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Patrick Melrose sur Canal+ : que vaut la mini-série dramatique avec Benedict Cumberbatch ?

Attention, cet article contient des spoilers sur la série !

C'est quoi ?

Coureur de jupons alcoolique et narcissique, Patrick Melrose est un pur produit de l'aristocratie britannique. Cet homme aux tendances schizophrènes et suicidaires a connu une enfance privilégiée mais profondément traumatisante, au sein d'une famille pour le moins dysfonctionnelle. Le décès de son père tyrannique va très vite faire remonter à la surface de pénibles souvenirs...

 

C'est avec qui ?

Après la dernière saison de Sherlock en 2017 et l'unitaire Brexit (qui sera diffusé le 28 mars sur Canal+), Benedict Cumberbatch revient sur le petit écran en produisant cette mini-série en cinq épisodes, tirée des romans semi-autobiographiques d'Edward St. Aubyn dont il rêvait d'interpréter le rôle-titre. Hugo Weaving et Jennifer Jason Leigh incarnent un couple sclérosé des plus glaçants et délivrent d'intenses performances tout au long du récit, développé par David Nicholls (Un Jour, Loin de la foule déchaînée).

Notre avis

Patrick Melrose est une plongée vertigineuse dans les mécanismes de l'abus, illustrant la chape de plomb  qui règne au sein des familles bourgeoises et l'impuissance des victimes face à leur oppresseur, d'autant plus lorsque celui-ci incarne la figure d'autorité paternelle. Un propos  souligné par une ironie dramatique grinçante : "Ce n'est que naturel que les persécutés deviennent les persécuteurs", déclare ainsi l'un des invités de David Melrose (Hugo Weaving) lors d'un dîner, au détour d'une conversation sur l'empereur romain Caligula.  En filigrane se dresse une dénonciation d'un système scolaire anglais harchaïque et punitif, où les enfants (y compris ceux issus de l'élite bourgeoise) subissaient  de nombreux châtiments corporels et bien pire encore, sous couvert d'autorité religieuse. Pour le héros, Patrick, un seul mot d'ordre règne dans la façon de gérer son addiction comme l'emprise de son père : l'excès. Ces longues années de soumission et de silence, venues éclater à l'âge adulte, emportent tout sur leur passage : sa stabilité, sa relation aux autres et sa santé mentale, à laquelle seules les drogues peuvent pallier.

 

Le récit se déroule sur quatre temporalités différentes : une pendant l'enfance, deux à l'âge adulte, et une au temps présent. Chacune retranscrit une étape-charnière dans la vie de Patrick et sa lutte pour échapper à ses démons. L'intrigue, construite en flashback, souligne les ravages du traumatisme vécu par Patrick enfant, et se déroule en parallèle de son parcours vers la désintoxication, et sa quête de salut à travers la souffrance. Sur le plan esthétique, la série, réalisée par Edward Berger (The Terror), est stylisée à l'extrême - trop peut-être, face à un sujet aussi éprouvant, et son manque de sobriété prend parfois le risque de décrédibiliser le propos, ou de le tourner en parodie. En dépit d'un casting imparable, certains acteurs, Cumberbatch en tête, en font parfois trop, et frisent le cabotinage. Mais l'atmosphère quasi-étouffante de certaines séquences, tant dans les flashbacks que dans les séquences de défonce hallucinantes de réalisme de l'épisode pilote, finissent par nous emporter en exerçant une fascination malsaine sur le spectateur, si inconfortables qu'elles puissent paraître.

En somme, Patrick Melrose est un objet stylistique incontournable comme les britanniques savent si bien le faire en matière de télévision, puisant dans un récit douloureux pour en faire une illustration du combat pour se reconstruire lorsque son enfance a été détruite. Le thème des violences sexuelles sur mineurs, malheureusement d'une brûlante actualité, nous frappe de plein fouet. Un mal qu'il est nécessaire d'expérimenter à travers la fiction.