Pedro Sánchez exhorte l'UE à "reconsidérer" les droits de douane sur les voitures électriques chinoises, révélant ainsi des fractures

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez appelle ouvertement la Commission européenne et les 26 autres États membres de l'Union européenne à "reconsidérer" les droits de douane proposés sur les véhicules électriques chinois. Cette demande révèle les fractures politiques à l'approche d'un vote décisif.

Cette mesures est destinée à compenser les subventions accordées par Pékin au secteur, qui se traduisent par des coûts artificiellement bas. À l'issue d'une enquête de plusieurs mois, la Commission a constaté que l'argent public était réparti sur l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, ce qui exposait les concurrents européens à un risque de pertes économiques.

En conséquence, l'institution a proposé des droits supplémentaires, allant de 7,8% à 35,3%, en fonction de la marque et de son niveau de coopération à l'enquête, qui viendraient s'ajouter au taux existant de 10%. Ce supplément garantirait une concurrence plus équitable sur le marché, selon la Commission.

Mais pour Pedro Sánchez, cette approche n'est peut-être pas la meilleure, surtout si elle déclenche des mesures de rétorsion à l'encontre des produits porcins, un secteur clef pour l'Espagne.

"Nous devons tous reconsidérer notre position à l'égard de ce mouvement, non seulement les États membres, mais aussi la Commission", a expliqué le Premier ministre espagnol à Shanghai, dernière étape de sa visite officielle de quatre jours en Chine.

"Comme je l'ai déjà dit, nous n'avons pas besoin d'une nouvelle guerre, en l'occurrence d'une guerre commerciale. Nous devons construire des ponts entre l'Union européenne et la Chine", a-t-il poursuivi.

"Depuis l'Espagne, nous nous efforcerons d'être constructifs et de trouver une solution, un compromis, entre la Chine et la Commission européenne. Si vous me posez la question, je vous répondrai que nous sommes en train de reconsidérer notre position".

Cette déclaration marque un revirement pour l'Espagne. Le pays aurait voté en faveur des droits de douane lors d'une consultation non-contraignante en juillet et devrait maintenir cette position lors du prochain vote, qui devrait avoir lieu d'ici novembre.

Ce scrutin s'annonce comme un test décisif de la volonté de l'UE de s'opposer aux pratiques commerciales déloyales de la Chine, un sujet de friction de longue date entre les 27. La France et l'Italie sont considérées comme des partisans des droits de douane supplémentaires, tandis que la Hongrie mène l'opposition. L'Allemagne subit d'intenses pressions de la part de l'industrie locale pour faire échouer la mesure, mais la coalition au pouvoir n'a pas encore fait son choix. Une majorité qualifiée sera nécessaire pour mettre fin aux droits de douane.

La Chine est accusée de jouer la carte de la division et de la conquête avec les 27, les monter les uns contre les autres et contrecarrer les décisions collectives qui seraient préjudiciables aux intérêts de Pékin. L'obtention d'un leadership mondial dans le secteur des véhicules électriques est considérée comme une priorité absolue pour le Parti communiste chinois, un objectif politique qui, selon la Commission, alimente les généreuses injections financières dans la fabrication nationale.

La Commission européenne n'a pas répondu immédiatement à une demande de commentaire.

Les propos de Pedro Sánchez coïncident avec une réunion entre des fonctionnaires de la Commission et de la Chine à Bruxelles pour discuter de l'enquête anti-subventions et des droits de douane proposés.

Le porc pris entre deux feux

Lors de sa conférence de presse, Pedro Sánchez a assuré que l'Espagne et la Chine avaient plus de sujets d'accord que de sujets de désaccord. Il a souligné la nécessité de maintenir le dialogue au "plus haut niveau". Il a ensuite reconnu que les relations bilatérales devaient être "rééquilibrées" en raison du déficit commercial entre l'UE et Pékin, une préoccupation partagée par d'autres pays.

"Nous ne voulons pas d'une guerre commerciale qui ne profiterait à personne", a insisté le dirigeant espagnol aux journalistes.

Le Premier ministre a répété à plusieurs reprises son désir de jouer un "rôle constructif" entre l’UE et Pékin et sur son espoir qu'un "compromis" soit finalement trouvé, bien qu'il n'ait pas précisé la forme que pourrait prendre cette solution.

Interrogé sur la perspective de représailles contre le secteur porcin, Pedro Sánchez a répondu que les deux questions ne devaient pas être liées. Le ministère chinois du commerce a lancé en juin une enquête antidumping sur les importations de "viande de porc et de sous-produits de viande de porc" en provenance de l'UE, quelques jours seulement après que la Commission a dévoilé sa première proposition de droits de douane.

La décision du ministère chinois pourrait ouvrir la voie à des restrictions commerciales. L'Espagne, les Pays-Bas, le Danemark, l'Allemagne et la Belgique sont considérés comme les plus vulnérables à ces représailles.

"Nous avons exprimé notre surprise de voir ces négociations commerciales se mêler à des sanctions potentielles contre un secteur qui n'a rien à voir avec le secteur automobile", a expliqué Pedro Sánchez à propos de sa rencontre avec le président Xi Jinping.

"Je pense que la population et le gouvernement chinois sont très conscients de la valeur du secteur porcin", a-t-il ajouté. "Le secteur porcin peut avoir la garantie que le gouvernement espagnol défendra, bien entendu, ses intérêts".

Les exportations européennes de Brandy sont également dans le collimateur de Pékin, les droits de douane provisoires ayant été suspendus dans l'attente du vote final de l'UE sur les véhicules électriques.