre ce que c'est que la politique. En 2022, on va les essorer. Ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils ont en face."

Puis de reconnaître, plus loin, que les deux hommes ne sont à leur poste que depuis deux mois. Bien en mal, donc, d'afficher le moindre bilan en matière de maintien de l'ordre. "On ne va pas faire de procès d'intention, mais disons que pour l'instant, c'est très léger..."

Article original publié sur BFMTV.com