Patrick Hughes : une perspective renversante au Grand Palais

Drôles et facétieuses, les créations du peintre britannique exposées ce week-end à Paris déroutent le spectateur pour son plus grand plaisir. À toucher avec les yeux.

Patrick Hughes réalisant The Palace of Peggy, 2014. © Patrick Hughes
Patrick Hughes réalisant The Palace of Peggy, 2014. © Patrick Hughes

Art Paris Art Fair prend ses quartiers jusqu’au 29 mars sous la verrière du Grand Palais, dans le 8ème arrondissement de la capitale. Cette année, la foire d’art contemporain accentue son ouverture internationale en accueillant 145 exposants venus des quatre coins du monde.

Parmi eux, la Flowers Gallery de Londres a choisi de donner un coup de projecteur sur l’œuvre du surréaliste anglais Patrick Hughes, premier artiste représenté par Amanda Flowers en 1970.

Les perspectives de Hughes, qui prennent souvent pour objet les canaux de Venise et Amsterdam ou les allées d’un musée, ont cette particularité qu’elles donnent l’impression de suivre le spectateur lorsque celui-ci les observe tout en se déplaçant.

Cet effet n’est en réalité que le résultat de l’ingénieuse illusion d’optique générée par une perspective en creux, ou inversée, que son inventeur nomme « reverspective » – contraction de l’anglais reverse et perspective.

The Palace of Peggy (musée Guggenheim de Venise), terminé et vu de face. © Patrick Hughes
The Palace of Peggy (musée Guggenheim de Venise), terminé et vu de face. © Patrick Hughes


« Les reverspectives, explique Hughes, sont des peintures en trois dimensions qui, lorsqu’elles sont observées de face, donnent d’abord l’impression qu’il s’agit d’une simple perspective représentée sur une surface plane.

Mais dès que l’on bouge la tête, ne serait-ce que légèrement, la surface en trois dimensions qui supporte la perspective accentue la profondeur de l’image et accélère le mouvement à une vitesse qui dépasse les attentes du cerveau.

Cet effet de mouvement et de profondeur est suffisant pour désorienter le spectateur. L’illusion est rendue possible en peignant la scène à l’inverse du relief de la surface, c’est-à-dire que les parties du motif les plus éloignées sont peintes au niveau des extrémités du support. »

« Quand Patrick a réalisé ses premières reverspectives, se souvient Amande Flowers, et que nous les avons exposées, les gens tapaient du pied sur le sol, pensant qu’il y avait quelque chose dessous qui les faisait bouger… c’était tout simplement incroyable. »

All-out Mondrian, 2005, fait partie des œuvres exposées au Grand Palais. © Patrick Hughes
All-out Mondrian, 2005, fait partie des œuvres exposées au Grand Palais. © Patrick Hughes

Lorsqu’il séjournait chez ses grands-parents près de Liverpool, à l’âge de trois ou quatre ans, Patrick Hughes avait l’habitude de dormir dans la réserve, sous les escaliers, et d’écouter les sirènes anti-aériennes et les bombes tomber. « J’observais l’envers des escaliers, que seule une mouche aurait pu gravir.

Les bombardements, l’obscurité et cette vision du monde à l’envers, tandis que ma mère dormait à mes côtés sont des moments qui m’ont marqué ». Pendant toute sa carrière, Patrick Hughes n’a eu de cesse de faire les choses à l’envers.

« En tant qu’artiste, de 1959 à 1989, j’ai passé beaucoup de temps à réfléchir à ce que je devrais faire et comment, plutôt qu’à concrètement créer des choses.

À partir de 1990 et mes premières reverspectives, c’est devenu l’inverse, parce que leur préparation est un processus laborieux qui peut prendre jusqu’à six mois. Puis j’ai utilisé un ordinateur pour les calculs géométriques, ce qui m'a permis de travailler plus vite ».

Curious Cabinets, 2012, met en vitrine certaines des premières créations de Hughes. © Patrick Hughes
Curious Cabinets, 2012, met en vitrine certaines des premières créations de Hughes. © Patrick Hughes

« Je me rends compte maintenant, après 55 ans passés à faire de l'art, que dans la première partie de ma carrière, j’ai surtout cherché à montrer l’absurdité de la vie, tandis que dans la seconde, avec mes reverspectives en trois dimensions, j’ai plutôt laissé le public faire lui-même l’expérience de cette absurdité paradoxale – un peu à la manière d’un bon professeur.

On pourrait aussi dire à propos de ma vie d'artiste qu’elle a commencé dans la poésie pour se finir dans la prose. »

Les reverspectives de Patrick Hughes sont disséminés un peu partout dans le monde, et particulièrement au Royaume-Uni :

Birmingham Museum and Art Gallery, Birmingham
Gallery of Modern Art, Glasgow
The British Library, Londres
Victoria & Albert Museum, Londres
Hilton London Metropole, Londres
Radisson Blu Hotel, Glasgow

L'artiste ouvre aussi régulièrement les portes de son studio de Shoreditch, à Londres, pour des visites gratuites organisées par Flowers Gallery.