A peine nommé, Barnier déjà sous le feu de la gauche et la pression du RN

Tout juste nommé à Matignon, Michel Barnier essuie samedi les tirs croisés de la gauche, qui a appelé à manifester dans des dizaines de villes pour dénoncer "un coup de force", et du Rassemblement national, qui dit placer le nouveau Premier ministre "sous surveillance".

Baptême du feu: alors qu'il doit effectuer en début d'après-midi son premier déplacement dans son costume de chef de gouvernement, Michel Barnier doit déjà faire face à des manifestations à l'appel de La France insoumise, notamment à Paris où un cortège s'est élancé de la place de la Bastille vers 14H30.

La colère exprimée est d'abord tournée contre Emmanuel Macron et son "coup de force démocratique", selon les mots des initiateurs de la marche, furieux de ne pas voir nommée à Matignon Lucie Castets, candidate d'une gauche unie forte de 193 députés.

Deux mois après les législatives anticipées, "l'élection a été volée", assure le patriarche insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui exhorte à une forte mobilisation sur les quelque "150 points à travers la France" revendiqués par les organisateurs.

Le choix de Michel Barnier, issu de la droite, a renforcé la détermination des manifestants, même si la police n'anticipait qu'une affluence limitée (entre 4.000 et 8.000 personnes à Paris). "Nous voyons qu'un pacte à été scellé entre la macronie, la droite et l'extrême droite", a pesté la députée LFI Aurélie Trouvé au départ de la marche dans la capitale, alors que fusaient dans la foule des "Macron démission".

Et si M. Barnier a indiqué vendredi soir être prêt à travailler avec la gauche, "personne n'est dupe", a ajouté Mme Trouvé, qui n'a guère apprécié le discours de fermeté sur l'immigration du pensionnaire de Matignon, jugeant qu'il répétait "ce que l'extrême droite a toujours dit".

L'initiative, lancée fin août par deux syndicats d'étudiants et de lycéens puis reprise en main par LFI, s'inscrit dans une stratégie de contestation plus large des Insoumis qui ont déposé également à l'Assemblée une procédure de destitution du président.

Mais les troupes mélenchonistes peinent à faire le plein de soutien à gauche: comme les grandes centrales syndicales, le PS n'a pas relayé l'appel à manifester samedi ; et seuls six élus écologistes et trois ultramarins ont paraphé, en plus des députés LFI, la proposition de destitution.

- Un gouvernement "fragile" ? -

Mais la pression n'est pas venue que de la gauche samedi. Le président du Rassemblement national Jordan Bardella, en déplacement à la foire de Chalons-en-Champagne, a exigé de M. Barnier que "les sujets du Rassemblement national" soient pris en compte par un futur gouvernement étiqueté comme "fragile".

"Je souhaite que le Premier ministre et le futur gouvernement puissent non seulement se mettre au travail, mais qu'ils puissent être attentifs aux exigences qui sont désormais les nôtres. Et je crois qu'à compter de ce jour, M. Barnier est un Premier ministre sous surveillance (...) d'un parti politique qui est désormais incontournable dans le jeu parlementaire", a-t-il ajouté.

Si le RN a jusque-là fait savoir qu'il jugerait M. Barnier "sur pièces", et n'entendait pas tenter de le renverser à l'Assemblée avant de connaître le contenu de son programme, le ton s'est durci, le parti à la flamme capitalisant sur son contingent de 126 députés (142 avec les alliés d'Eric Ciotti). "Nous aurons sans doute un rôle d'arbitre dans les prochains mois et à compter d'aujourd'hui", a rappelé le chef du RN.

M. Barnier, lui, poursuit dans le même temps son installation à Matignon où il a reçu samedi matin sa prédécesseure Elisabeth Borne, avant de déjeuner à l'Assemblée nationale avec la présidente Yaël Braun-Pivet. En jeu, le casting gouvernemental mais aussi - et surtout - l'élaboration de sa feuille de route pour les prochaines semaines, exercice hautement périlleux au vu de la fragmentation de l'Assemblée.

Le Premier ministre a réservé son premier déplacement au Samu de Paris à l'hôpital Necker, où il se voudra "à l'écoute" des agents, a fait savoir son entourage. Attendu vers 15H00 sur place, il participera notamment à une table ronde avec le personnel de santé, thème qui lui est cher, avant de s'adresser à la presse à l'issue de sa visite.

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