Patrick Buisson exhorte la droite à ne pas "s'enrôler dans une croisade contre l'islam"

Patrick Buisson était l'invité de notre journaliste Apolline de Malherbe ce samedi.  - BFMTV
Patrick Buisson était l'invité de notre journaliste Apolline de Malherbe ce samedi. - BFMTV

Patrick Buisson, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy, est un historien et intellectuel de droite, n'hésitant pas à se présenter comme réactionnaire. Pour autant, celui qui vient de publier l'essai La fin d'un monde n'hésite pas davantage à exprimer des idées minoritaires dans son propre camp. Invité de notre émission Apolline de Malherbe, le rendez-vous ce samedi, il a ainsi jugé que sa famille politique cultivait une attitude belliqueuse à l'égard de l'islam et le lui a reproché.

"Je dis à mes amis de droite, il m’en reste encore beaucoup: ne vous laissez pas enrôler dans une croisade contre l’Islam", a-t-il lancé en préambule. Il a poursuivi: "Vous faites fausse route, ce n’est pas le bon chemin, c’est une erreur magistrale que nous paierons. Le problème ce n’est pas tant l’Islam que l’immigration. Il ne faut pas se tromper dans l’analyse." "Ceux qui se trompent dans l’analyse seront responsables des grands malheurs qui pourraient arriver à la France dans les années à venir", a-t-il averti.

L'islam, simple "miroir de nos insuffisances"

Patrick Buisson a donné une explication mêlant psychologie et politique à ce sentiment qu'il prête à la droite. "L’islam n’est que le miroir de nos insuffisances et de nos démissions. L’islam nous renvoie à l’image de notre déclin et de notre décadence. C’est ça qui nous est insupportable", a-t-il ainsi affirmé.

Il a d'ailleurs plaidé pour laisser une plus grande latitude à la pratique religieuse dans l'espace public en France. "Nous sommes pratiquement la seule nation d’Europe où les signes religieux sont interdits dans l’espace public, pratiquement bannis. Je n’ai jamais été un laïciste forcené, je trouve qu’on pourrait manifester sa foi comme on l’entend", a-t-il développé.

Il a ramassé son raisonnement en deux formules définitives: "J’ai plus de respect pour une femme voilée que pour une lolita en string de 13 ans. J’ai plus de respect pour un musulman qui fait sa prière cinq fois par jour que pour les bobos écolos à trottinette". L'essayiste a alors dressé un éloge des musulmans pratiquants:

"Je considère qu’en humanité, ils ne sont pas des êtres inférieurs, j’ai même tendance à considérer qu’ils sont des êtres supérieurs."

"Inhabitable" séparation

Il a élargi cette louange au sens du sacré de l'ensemble des croyants. Faisant implicitement référence à la charte des principes de l'islam de France et aux propos du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui avait estimé qu'on ne pouvait discuter avec des gens "refusant de placer la loi de la République au-dessus de la loi de Dieu", l'historien a observé: "Un catholique pense que la loi naturelle est au-dessus de la loi de la République. Ça ne me scandalise absolument pas qu’un croyant place la loi naturelle, la loi divine au-dessus de celles de la République".

Citant un propos du philosophe libéral Pierre Manent - 'On n’habite pas une séparation' - Patrick Buisson a déploré:

"Il y a une séparation entre les musulmans et la société française : ils sont habités d’un double sentiment explosif. Un sentiment de supériorité en terme de civilisation - ils nous regardent comme une société apostate, décadente, réduite à la consommation - et l’autre sentiment, c’est le sentiment d’infériorité lié à leur marginalité dans notre société".

"Notre rapport à l’Islam est lié au recul du sacré dans notre société. Nous sommes une société où le sacré est étranger. Comment voulez-vous que les musulmans s’assimilent? Quelles valeurs nous leur proposons?", avait-il posé au préalable.

"Vivre-ensemble" à une condition

Pour autant, l'historien reconnaît qu'une vie en commun est possible. Il soutient toutefois que "le problème du vivre-ensemble ne se pose pas seulement du côté des musulmans, il se pose du côté des Français, de la communauté nationale". Patrick Buisson fixe une condition à ce "vivre-ensemble".

"Ça fonctionne quand on partage le sacré, quand on ne réduit pas l’Homme à un être unidimensionnel (en référence à l'analyse du philosophe marxiste Herbert Marcuse dans un livre du même titre très populaire à gauche dans les années 1960, NDLR), réduit à ce qu’il consomme, à sa peau", a-t-il dit.

Article original publié sur BFMTV.com