Pavageau, patron de Force ouvrière, poussé à la démission

Le sort du secrétaire général de FO, Pascal Pavageau, est de plus en plus incertain après le tollé provoqué par la révélation de l'existence d'un fichier interne contenant des commentaires injurieux à propos de cadres de l'organisation. /Photo d'archives/REUTERS/Philippe Wojazer

par Caroline Pailliez

PARIS (Reuters) - Le sort du secrétaire général de Force ouvrière (FO), Pascal Pavageau, est de plus en plus incertain après le tollé provoqué par la révélation de l'existence d'un fichier interne contenant des commentaires injurieux sur des cadres de l'organisation.

Selon des analystes, son éviction pourrait modifier le positionnement du troisième syndicat de France, opposant radical à la politique d'Emmanuel Macron depuis qu'il a succédé en avril à Jean-Claude Mailly à l'issue d'un congrès houleux.

Le malaise est sensible chez les militants de FO, traversée par de multiples courants, des anarchistes aux réformistes en passant par les trotskistes.

Le secrétaire général de la fédération FO de la métallurgie, Frédéric Homez, a ouvert le feu en appelant vendredi à la démission de Pascal Pavageau après la diffusion de notes sur 126 cadres, qui auraient été rédigées par des proches du nouveau secrétaire général quand il faisait campagne.

Des responsables y sont qualifiés d'"ordure" ou de "bête", d'autres sont l'objet de commentaires sur leur orientation politique ou sexuelle.

Neuf des quatorze membres du bureau confédéral (BC), instance suprême de FO, se sont réunis lundi en l'absence du secrétaire général qui avait souhaité annuler la réunion, tout comme celle réunion de la commission exécutive (CE), sa direction élargie, qui devait avoir lieu mercredi.

Dans une déclaration consultée par Reuters, ils rappellent les principes des droits de l'homme selon lesquels "nul ne doit être inquiété de ses opinions" et "nul de doit faire l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée".

"Tout doit être mis en oeuvre pour condamner et sanctionner en conséquence toute pratique incompatible avec ces principes fondamentaux", peut-on encore lire dans cette déclaration.

"Des dispositions claires et incontestables en termes d'organisations et de fonctionnement doivent être prises corrigeant les dérives qui ont pu conduire à cette situation et faisant en sorte qu'elle ne puisse plus se reproduire", ajoutent les auteurs de ce texte.

Pour ces neuf membres du BC, la réunion de la CE, mercredi, est "légitime et indispensable".

L'enjeu de cette réunion est d'importance car c'est cette commission qui peut convoquer le Comité confédéral national (CCN), sorte de parlement de FO composé des fédérations et des unions départementales, qui a le pouvoir de destituer un dirigeant et d'en nommer un nouveau.

Cet épisode rouvre les plaies du congrès d'avril, quand la passation de pouvoir entre Jean-Claude Mailly et Pascal Pavageau s'était déroulée de manière conflictuelle.

LES AUTRES SYNDICATS INQUIETS

"(Pascal Pavageau) doit affronter une tempête interne qui n'est que la réplique d'une tempête de plusieurs mois", a dit à Reuters le président de la CFE-CGC, François Hommeril, pour expliquer l'apparition de ce fichier dans les médias.

Eric Beynel, porte-parole de l'Union syndicale Solidaires, qui appelle à davantage de mobilisation de la part des syndicats pour contrer les réformes sociales du gouvernement, craint que cet épisode n'ouvre la voie aux réformistes de FO, proches de Jean-Claude Mailly.

Lundi matin, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé son homologue de FO à démissionner, pour ne pas entacher l'image du syndicalisme.

"Lorsqu'on n'est pas conforme à l'éthique qu'on s'est fixé (..) il faut partir", a-t-il dit sur franceinfo, en souhaitant qu'on ne fasse pas l'"amalgame" avec les autres syndicats.

Une inquiétude perceptible dans d'autres organisations. "Je ne veux pas que le syndicalisme soit affaibli", a ainsi déclaré François Hommeril.

"Ce n'est bon pour personne, c'est une évidence", a dit Eric Beynel. "Si à l'intérieur des organisations syndicales on se comporte comme les patrons qu'on dénonce, ça montre un manque de cohérence."

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, s'est dite dimanche "choquée" et "scandalisée par cette histoire de fichiers indignes". "Ça ne représente pas le syndicalisme français (...). Je peux travailler avec FO mais pas avec des méthodes comme ça", a-t-elle déclaré à l'émission Questions politiques de France Inter, franceinfo et Le Monde.

Pour Jean-Dominique Simonpoli, directeur de l'association Dialogues et ancien responsable de la CGT, cette situation doit amener les organisations syndicales à se réformer.

"Peut-être que ça pose la question de la manière dont les contre-pouvoirs sont organisés au sein des organisations syndicales pour éviter ce genre de pratique. Il y a peut-être un sentiment d'impunité de certains", estime-t-il.

(Edité par Emmanuel Jarry)